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Comment racisme et antisémitisme circulent à l'école, et comment elle les affronte (ouvrage)

Paru dans Scolaire le mardi 04 octobre 2022.

“Pour les élèves le racisme se manifeste lorsqu'ils sont témoins ou victimes de l'interaction conflictuelle entre des groupes ou des individus identifiés par leur appartenance à un groupe“, peut-on lire dans le dernier ouvrage d'Antoine Aramini, chercheur et enseignant durant plus de vingt années.

Le sociologue s'est en effet attaché à donner la parole aux acteurs de terrain pour “mettre en lumière les manifestations du racisme et de l'antisémitisme dans les établissements scolaires et les stratégies mises en place pour les combattre“. Il relate ainsi les tensions, non-dits ou autres paroles qui sont “surinterprétées en terme d'appartenance“, d'où une “nature interactionnelle“ du racisme que les jeunes ont pu rencontrer, racisme qui n'est cependant “pas un ensemble d'idées auxquelles on croit mais une lecture du social imprégnée d'un vocabulaire racialisant“.

Hugo (en lycée professionnel, section métiers de la sécurité) : “Clairement, c'est par groupes. Le groupe des blancs, le groupe des Arabes.“

Ces problèmes se traduisent dès lors dans le milieu scolaire “par une circulation cyclique des affects racistes“ mais “dans le cycle du racisme, ce qui est cyclique c'est la violence“, précise l'auteur, et tout le monde se renvoie la faute dans une relation d'auto-engendrement. D'ailleurs, “les élèves ne voient pas la cause de ces violences dans l'appartenance ethnique, mais dans le rôle social qui leur est attribué“. Ces relations d'hostilité naissent sur fond de difficultés sociales, de concurrences qui obligent chacun à s'auto-assigner une race, et pour certains c'est “l'anticipation du rejet (qui) produit un repli défensif qui pourra devenir offensif“, d'autant que la dimension supposée antiraciste de l'école “ne va pas de soi“, confrontée aux tensions qui apparaissent au sein même de la lutte antiraciste.

Est ainsi évoquée d'une part la lutte antiraciste différentialiste qui “risque de conforter dans l'affirmation de leur différence des identités déjà rigides et non de les fluidifier“, alors que “s'affirme une identité différentielle de la part de ceux qui ont subi et subissent le racisme ‘classique‘ en tant qu'étrangers ou perçus comme tels“. D'autre part, la perspective “universaliste“ de la lutte antiraciste, elle, “se heurte à la réalité de la violence sociale et le mélange n'a de sens que s'il est vécu autrement que comme une souffrance“, continue l'enseignant.

“Au cours de mes entretiens où il a été question des pratiques, des contenus et du rôle social de l'école, poursuit-il, j'ai constaté d'une part que les professeurs peuvent exprimer de profondes divergences quant à la nature du credo antiraciste de l'école, et d'autre part que les élèves et leurs parents ne sont pas unanimes sur le fait même que l'école soit antiraciste.“

Aussi, “mener une lutte antiraciste suppose de déterminer qui est légitime pour la conduire“ mais pose la question de l'autonomie du champ de l'action antiraciste en milieu scolaire, alors que des “contradictions institutionnelles“ peuvent apparaître.

Un principal de collège : “Le préfet a fait un courrier à l'Inspectrice d'académie en disant : ‘Vous allez rappeler le collège des Sapins pour leur expliquer que cette association on voudrait bien qu'elle se calme un peu‘ ; (...) En fait l'action ‘rencontre des migrants‘ était terminée, il ne restait que la partie culturelle, la partie artistique. (…) Ça nous a coupé les pattes, donc on a dit ‘bon, ben stop!‘."

En outre, si les actions contre le racisme sont à la fois si nécessaires et si difficiles à conduire, estime le sociologue François Dubet en introduction de l'ouvrage c'est parce que “le monde scolaire n'a pas véritablement de doctrine et de convictions homogènes sur cette question“. Dès lors, tous les enseignants se “sentent d'autant plus faibles que l'action contre le racisme peut ouvrir une boîte de Pandore et accentuer les tensions que l'on voudrait réduire.“

Aurélien Aramini traite enfin la question de l'antisémitisme dans un chapitre séparé, avec cette idée qu'il “se distingue de tous les autres racismes par son hostilité à une communauté absente“. Celui-ci “ne procède pas d'une exacerbation des luttes de concurrence dans l'espace social effectif mais dans un espace symbolique et virtuel, propice à tous les fantasmes“. Il apparaît alors “sous la forme d'un racisme sans individus“, et les juifs sont l'objet d'un discours souvent virulent alors que “leur existence réelle relève d'un imaginaire“.

Du racisme et des jeunes, Aurélien Aramini, Editions de l'aube, 232p., 21 €

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