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Immigration, colonisation et biodiversité : Au Palais de la porte dorée, une programmation éducative destinée à “refroidir les sujets brûlants“

Paru dans Scolaire le dimanche 13 février 2022.

“Nous assumons de parler des questions coloniales, de saisir le taureau par les cornes“ explique Pap Ndiaye en cette matinée de février, tout à sa description de la salle des fêtes où fut inaugurée l'exposition coloniale de 1931, dans l'actuel Palais de la porte dorée à Paris (75012).

Le directeur général de l'établissement public, en poste depuis un an au sein de ce monument Art Déco imposant et froid tout à la fois, raconte la volonté du gouvernement d'alors, à travers la composition d'une fresque monumentale (peinte par Pierre-Henri Ducos de la Haille, ndlr), de convaincre la population ouvrière de l'intérêt de l'empire par une représentation de la grandeur de la France, et des bienfaits de la colonisation. “Une des thématiques, continue-t-il, était de libérer les populations de l'esclavage local“, même si “cette vision de propagande est complètement détachée de la réalité“. D'ailleurs, dans les scènes que l'on découvre (ici l'art, là la justice ou la science par le biais de l'action d'une religieuse, d'un missionnaire..) “la violence n'est jamais là“, précise-t-il. Si dans les années 1970-80, comme il le rapporte, cette fresque fut recouverte, cachée, aujourd'hui l'historien indique “faire sa part du travail“ nécessaire au devoir de mémoire. L'établissement a bien déjà été rénové en 2007, mais “la question coloniale n'était pas encore autant présente dans l'actualité“, précise-t-il.

Eau tiède

15 ans plus tard, le Palais de la porte dorée se transforme petit à petit. Il accueille des événements, propose une grande terrasse l'été, des expositions mobiles. L'édifice devrait faire l'objet lui-même d'une exposition future. Au printemps 2023, surtout, la collection permanente du musée de l'immigration réouvrira, entièrement refondée, repensée, vu que “les connaissances avaient vieilli“. L'histoire de l'immigration, fondée sur les travaux du rapport de Patrick Boucheron, y sera présentée dans une “perspective profondément renouvelée“ qui débutera non plus au 19ème siècle mais dès 1685 et l'ordonnance du code noir, et où une logique plus mondiale et les circulations migratoires prévaudront. Pap Ndiaye “espère que cela fera date“ et évoque un lieu scientifique avec pour “mission de refroidir les sujets brûlants“. Il considère d'ailleurs que “réfléchir sur l'immigration, c'est possible“ tout en assurant vouloir “ne faire ni de l'eau tiède ni être partisan non plus“. Il assure que “ça va être retentissant“.

Démocratisation

Si les expositions temporaires ont pour but, comme celle qui est consacrée à "Picasso l'étranger" en ce moment, de faire venir différentes populations, les publics scolaires constituent une cible privilégiée pour le musée de l'immigration, et particulièrement ceux qui résident dans les 3 académies l'entourant (Créteil, Paris et Versailles). En 2019, sur 525 000 visiteurs, il comptait de 6 à 10 % d'élèves. Un chiffre qui a chuté avec la pandémie de Covid-19, à 266 000 l'an dernier, même si il y aurait un “frémissement d'une reprise des visistes scolaires“. Le musée est certes gratuit pour les moins de 26 ans, mais pour le directeur général du Palais, “ce n'est pas l'unique clé de la démocratisation“. Il évoque notamment le travail mené pour créer un maillage régional car “il faut le rendre plus familier, ouvert, facile“. Une convention a notamment été signée avec la ville de Sarcelles. Dans cette optique, trois professeurs-relais sont détachés à tiers temps par les académies (via la délégation académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle, DAAC) au sein du musée. Comme Delphine Vanhove, de l'académie de Paris, leur rôle est de construire des projets pédagogiques, de produire des ressources pédagogiques et surtout de former des enseignants pour qu'ils fassent visiter le lieu à leurs classes, en lien avec la matière qu'ils enseignent. Dans le cadre du plan annuel de formation (PAF), 1200 enseignants sont ainsi formés chaque année par les professeurs-relais.

Alarmistes

Enfin, l'aquarium tropical, troisième ancrage du Palais de la porte Dorée, a lui aussi été récemment rénové pour créer un “environnement émotionnel confortable“. Les enjeux environnementaux y sont abordés, et de plus en plus présents. Des projets pédagogiques sont montés, comme celui entre des classes de Bondy et de Mayotte sur la reproduction et le bouturage de coraux. Les notions présentées se retrouvent dans les programmes scolaires, dès le cycle 3, comme la biodiversité. “Nous sommes obligés d'être alarmistes, souligne Gabriel Picot, responsable pédagogique de l'aquarium tropical, tout en expliquant qu'il est important d'aborder ces questions “en disant qu'il y a des choses à faire“. Une exposition sur les rivières de Madagascar devrait se tenir en 2023 pour montrer la complexité des écosystèmes et croiser les regards en donnant la parole aux populations de l'île.

Le site internet du Palais de la porte dorée ici

Photo Anne Volery

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