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"Culture citoyenne" : l'EMC mal pensée, la JDC mal équilibrée, le SNU mal aimé, le service civique qui doit être développé (Sénat)

Paru dans Scolaire le vendredi 10 juin 2022.

“On est un peu tombés de notre chaise lorsqu'on a observé des manuels dans lesquels on ne cite le mot ministre qu'à une seule occurrence, pour montrer le dossier Cahuzac“ explique le sénateur Stéphane Piednoir (LR) lors de la présentation à la presse d'un rapport de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat consacré à la culture citoyenne.

La mission sénatoriale s'est intéressée aux différents éléments qui jalonnent le “parcours citoyen“ de chacun, et ce dès l'école où l’acquisition d’une culture citoyenne passe par l'éducation morale et civique (EMC)

L'Education morale et civique (EMC)

Ainsi pour Stéphane Piednoir, “les manuels ont un rôle à jouer et les éditions ont vraiment un examen de conscience à faire pour mettre à disposition des outils qui soient le plus objectifs possible, en tout cas qui ne soient pas forcément et de manière systématique, qui ne versent pas dans un pessimissme voire dans une critique systématique du système“.

Le rapport ajoute que “les manuels, reflets des défaillances de la conception des programmes, insistent sur le débat d’opinion et comportent beaucoup plus de documents bruts que de textes destinés à la transmission des connaissances“.

L'autre rapporteur du texte, Henri Cabanel (PS) considère que si il y a une place suffisamment large pour le débat, “il faut recentrer l'EMC sur les institutions. C'est ce qui est remonté assez régulièrement dans les rencontres que nous avons pu faire.“ Et Stéphane Piednoir d'abonder : “On a auditionnés un certain nombre d'acteurs de l'EN qui nous disent avant de pouvoir débattre, il faut maîtriser un certain nombre de connaissances, aujourd'hui on a un peu l'impression qu'on inverse les choses, ça se passe pas dans le bon ordre.“

Le rapport indique également que l'EMC a la “lourde charge de traiter les tensions qui traversent la société française et de favoriser le ‘vivre ensemble‘ dans une société en proie à de nombreuses fractures“, mais Henri Cabanel constate qu'il existe pour ces programmes “un peu trop d'outils pédagogiques à disposition. Pour les professeurs novices c'est difficile de s'y retrouver dans tous les liens qu'il est possible d'avoir (19 pages et un grand nombre de liens) pour pouvoir faire un cours d'EMC.“

Dès lors, la mission conclut qu'“il résulte de ces ambitions démesurées des programmes pléthoriques, dont la rédaction manque pour le moins de clarté, en contradiction avec un volume horaire (une demi-heure par semaine en moyenne dans le secondaire, qui sert souvent à ‘boucler‘ le programme d’histoire-géographie) largement disproportionné par rapport aux nombreux objectifs assignés à l’EMC“.

Elle précise que “la formation des enseignants, tant initiale que continue, est incontestablement défaillante“, que cet enseignement “ne figure pas parmi les épreuves des concours de recrutement de ces enseignants“. Ceci “impose, poursuit-elle, une reprise en mains d’un enseignement dont l’un des enjeux est aussi de préparer les futurs électeurs à exercer leurs droits et devoirs de citoyens".

La JDC

La journée défense et citoyenneté (JDC) comporte elle aussi son lot de défauts. La mission du Sénat constate que le champ des informations dispensées aux jeunes appelés s’est ainsi considérablement étendu, et qu' “il en est résulté un programme très dense et une réduction du temps relatif consacré aux enjeux de la défense et de la sécurité“. Est donc nécessaire “un recentrage de la JDC sur sa ‘vocation première‘ de sensibilisation à l’esprit de défense“, un recentrage “d’autant plus pertinent que l’on observe une redondance entre certaines thématiques ajoutées au fil du temps au programme de la JDC et les enseignements prévus par le code de l’éducation dans le cadre scolaire.“

