Enfants et adolescents sont en crise, les institutions aussi (Colloque de l’Afar)
Paru dans Scolaire le vendredi 11 mars 2022.
Lorsqu’on écoute Bertrand Lauth, pédopsychiatre à Reykjavik, raconter l’histoire des soins apportés à Anna, une adolescente victime de phobie scolaire qui éprouve une telle peur face à une enseignante qu’elle la prend pour Grýla, la géante mangeuse d’enfants de la mythologie islandaise, on se rend compte à quel point l’approche thérapeutique dans ce cas de refus scolaire ne peut être que pluridisciplinaire.
Comme l’a rappelé Jean Chambry, pédopsychiatre au CHU Paris, en ouverture du colloque annuel de l’Afar qui s’est tenu vendredi 11 mars à la Maison de la Chimie, "seule une approche pluridisciplinaire reliant les regards sociétaux, éducatifs, pédagogiques et thérapeutiques pourra répondre aux demandes de prise en charge qui explosent actuellement". A propos du thème retenu cette année par l’organisme de formation continue des personnels de santé, "Enfants et adolescents en crise", Olivier Phan, pédopsychiatre à Paris, s’est interrogé sur le passage de la crise individuelle à la révolution sociétale, soulignant que "les crises vécues par les adolescents n’étaient pas forcément négatives", et que "l’homo sapiens a progressé par crise en prenant des risques".
"Si les ados sont en crise, les institutions aussi", a souligné Béatrice Lacaze-Morais, consultante et directrice adjointe honoraire de structure de protection de l’enfance. "Réorganisations, procédures, protocoles, manque de moyens, autant de freins à l’exercice du métier", ajoute-t-elle. "La crise nous permettra peut-être d’avoir plus de moyens mais pour quoi faire ? Pour être deux de permanence la nuit, le week-end… De toute façon, il faudra se réinventer." Iona Atger, directrice médicale du centre médico-social de Massy a aussi constaté, pendant la pandémie, "l’existence d’une crise dans la crise", voire d’une "crise résultant d’une situation ancienne". Elle insiste sur le manque de moyens, annonce que dans son centre, 700 patients sont dans l’attente d’un rendez-vous. "Nous devons rétablir des conditions de sécurité pour rassurer les enfants".
Pour Brigitte Moltrecht, médecin conseillère technique au ministère de l’éducation nationale, "l’école est promotrice de santé, dont la santé mentale Une démarche fondée sur une évaluation des demandes, des attentes et des besoins de chaque établissement qui permettront des actions concernant aussi bien les espaces de vie des élèves, la communication, les relations entre pairs et avec les adultes, le climat scolaire ou le sentiment d’appartenance". Il reste néanmoins à "mieux repérer la souffrance en milieu scolaire, notamment par des fiches d’aide ou des grilles d’analyse des symptômes. On ne peut pas former les enseignants à tous les troubles psychiques des élèves mais les aider à trouver l’adressage adéquat".
Colette Pâris