Loi “choisir son avenir professionnel“ et orientation : “Un système trop cloisonné, où les élèves n'ont pas l'occasion d'aller découvrir les opportunités sur leur bassin d'emploi“ (Assemblée nationale)
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 19 janvier 2022.
Mercredi 19 janvier à l'Assemblée nationale, le rapport d’évaluation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel loi du 5 septembre 2018 a été examiné par la commission des affaires sociales. Sa présidente Fadila Khattabi (LREM) a présenté une loi qui “a apporté des réformes en matière de formation professionnelle, de gouvernance, d'organisation des opérateurs, de financement, d'apprentissage“ et souligné que “jamais notre pays n'a compté autant d'apprentis“.
Après 3 ans de mise en œuvre de cette loi, six rapporteurs ont donc évalué et apporté leurs conclusions ainsi que 13 recommandations, dont certaines ont trait à l'éducation. Pour le député Gérard Cherpion (LR), “les résultats quantitatifs sont indéniables, 525 600 apprentis en 2020, 662 911 en 2021 et un doublement du nombre de CFA (Centre de formation des apprentis, ndlr) depuis l'entrée en vigueur de la réforme, avec la création de 60 CFA d'entreprise.“
Sur ce sujet de la carte des CFA, la rapporteure Catherine Fabre (LREM) signale “beaucoup d'acteurs qui ont témoigné que le système était beaucoup plus fluide et beaucoup plus souple aujourd'hui. Certains CFA ont des formations qui mettent 6 mois à voir le jour contre 18 auparavant. Je pense qu'on a gagné en réactivité et que sur la territorialisation de l'offre de CFA, aucun n'a fermé à ce jour et les nouveaux sont répartis de manière assez équilibrée sur l'ensemble du territoire. La crainte de certaines régions est contredite par les faits, il n'y a pas de désertification de certains territoires au profit d'autres.“
Au plan qualitatif, le député des Vosges note cependant “une très forte augmentation du nombre d'apprentis post-bac, mais un léger tassement des pré-bac. Il est intéressant de développer les formations post-bac, mais il ne faut pas négliger les infra-bac qui permettent d'accéder rapidement à l'emploi et d'ouvrir des perspectives de carrière.“
Sa consoeure voit de son côté “des augmentations différentes mais dans tous les cas, des augmentations. En infra et niveau bac nous avons des augmentations dans le volume d'apprentissage et des augmentations très importantes“, continue-t-elle. La rapporteure parle de “dynamique positive quel que soit le niveau“ et cite pour l'infra-bac 36 % d'augmentation des entrées nouvelles en apprentissage en 2019, puis 27 % en 2020. Une hausse de l'ordre de 19 % pour le post-bac en 2019, et de 16 % en 2020. Alors que l'image de l'apprentissage est souvent dégradée, la députée trouve positif et se réjouit de voir le supérieur tirer les chiffres vers le haut.
Concernant l'apprentissage à l'étranger, Gérard Cherpion considère que “le dispositif Erasmus+ est un excellent dispositif, qui a montré tout son intérêt, cependant si les chiffres sont en baisse (mais cela est dû à la pandémie), il reste un frein à lever, celui de l'autorisation de la mise à disposition limitée à 4 semaines. Nous proposons une prolongation de cette période de détachement“ (proposition n°12).
Catherine Fabre a loué les prépas métiers (900 classes de troisième de 15 à 24 élèves sur tout le territoire), qui “vont dans le bon sens“, un dispositif “qui semble très interéssant“, avec “ce but d'orientation“, tandis que les prépas-apprentissages (voir ici) sont pour Gérard Cherpion “une réussite, au niveau quantitatif et qualitatif“. Le rapporteur propose “de mieux moduler les financements à l'apprentissage“, par exemple en s'interrogeant sur les financements de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur.
L'orientation, “c'est le point faible du système depuis toujours“ ajoute Gérard Cherpion avec le partage opéré entre l'ONISEP et les régions, dont certaines “où ça démarre plutôt bien, d'autres où c'est un peu plus lent“. Un constat partagé par la députée Catherine Fabre (LREM), qui considère qu' “effectivement nous avons un sujet d'orientation dans ce pays qui n'est pas nouveau, qui existe de longue date, à mon sens les jeunes ont du mal à avoir une vision des métiers qui existent et des perspectives qu'ils offrent.“
Si cette réforme cherchait à faire bouger les choses, comme le commente la rapporteure de la majorité, à savoir confier de manière plus nette l'orientation aux régions qui ont sur le terrain une connaissance de leur bassin d'emploi et du monde économique, et faire en sorte que le lien entre Education nationale et monde de l'entreprise soit facilité, elle constate malgré tout que “pour l'instant, ce que l'on a pu voir, c'est qu'il ne s'est pas passé grand chose“. Selon elle, certaines régions ont mis en place des comités régionaux d'orientation pour peut-être structurer cette nouvelle démarche, cette nouvelle responsabilité, peut-être est-ce la crise sanitaire qui n'a pas été très propice aux visites d'entreprise ou d'aller-retour dans le milieu scolaire. “Mais on est quand même clairement dans un système trop cloisonné, où les élèves n'ont pas l'occasion d'aller découvrir les opportunités sur leur bassin d'emploi. C'est une voie sur laquelle il nous reste à travailler, à avancer“, poursuit-elle à ce sujet.
Autre argument, la réforme de l'apprentissage en libéralisant l'offre a mis en place un système d'indicateurs pour montrer la performance (intégration professionnelle à la sortie, rupture de contrats pendant la formation et accompagnement par le CFA à la suite des ruptures pour trouver une autre entreprise à l'apprenant), apporter transparence et information aux usagers. Ces indicateurs “vont aussi permettre de réguler le système“. Catherine Fabre imagine “que les formations qui sont de piètre qualité seront peu utilisées par les usagers et celles qui offrent de beaux indicateurs de belles performances seront prisées par les usagers. C'est aussi ça la philosophie de cette loi.“
A noter que ce rapport d'évaluation sera également débattu en séance publique à l'Assemblée nationale le 1er février.