"Education nationale" ou "Instruction publique", ce que dit l'historien Claude Lelièvre (et le ministère lui-même)
Paru dans Scolaire le mardi 18 janvier 2022.
Alors qu'Eric Zemmour annonce vouloir rebaptiser le ministère de l'Education nationale pour en faire le "ministère de l'Instruction publique", Claude Lelièvre évoque l'histoire de la dénomination de ce ministère. Il rappelle que déjà en 2013, Guillaume Peltier et Didier Geoffroy avaient publié un projet pour "une droite forte" dans lequel ils proposaient de l'appeler "ministère de l'Instruction nationale'' et il signale que Jean-Michel Blanquer avait suggéré une mesure semblable à Emmanuel Macron lors de sa nomination.
L'historien entend dissiper "une méconnaissance (très répandue) de la réalité historique". Une "Commission de l'Instruction publique", placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, a éé constituée en 1815 pour remplacer le "Grand-maître de l'Université impériale" créé par Napoléon, et une ordonnance du 26 août 1824 crée un "ministère des Affaires ecclésiastiques et de l'Instruction publique", mais si cette dénomination "a alors été préférée à celle d’éducation nationale, c'est parce que ce dernier intitulé renvoyait pour l'essentiel au moment le plus révolutionnaire de la Révolution française", précise l'historien. "L'expression date de la fin du 18e siècle, où elle était employée par les partisans de la prise en main par l'Etat des affaires d'enseignement." Et il met en évidence le rôle éducatif dévolu à ce ministère sous la Restauration : il s'agit d'élever la jeunesse du royaume "dans des sentiments religieux et monarchistes".
C'est en 1932 que le ministère change de nom et le premier ministre à occuper le poste est Anatole de Monzie qui explique dès sa prise de fonction que cette dénomination "est synonyme d'égalité scolaire et de développement de la gratuité et que, en somme, qui dit 'éducation nationale' dit 'tronc commun'. Cette titulature sera remise en cause pendant les premiers mois de Vichy, où 'l'Instruction publique' fait sa réapparition ; mais l'appellation 'éducation nationale' sera rétablie dès le 23 février 1941. Elle avait d'ailleurs été conservée à Londres, puis à Alger par les gouvernements du général De Gaulle", ajoute Claude Lelièvre, reprenant l'historique qui figure sur le site du ministère.
Ajoutons que ce changement de dénomination revient régulièrement chez les "anti-pédagogues" qui accusent les "pédagogues" de se soucier davantage de l'éducation des enfants, un domaine réservé, ajoutent certains d'entre eux, à la famille, que de leur transmettre des connaissances.