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La Cour des comptes très sévère sur les aides à l'apprentissage, mitigée sur le plan "1jeune1solution" (Rapport public 2022)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 16 février 2022.

“Face aux conséquences potentielles de la crise sanitaire sur l’emploi des jeunes, une intervention des pouvoirs publics était légitime, mais celle-ci a été parfois mal proportionnée“ constate en premier lieu la Cour des comptes dans son rapport public annuel.

Elle indique en effet que le début de la pandémie “justifiait que le Gouvernement prenne une série de mesures en faveur des jeunes", que Jean Castex avait annoncé le 23 juillet 2020 et appelé “plan #1jeune1solution“ (voir ici) dont le montant avoisinerait les 10 Md€. Selon la Cour, “lors de la crise financière de 2008-2009, le taux de chômage de ces derniers avait en effet crû davantage, en proportion, que celui de l’ensemble de la population. En outre, la qualité des emplois occupés par les jeunes s’était détériorée.“

Cependant, le rapport décrit une “insuffisante prise en compte des besoins et des capacités des territoires“ comparant l'île-de-France, où l’objectif d’entrées en Garantie jeunes pour 2021 a été doublé par rapport à 2020, alors que la demande d’emploi avait augmenté de 17 % de septembre 2019 à septembre 2020, à la Normandie, où un objectif “tout aussi ambitieux a été retenu alors que, sur la même période, la demande d’emploi des jeunes n’y avait progressé que de 3 %". De la même façon, est souligné l’objectif fixé fin juillet 2020 de 100 000 formations supplémentaires, ayant donné lieu à une répartition entre régions “sans distinction entre les bassins d’emploi les plus touchés par la crise et ceux qui l’étaient le moins".

La Cour des comptes voit surtout dans le plan 1jeune1solution, “malgré une forte mobilisation pour la mise en œuvre du plan, un succès à relativiser“. Elle souligne que l’accès des jeunes aux différentes offres “a fait l’objet d’une attention particulière“ avec l'utilisation d'une plateforme électronique commune et une “meilleure coordination entre Pôle emploi et les missions locales, principaux réseaux assurant le service public de l’emploi local“, mais si les deux réseaux ont eu à coopérer sur des projets concrets, et si l’orientation générale se veut “indéniablement positive“, “dans les faits, les progrès ont été inégaux d’un territoire à l’autre.“

Sont relatées “diverses causes de difficultés rencontrées par les missions locales“, liées à des éléments internes ou des facteurs sanitaires : “Par exemple, à la mission locale Nord-Essonne, sept collaborateurs étaient en télétravail à 100 % et la plupart des collaborateurs n’étaient présents sur site que 40 % du temps. La mission locale de Massy-les Ulis a raccourci de trois à deux semaines la phase initiale collective de remobilisation. Cette phase a été purement et simplement supprimée à Argenteuil. À Pantin, des cas de covid 19 parmi les salariés ont obligé à fermer la mission locale pendant plusieurs semaines. À Clichy et à Épinay, les missions locales ont été confrontées à la difficulté à trouver des salles pour l’accueil collectif et à recruter sur les postes nouveaux.“

La Cour des comptes évoque également les “invisibles“ (jeunes inconnus des services de l’emploi, trop éloignés des institutions pour pouvoir intégrer les dispositifs d’accompagnement usuels) et indique que “certaines mesures ont pu les concerner, mais n’ont mis en jeu que des montants très faibles (quelques dizaines de millions d’euros) au regard du coût total du plan et de la population concernée, estimée par des travaux récents entre 150 000 et 220 000 jeunes“.

A cela s'ajoutent des dispositifs qui “peinent particulièrement à atteindre leurs objectifs“, comme le programme “Promotion 16-18“ géré par l’Afpa (centre de formation professionnelle, ndlr) pour répondre à l’obligation de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans, ou les PEC-jeunes (parcours emploi compétences). Prenant l'exemple de la “Promo 16-18“, les sages de la rue Cambon expliquent que “le maillage des centres Afpa s’est révélé insuffisamment fin“ et que “la concurrence d’autres dispositifs a pu jouer au détriment de celui-ci“.

Concernant les principaux dispositifs d’accompagnement, ils ajoutent que malgré une forte croissance “ni les entrées en PACEA (parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie), ni celles en accompagnement intensif jeunes, ni surtout en Garantie jeunes, ne semblent, au vu des données de mai 2021, pouvoir atteindre les objectifs fixés, tant ceux-ci étaient ambitieux.“

Les auteurs du rapport notent plus globalement un effet “apparemment limité“ des aides à l’embauche sur le nombre de jeunes en emploi, citant la mesure généraliste d’aide à l’embauche des jeunes (AEJ) qui a “fait l’objet d’évaluations mitigées“.

Si entre 2019 et 2020, le nombre de contrats d’apprentissage est passé de 368 968 à 525 600, cette hausse a “eu pour contrepartie la forte baisse des contrats de professionnalisation (- 48 % entre 2019 et 2020)". Ainsi “pour les jeunes, la hausse nette serait de 70 000 places supplémentaires en prenant en compte les deux formes de contrat en alternance.“

“Cette croissance demeure soutenue, poursuit-elle, dans des proportions jamais atteintes, par l’entrée en apprentissage de jeunes issus de l’enseignement supérieur. La part des diplômés entrés en apprentissage et préparant des diplômes de niveau bac + 2 et plus est passée de 45 % en 2019 à 56 % en 2020, celle des jeunes préparant des diplômes de niveau CAP-BEP de 36 % à 27 %. Autrement dit, sur les quelque 157 000 entrées nouvelles en apprentissage, 43 000 ont profité aux moins qualifiés, 88 000 aux plus diplômés. Or, dans plusieurs filières, l’insertion dans l’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur est déjà très bonne et n’est améliorée qu’à la marge par l’apprentissage.“ Ainsi "l’aide à l’apprentissage, mesure dont le coût est le plus élevé, a certainement permis d’augmenter significativement le nombre d’apprentis, mais surtout au bénéfice de diplômés dont l’insertion sur le marché du travail n’est le plus souvent pas problématique".

En outre, l’accès à l’emploi des jeunes entrés en Garantie jeunes, dans le contexte d’une crise prolongée, s’est considérablement dégradé, souligne également la Cour des comptes dont le surcroît d’entrées, “qui pourrait être de l’ordre de 60 000, ne permet pas de conclure à une amélioration importante de l’insertion dans l’emploi. En effet, les performances d’insertion dans l’emploi de ce dispositif, qui étaient déjà faibles (de l’ordre d’un bénéficiaire sur quatre), se sont dégradées pendant la crise.“

Si l’effet net sur l’emploi en volume est “vraisemblablement faible“, l’aide généraliste à l’embauche des jeunes, “deuxième mesure en termes de coût, n’a pas eu d’effet sur le volume total de l’emploi“. Et s’agissant des contrats aidés, “ils apporteront une solution temporaire à quelques dizaines de milliers de jeunes, mais au prix d’effets d’aubaine qui demeurent à évaluer : le nombre de créations nettes d’emplois pourrait donc être faible.“

A noter pour finir la “perte de substance“ de l'immersion dans le monde du travail, avec une proportion de jeunes ayant bénéficié de cette modalité d’accompagnement (d'une période de quatre mois au cours de leur parcours) “presque divisée par deux“ (de 12,7 % à 6 %).

Le rapport de la Courd des comptes ici

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