Engagement

Les sénateurs évoquent également “la nécessité d’encourager l’engagement, qui a vocation à accompagner une citoyenneté active tout au long de la vie. "Si la démocratie scolaire constitue en principe, un vecteur d’engagement précoce“, et si les outils de démocratie scolaire “sont très nombreux et diversifiés“, ces dispositifs “semblent toutefois d’intérêt inégal“ pour la mission qui pointe que la “baisse continue du taux de participation aux élections des conseils de vie lycéenne suggère que ces instances sont nettement moins appréciées des élèves“ ; “le risque qu’une écoute insuffisante, au sein des établissements, de ces structures et de ceux qui exercent ces fonctions décourage finalement l’engagement des jeunes.“

Le SNU

Les sénateurs indiquent “l’urgence de choix clairs“ concernant le Service national universel, sensé “réparer“ notre modèle social (par la mixité social, la création de cohésion nationale, d'appartenance à une communauté).

“Tous les jeunes ne partagent pas la même appétence pour un service ‘en uniforme‘. De plus, le SNU ne relève pas du ministère des armées : cette ambiguïté doit donc être levée“, font-ils premièrement remarquer.

Ensuite, ils vont valoir que “cette politique publique demeure à ce stade encore largement inaboutie malgré le soutien dont elle fait l’objet de la part du Gouvernement.“

Sont d'ailleurs évoqués pour 2022, 2 409 jeunes qui ont validé le séjour de février, et “compte tenu des inscriptions aux séjours de juin et juillet et d’un taux de défection de 25 % environ, le nombre total de participants devrait s’élever à 30 000-35 000 jeunes environ entre février et juillet.“ Aussi, malgré le doublement des effectifs par rapport aux 14 650 volontaires de 2021, “on reste loin de l’objectif de 50 000 volontaires affiché par le Gouvernement", lequel ne semble pas, "une nouvelle fois, en passe d’être atteint.“ A noter que Sarah El Haïry avait évoqué 40 000 particpants volontaires au SNU pour 2022 lors de la passation de pouvoir du nouveau ministre de l'Education nationale (voir ToutEduc ici).

La mission constate que en outre que la mission d’intérêt général (MIG, d'une durée de 84h ou 12 jours, ndlr) fait “en quelque sorte figure de parent pauvre du SNU“, et que “la constitution d’une offre suffisante de MIG tarde à se structurer, notamment parce que les structures supposées accueillir ces jeunes considèrent qu’elles ont été trop peu associées à la mise en place du SNU ou s’interrogent sur l’accueil de recrues mineures".

Service civique

Enfin, les auteurs du rapport d'information louent le service civique dont ils souhaitent le développement. “Plébiscité par les jeunes, affirment-ils, le service civique accueille des profils très divers (40 % de volontaires ont le bac ou un niveau bac+2, 17 % sont en situation de décrochage scolaire). Si les motivations de ces jeunes sont variées et n’excluent pas l’attrait que représente la perception d’un revenu ou des préoccupations d’insertion professionnelle, le service civique attire des jeunes ayant une prédisposition à l’engagement.“

De plus, le développement du service civique en milieu rural est “un véritable enjeu pour ces territoires“ du fait que “les collectivités font état de difficultés à recruter des volontaires“ et que les jeunes “peuvent être freinés dans leurs projets par des questions de mobilité.“

D'ailleurs, la mission propose de faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie locale en encourageant les pratiques des collectivités territoriales. Est présenté l'exemple du “Tremplin citoyen, dans le département de l’Essonne, fondé sur l’attribution d’une contrepartie financière en échange de quelques heures d’engagement, par exemple au profit d’une association ou d’une collectivité territoriale“. Il y a encore les cérémonies de remise de la carte d’électeur aux nouveaux citoyens dans les mairies, les conseils de jeunes, l’association des jeunes aux cérémonies mémorielles comme un vecteur de transmission des valeurs citoyennes (notamment pendant le temps scolaire).

Le rapport sera publié vendredi après-midi.

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