“L'appropriation critique des médias et des technologies de l'information ne trouve pas vraiment de place à l'école“ (revue N'autre Ecole)
Paru dans Scolaire le lundi 30 mai 2022.
“Contrairement aux idées préconçues, les jeunes s'interrogent sur leurs rapports aux médias quand on veut bien les écouter“, peut-on lire dans le dernier numéro du magazine N'autre Ecole intitulé “Les médias, tout contre l'école“. S'y trouvent également un entretien avec le journaliste éducation de l'Humanité Olivier Chartrain, ou encore le témoignage de la jeune Nawel Sehili sur ses pratiques médiatiques. Ainsi dans son article “Construire une culture médiatique et informationnelle“, Jérome Debrune explique que “quand les élèves ont l'occasion d'exercer leur esprit critique, on constate qu'elles et qu'ils ne sont pas passifs face aux images.“
Il note cependant une “défiance de plus en plus importante vis à vis des grands médias, des professionnels de l'information“ qui peut même aller jusqu'à la rupture, en raison du problème plus global qu'est la “fragilisation du lien social“ ainsi que le rejet d'institutions “jugées insuffisamment représentatives“.
Mais aujourd'hui le problème, pour le membre du collectif Questions de classe(s), “n'est pas tant la quantité d'informations disponibles que la capacité à en évaluer la qualité“, Or les adolescents “ne se posent la question de la fiabilité des sources que lorsqu'elles et ils sont dans un cadre scolaire.“ Est constaté que “le meilleur moyen de comprendre comment se fabrique l'information est encore d'en passer par la pratique. (..) La pratique d'une écriture plus libre et plus près des centres d'intérêts, moins corsetée d'une certain manière, libère des capacités qui se révèle plus difficilement dans un contexte d'apprentissage plus traditionnel.“
Pourtant, “ce qui fait débat maintenant, c'est le rôle du journaliste dans la Cité, sa fonction démocratique. C'est dans ce contexte que des journalistes interviennent au sein des établissements scolaires, encouragés par l'institution qui voudrait en faire le relais des “valeurs de la République“.“
Jérome Debrune ajoute à ce phénomène “des injonctions très contradictoires de la part de l'institution“ qui souhaite d'un côté former les élèves à la maîtrise de l'information mais qui d'un autre “retire les moyens qui rendent possible une éducation aux médias“. Il évoque une démission de l'institution et cite pour exemple le journaliste Antoine Bayet qui, dans son dernier ouvrage “déplore que l'Education aux Medias et à l'information (EMI) n'arrive pas à s'étendre plus largement. Prévue dans les programmes scolaires à partir de 2013, elle est en perte de vitesse.“ Une vision techniciste des médias tendrait à s'imposer, “comme si les compétences informationnelles étaient déjà disponibles, objectives et accessibles à tous et toutes sans apprentissage“, un point qui resterait d'ailleurs “trop souvent ignoré par les enseignants eux-mêmes“.
“L'appropriation critique des médias et des technologies de l'information ne trouve pas vraiment de place à l'école, conclut-il alors que l'UNESCO a fait de la maîtrise de l'information un enjeu démaocratique majeur.“
Les médias, tout contre l'école, magazine N'autre école, Printemps 2022, Q2C N°19, 10 €.