Les invisibles de l'éducation peinent à se faire entendre (G. Fotinos)
Paru dans Scolaire le lundi 26 septembre 2022.
"L’environnement de travail chez les personnels d’administration de l’Education nationale est plutôt mauvais voire oppressant", écrivent Georges Fotinos et José Mario Horenstein, co-auteurs d'une étude sur la situation actuelle de ces personnels auxquels bien peu d’études ou de recherches ont été consacrées jusqu'ici. Et sans doute avaient-ils besoin de s'exprimer puisque, alors qu'ils occupent quelque 53 000 postes, 8 319 d'entre eux ont renseigné le questionnaire qui leur était adressé par le syndicat A&I (UNSA).
C'est que 6 sur 10 d'entre eux ne peuvent "s’exprimer librement sur le lieu de travail". "Ce phénomène touche plutôt les catégories B et C. Et beaucoup des "administratifs" souffrent d'un "grand manque de considération", 3 sur 4 "se sentent méconnus par leur propre hiérarchie" et un sur deux "indique ne recevoir aucune forme de remerciement pour son travail". Ils doivent "régulièrement faire face à des injonctions contradictoires", c'est le cas de 62 % des agents de catégorie A et de 54 % des agents de catégorie C.
Tout pourtant n'est pas négatif. Pour la plupart (8/10), ils "trouvent du sens dans le travail réalisé", et ils sont presque aussi nombreux à juger "que l’utilisation de leurs compétences est plutôt satisfaisante". Ils sont nombreux (9/10) à se sentir écoutés et respectés par leurs collègues, ils sont satisfaits de leurs relations avec les usagers.
Mais ils sont 6/10 à juger que leur formation est inadaptée, tandis que la formation continue fait défaut, surtout pour les "catégorie C", seul 1/10 a bénéfié d'une formation par an sur les cinq dernières années (3/10 pour la catégorie A). Près de 6 agents sur 10 affirment avoir déjà été victimes de harcèlement moral, 8% des femmes de harcèlement sexuel. 44% d'entre eux "s’estiment épuisés professionnellement" et "28 % ont subi un burn-out clinique". Les trois quarts d'entre eux n'arrivent pas à concilier vie professionnelle et vie privée, 47 % d'entre eux "pensent souvent à une reconversion professionnelle".
Il convient toutefois de nuancer ces résultats selon que les agents travaillent dans un EPLE, collège ou lycée, dans les services du ministère, dans un rectorat ou une DSDEN (services départemenaux de l'éducation nationale), ou dans un établissement d'enseignement supérieur ou de recherche : Les personnels des EPLE sont moins souvent satisfaits des formations dont ils bénéficient, mais ils plus nombreux à se sentir soutenus par leur hiérarchie et à déclarer que leur climat de travail est "Bon-Excellent", c'est aussi plus souvent le cas des hommes que des femmes. Les personnels de catégorie A conçoivent plus souvent que les "catégorie C" l’avenir comme sombre, mais ce sont aussi ceux qui sont les plus nombreux à "concevoir avec optimisme l’avenir (14,6%) à envisager une reconversion professionnelle (9,6%)".
Pour les auteurs, cette enquête "s’inscrit dans un début de prise de conscience générale" des liens entre la qualité de vie au travail et la réussite des personnels, des élèves, mais aussi avec le fonctionnement des établissements. Ils ont d'ailleurs rencontré le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse et Pap Ndiaye "vient d’inscrire cette 'évolution-inflexion' comme un des principaux axes de sa politique".
George Fotinos, ancien chargé d’Inspection générale de l’Education nationale, géographie, préside le groupe de travail "qualité de vie au travail" du Comité de suivi de la mise en œuvre des INSPE. José Mario Horenstein est médecin psychiatre, ex responsable de la consultation "Psychiatrie et Travail" de la MGEN.