Ecoles Steiner-Waldorf : “Une volonté, de la part du personnel encadrant, d’éloigner les enfants de leurs parents“ (Miviludes)
Paru dans Scolaire le jeudi 03 novembre 2022.
“Maman, je dois arrêter de t’aimer pour m’occuper de moi tout seul“. Cette phrase, rapportée par un parent d'élève à la Miviludes, aurait été prononcée par son enfant de moins de 5 ans scolarisé dans une école Steiner-Waldorf.
Les écoles Steiner-Waldorf
Dans son rapport d'activité 2021 paru jeudi 3 novembre, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires fait en effet état des saisines et témoignages reçus “à l’égard des risques potentiels“ que celles-ci peuvent représenter, entre autres dans la vingtaine d'écoles Steiner-Waldorf présentes en France.
Issues du “mouvement anthroposophique“, sont ainsi évoquées ces écoles aux pratiques et à la pédagogie “controversées“, “privées et souvent onéreuses, certaines d’entre elles facturent une année entre 2 500 et 5 000 euros“, avec “une implantation importante (..) dans le sud-est du pays, notamment dans les départements de forte tradition protestante“.
Selon les éléments recueillis par la mission, “le développement de l’enfant ne suivrait pas toujours le rythme du système de l’Éducation nationale“ et “on n’y apprendrait pas à lire avant sept à huit ans“. De même, dans certaines écoles, “les sciences reconnues n’y sont pas enseignées avant la sixième“. Il aurait été mentionné à une enseignante ayant passé un entretien d’embauche “que l’Histoire devait y être instruite selon leur vision, autrement dit, par des mythes.“
Autre témoignage, celui d'un parent qui dénonce le “contrôle incroyable“ sur le comportement alimentaire des enfants, avec toute l’alimentation qui serait “sans graisse, ni beurre, ni farine de blé“ et “les enfants n’auraient le droit à un dessert qu’un jour sur deux“. Plus encore, lors des déjeuners à la cantine, le personnel poserait des questions aux enfants “très intimes sur la vie de leurs parents“ et leur diraient “vous avez choisi vos parents avant de venir au monde“ ou “vous pouvez vous débrouiller seuls et ne pas être d’accord avec eux“.
C'est pourquoi la Miviludes perçoit, à travers un “fonctionnement particulièrement opaque“, ciblant “un public vulnérable“, la mise en œuvre d’une potentielle emprise mentale, subtile, avec une “volonté, de la part du personnel encadrant, d’éloigner les enfants de leurs parents afin de pouvoir mieux les contrôler“.
Le principal pourfendeur de ces établissements se nomme Grégoire Perra, ancien élève et professeur au sein du réseau. L’association Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France a intenté deux procès pour diffamation à son encontre, pour lesquels il a été relaxé. Son propos, explique la mission, dénonce les effets pervers d’une “sorte d’atmosphère religieuse permanente“ qui s’inscrira dans le psychisme des élèves “comme une addiction“. Il visait par ce fait à alerter sur les risques de “pratiques d’endoctrinement“ encourus par les élèves. Une “survalorisation des ego“ et “l’exaltation exacerbée de l’imaginaire mystique“ participeraient pleinement à l’endoctrinement des élèves, qui seraient également victimes d’une “adhésion forcée à des repères et des pratiques et un langage différent“ et soumis à “la présence de nombreux repères volontairement différents de ceux de la société“.
Par ailleurs, “des relations d’ordre amical ou plus encore d’ordre sentimental, s’instaurent très vite entre les enseignants Steiner-Waldorf et leurs élèves“, poursuit-il, et “cette proximité permanente des élèves avec leur enseignant est telle que personne ne voit plus l’anormalité qu’elle peut représenter, jusqu’au jour où d’importants dérapages poussent parfois les responsables à prendre quelques mesures provisoires“. Ainsi dans ces écoles “règne une sorte d’atmosphère incestuelle permanente qui peut faire perdre la tête rapidement à tout le monde“.
Dès lors, la pédagogie des écoles Steiner-Waldorf qui “se présente sous le visage d’une pédagogie modernisée, innovante, progressiste, alternative, émancipatrice, éduquant vers la liberté est en réalité une pédagogie endoctrinante et rétrograde, totalement figée depuis 100 ans, refusant délibérément la visée émancipatrice des Lumières qui voudraient permettre aux individus de devenir des sujets libres et responsables d’eux-mêmes par l’usage de leur raison“, conclut Grégoire Perra, cité par la MIVILUDES.
Méditation de pleine conscience
Elle évoque aussi la méditation de pleine conscience, qui “a fait l’objet d’un engouement croissant et d’une promotion mercantile très active“, suscitant des interrogations au sujet de son introduction auprès d’enfants et d’adolescents.
Pour ces derniers, “par définition des individus vulnérables et en construction, cette pratique, qui implique un certain repli sur soi et invite à faire abstraction du monde qui nous entoure, peut réactiver des traumatismes ou des souvenirs enfouis et se révéler être une expérience très déstabilisante“. Ainsi la Mission interministérielle a pu observer ces dernières années une prolifération de pratiques et d’offres pédagogiques dites “alternatives“ dont le succès “tient au fait de cibler des difficultés particulières (scolaires, d’insertion sociale ou de handicap) et à la propagande offensive portée par des associations et des entreprises venant d’horizons très différents.“
Comme dans beaucoup de pratiques, les risques de dérives sont étroitement liés à l’usage que l’instructeur en fait, c'est pourquoi “le danger observé réside dans l’amateurisme de certains prestataires, dans l’absence de formation psychologique ou pédagogique des instructeurs et dans le manque de recul critique, à la fois pédagogique et déontologique. Le risque est d’autant plus important lorsque la pratique s’adresse à des mineurs sur lesquels l’instructeur peut facilement exercer un fort ascendant. La méditation n’étant ni encadrée, ni réglementée, chacun peut s’autoproclamer instructeur.“
Est donc pointé, “au regard de l’augmentation du nombre de propositions adressées aux parents, enfants et adolescents, l’entrisme auprès de jeunes publics d’associations revendiquant la promotion du bien-être et les promesses de développement personnel pour masquer des pratiques à risque de dérives sectaires“.
La Famille et les Témoins de Jéhovah
A noter que la Miviludes apporte également un éclairage sur les Témoins de Jéhovah qui “enseignent à leurs enfants que le monde tel qu’il est aujourd’hui est voué à une destruction prochaine“, ou par exemple sur la Famille, une enclave religieuse située à Paris qui “semble imposer un parcours scolaire et professionnel aux enfants de la communauté“.
Au total en 2021, 4020 saisines ont été reçues par la Miviludes, en hausse de 33,6 % par rapport à 2020 (soit 1012 dossiers supplémentaires). 493 saisines, soit 12 % du compte global, ont été attribuées au pôle Éducation-Jeunesse. 396 situations ont concerné des mineurs.
Le rapport annuel 2021 ici