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Le travail de McKinsey pour l'Education nationale étrillé par la commission d'enquête du Sénat

Paru dans Scolaire le jeudi 17 mars 2022.

"Pour près de 500 000 euros, McKinsey a été chargé en 2020 d'accompagner le professeur Yann Algan dans l'organisation d'un colloque international sur l'avenir du métier d'enseignant", notent les sénateurs de la "Commission d'enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques". Ils estiment qu'au final, l'utilité et la "valeur ajoutée" des travaux du cabinet de conseil "sont loin d’être démontrées".

Il s'agissait à l'origine "d’éclairer les travaux" de la concertation sur les modalités de revalorisation salariale des enseignants, comme le prévoyait le projet de loi sur les retraites. "Dans ce contexte (...), le ministre de l’Éducation nationale a demandé, le 7 janvier 2020, au professeur d’économie Yann Algan (...) de conduire une réflexion scientifique stratégique devant déboucher sur l’organisation d’une conférence internationale à la fin du mois de mars 2020." Mais la crise sanitaire a amené à repousser le colloque qui "n’aura tout simplement jamais lieu" (mais sera remplacé par un colloque national le 1er décembre, ndlr). La commande change, et le cabinet doit transmettre à la DITP (direction interministérielle de la transformation publique) "un document de référence d’environ 200 pages consacré aux évolutions du métier d’enseignant au XXIe siècle", un "livrable de 66 pages consacré à la valorisation du mérite des professeurs" et un autre "de 35 pages consacré au modèle de gestion des professeurs dans l’école de demain".

En ce qui concerne le colloque du 1er décembre, "Quels professeurs au XXIe siècle ?", Yann Algan indique que le document de référence n’était "qu’une source parmi d’autres", dont il a "utilisé quelques graphiques de comparaisons internationales (...) qui reprenaient des données publiques de l’OCDE". Quant au livrable sur la rémunération au mérite, il "a surtout eu pour intérêt de présenter des comparaisons internationales et des graphiques, tous néanmoins issus des bases de données de l’OCDE, de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ou de la commission européenne, [qui] sont en libre accès".

Pourquoi la DEPP n'a-t-elle pas été sollicitée ?

La rapporteure s'interroge sur la motivation de l'administration qui "a fait le choix de recourir à McKinsey" pour pallier "l’indisponibilité – non démontrée – de ses propres ressources". Il apparaît pourtant "que les services du ministère de l ’Éducation nationale auraient été, sur le fond, tout à fait capables de réaliser le rapport initialement demandé pour le colloque de l’UNESCO (...). Du reste, il apparaît relativement inquiétant que la direction de l’évaluation du ministère ait été regardée comme incapable de réaliser un travail d’études statistiques (...). Il est difficilement compréhensible que (le ministère) n’ait pas mobilisé une fraction de l’enveloppe pour – s’il en avait vraiment besoin – mettre à disposition de la DEPP des effectifs supplémentaires, fussent-ils temporaires".

En ce qui concerne les deux livrables (ou "études thématiques"), la rapporteure s’étonne de constater qu'ils "développent des analyses qui paraissent confirmer les orientations retenues par le ministère lui-même en matière de rémunération au mérite et de gouvernance des établissements". Il s'agissait alors pour le ministère "de disposer d’une vision factuelle et consensuelle". Le cabinet de conseil n’a d'ailleurs "jamais cherché à associer à sa réflexion la communauté enseignante ou les représentants syndicaux. Au cours de sa mission, seuls des experts et de hauts fonctionnaires du ministère ont été entendus par le cabinet."

Le rapport sénatorial rappelle que le cabinet a facturé sa prestation 414 000 euros hors taxes (496 800 euros TTC), soit 3 312 euros par jour de consultant.

Le rapport ici, pages 300 et suivantes

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