AGEEM : la formation continue des enseignant.e.s de maternelle peut-elle être le fait d'une association d'enseignant.e.s ?
Paru dans Scolaire le dimanche 10 juillet 2022.
La formation continue des enseignant.e.s de maternelle peut-elle être le fait d'une association d'enseignant.e.s ? C'est la question qu'a, implicitement mais très clairement posée à Pap Ndiaye, Maryse Chrétien la présidente de l'AGEEM. L'association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques organisait son 95ème congrès les 6, 7 et 8 juillet à Boulazac (Dordogne). Comme chaque année, elle avait invité le ministre de l'Education nationale, mais lors des précédentes éditions, Jean-Michel Blanquer avait envoyé des vidéos.
Sa venue était pour Pap Ndiaye l'occasion de dire toute l'importance qu'il attache à ce niveau de la scolarité, parce que, pour l'enfant, il est "important de se sentir accueilli dans la communauté humaine", parce que c'est là que l'on peut faire "naître le désir d'apprendre". Il rappelle que c'est en 1921 que le statut des enseignant.e.s de maternelle a été rendu équivalent à celui de "leurs collègues de l'école primaire". Et c'est la gaffe ! Toute l'assemblée en coeur, comme une seule femme, le reprend : "é-lé-men-taire" (la loi Jospin a créé "l'école primaire" qui rassemble l'école maternelle et l'école élémentaire, ndlr). Il se corrige et reprend, évoquant la loi de 2019 qui a rendu l'école maternelle obligatoire à trois ans, ce qui contribue à rendre la maternelle "incontournable".
Le ministre dit quelques mots du "plan maternelle" pour cette école qui a "en son coeur" le développement du langage, les premières approches de l'écrit, des mathématiques, qui permet à l'enfant d'aller "vers une culture scolaire" pour ensuite "aborder l'école élémentaire" - il insiste sur "élémentaire", il a retenu la leçon, fait-il remarquer avec le sourire -, et ajoute que ce n'est pas "la seule finalité" de l'école maternelle. Il indique encore que la politique de dédoublement des grandes sections en éducation prioritaire, qui devrait atteindre 75 % à cette rentrée, sera poursuivie (interrogé par ToutEduc sur la pertinence de ce dispositif, il affirmera que les résultats enregistrés au CP et CE1 sont "convenables").
Il répond ainsi au discours de Maryse Chrétien qui lui a présenté l'AGEEM comme "une famille d'enseignant.es" qui se donnent, avec le congrès, mais aussi dans leurs sections départementales, les moyens de leur formation continue (ce qui sous-entend que la formation initiale et continue proposée par l'institution est insuffisante et ne répond pas aux besoins).
Le ministre dira plus tard qu'il "a pris note" de la demande qui lui a été adressée, que le congrès soit reconnu comme un temps de formation continue (ce qui permettrait aux enseignant.e.s d'avoir des autorisations d'absence, puisque le congrès empiète sur les derniers jours de l'année scolaire et qu'il est arrivé que ces autorisations leur soient refusées, et des ordres de mission, donc une prise en charge des trajets, ndlr).
Le thème du congrès était cette année "le temps" et Maryse Chrétien demande qu'on laisse aux enfants le temps de vivre leur école maternelle "sans penser primarisation". Elle fait le voeu que cette école "garde son identité forte", qu'une formation initiale et continue adaptée permette de continuer d'avoir "des enseignants créatifs et ambitieux". Elle demande aussi que "tous les savoirs soient considérés comme fondamentaux".
Interrogée par ToutEduc, la présidente de l'AGEEM juge importante la visite du ministre, elle permet de valoriser le travail de réflexion et de recherche des enseignant.e.s et de leur association avec son conseil scientifique, et de faire reconnaître la spécificité de la maternelle. Elle espère que le "plan maternelle" sera "construit" avec l'association, et qu'il aura pour principe d' "avancer tout doucement". Elle ajoute que la profession n'est pas demandeuse de dédoublements, surtout s'ils amènent à augmenter les effectifs des moyennes et petites sections. "Ce que nous demandons, c'est de la souplesse, que les effectifs varient selon le contexte ou l'activité à conduire." En ce qui concerne les fondamentaux, elle rappelle le propos de son discours, les savoirs forment un tout, "et on fait du langage et des mathématiques à travers toutes les activités". Mais elle a le sentiment que le ministre était "vraiment à l'écoute".
Le prochain congrès de l'AGEEM aura lieu les 5, 6 et 7 juillet 2023 à Roanne, et il aura pour thème la coopération et les compétences psycho-sociales.