Marseille : une intersyndicale contre les "écoles du futur", le SE-UNSA ne demande pas l'abandon "pur et simple" du projet
Paru dans Scolaire le mercredi 01 juin 2022.
Une intersyndicale attendra de pied ferme le président de la République et le ministre de l'Education nationale, demain 2 juin, à Marseille, indique à ToutEduc la représentante du SNUIPP-FSU dans les Bouches-du-Rhône. Franck Delétraz, également interrogé par ToutEduc, précise la position du SE-UNSA.
Virginie Akliouat : Pour nous, cette visite éclair, une heure et demie entre midi et deux n'est qu'un moyen pour Emmanuel Macron de mettre en avant sa vitrine, et notre rassemblement sera là pour lui faire comprendre que nous sommes toujours opposé.e.s à son expérimentation des "écoles du futur".
ToutEduc : Le projet a pourtant évolué...
Virginie Akliouat : Effectivement, nous avons pris acte que dorénavant, le barème sera pris en compte pour l'affectation des enseignants, mais la philosophie du projet n'a pas changé, des moyens supplémentaires en fonction du projet d'école et une multiplication des postes à profil.
ToutEduc : Toutes les écoles n'ont-elles pas des projets ?
Virginie Akliouat : Effectivement. Le président ne semble pas être au courant et pour notre part, nous essayons de mettre en avant ce qui se fait déjà dans chaque école, avec l'adhésion de tous les enseignants. Là, il s'agit de donner des moyens à quelques unes d'entre elles pour aller plus loin. Quelque 2,5 M€ sont prévus pour 59 écoles, soit 40 000 euros par école. Sur ce point, nous sommes d'accord avec le président, les écoles ont besoin d'argent pour mener à bien leurs projets, organiser des sorties, acquérir du moblier ou des outils pédagogiques, mais toutes les écoles, pas une cinquantaine...
ToutEduc : Ces sommes s'ajoutent aux crédits de la Ville ?
Virginie Akliouat : Absolument, et elles sont distinctes du plan de rénovation du bâti, dont on connaît l'état à Marseille. L'enveloppe a été annoncée alors que la loi de finances était déjà votée, on se demande où elle sera prise.
ToutEduc : L'intersyndicale rassemble-t-elle toutes les organisations sur Marseille ?
Virginie Akliouat : Non, le SE-UNSA ne se joint pas à nous.
ToutEduc : Qu'est-ce qui a amené le SE, d'abord hostile, à changer de point de vue ?
Franck Delétraz : Le projet, "Marseille en grand", a été très mal annoncé. Les écoles ont eu huit jours pour se porter volontaires, et en fait, les écoles qui ont candidaté sont celles qui avaient déjà un projet. Et surtout, nous étions très opposés au recrutement des enseignants par les directeurs. Le projet nous a glacés. Là, les enseignants candidats sont reçus par le directeur (la directrice) et un enseignant, qui donnent leur avis, à eux ensuite de postuler dans le cadre du mouvement. Donc le dispositif a évolué. L'intersyndicale milite pour son abandon pur et simple, cette visite est présentée comme un point d'étape, et nous pensons que c'est l'occasion d'apporter notre point de vue.
ToutEduc : Et quel est-il ?
Franck Delétraz : Ca ne se passe pas si mal que ça. Certaines écoles ont pu mettre en oeuvre leur projet dès les mois de janvier ou février, des classes flexibles par exemple, pour lesquelles elles ont eu le mobilier voulu. Je pense à une autre dont le projet porte sur le sport et la santé, et qui va pouvoir démarrer incessamment, après avoir noué des partenariats avec le port... Mais se lancer représentait pour les écoles une prise de risque, ce qu'elles n'ont pas toutes souhaité.
ToutEduc : Où sont les limites ?
Franck Delétraz : Il y a bien sûr la question des moyens. Chaque enseignant a disposé de temps, sous forme de 9h supplémentaire, pour contribuer à l'élaboration du projet, mais ce crédit a vite été épuisé. Le directeur avait droit à une journée de décharge par semaine, à la condition d'être remplacé. L'un d'eux a eu droit à deux jours de remplacement depuis le début de l'année !
ToutEduc : Ce n'est pas seulement une question de moyens...
Franck Delétraz : En effet. Nous nous demandons, et nous n'avons aucune réponse sur ce point, comment l'expérimentation et les projets seront évalués. Et nous n'avons aucune garantie sur leur pérennité. Devons-nous travailler à échéance d'un an, de trois, de cinq ? Certains projets supposent de suivre les élèves sur plusieurs années. Qu'en sera-t-il ? Nous avons bien conscience que le projet "Marseille en grand", avec un DASEN dédié aux "écoles du futur", un préfet pour l'ensemble du dispositif, y compris le bâti, ne durera pas éternellement, et ne sera pas généralisé à l'ensemble du territoire.
ToutEduc : Parmi les reproches adressés au projet, la création d'inégalités entre les écoles.
Franck Delétraz : Oui, c'est vrai, mais les inégalités sont déjà là, et elles sont importantes. Pourquoi ne pas, avec ces projets, valoriser l'école publique, mettre en lumière ce que nous faisons pour réduire les inégalités, pourquoi laisser au privé la possibilité de se distinguer ?
ToutEduc : Vous évoquez le volet pédagogique du projet pour Marseille. Se pose aussi la question du bâti.
Franck Delétraz : Oui, et pour certains de nos collègues, je pense par exemple à celui qui voit la classe du dessous à travers la faille ouverte dans le plancher de la sienne, c'est là qu'est l'urgence...