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RASED : le collectif réagit au rapport de l'Inspection générale et craint la dissolution des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté

Paru dans Scolaire le lundi 20 décembre 2021.

Le Collectif national RASED "réclame de toute urgence" une audience au ministre de l'Education nationale après qu'a "fuité" un rapport de l'Inspection générale portant sur "l’organisation, le fonctionnement et l’évaluation des effets des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté". Il demande à Jean-Michel Blanquer "des clarifications sur ses intentions".

Dans leur déclaration commune, les organisations signataires s'inquiètent notamment des recommandations qui figurent en tête du rapport et qui conforteraient une politique "ayant pour résultat d’altérer considérablement le rôle et les missions des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté". Le collectif estime que "les inspecteurs généraux tirent, d’observations parcellaires et de propos rapportés, des hypothèses puis des conclusions parfois sans aucun lien de cause à effet". Elles relèvent "l’absence d’enseignants spécialisés dans certains territoires", ou évoquent "des enseignants 'désorientés, débordés, (manquant) de moyens' … mais n’en tirent aucune conclusion" alors "qu’à la rentrée 2020, 1 463 postes de RASED étaient vacants ou occupés par des personnels non formés".

Et surtout, le collectif redoute une dissolution des RASED. Il note que "les conclusions de ce rapport n'évoquent pas les psychologues de l’Éducation nationale, composante à part entière des RASED" et que ses auteurs invitent les personnels à "une réelle porosité" entre "les aides relationnelles et pédagogiques", donc à une indifférenciation des spécialités.

Pour mieux comprendre les enjeux de cette critique d'un rapport dont la tonalité est pourtant plutôt positive puisque l'Inspection générale souligne que "l’intervention du RASED constitue un besoin unanimement exprimé" par les enseignants, ToutEduc a interrogé François Harduin et Frédéric Tolleret, président et vice président de la FNAREN.

La FNAREN. Effectivement, les inspecteurs évoquent le ressenti très positif des enseignants, et il aurait été logique qu'ils recommandent de pourvoir les postes vacants et quelques aménagements. Or ils ne disent rien des effectifs, alors qu'un tiers des postes ont été supprimés depuis les années Sarkozy, la moitié des postes pour l'aide relationnelle, et leurs recommandations vont bien plus loin, notamment lorsqu'ils appellent à une redéfinition de "la place du RASED dans le cadre d’une nouvelle circulaire ministérielle" dont nous nous demandons ce qu'elle pourrait contenir, alors que celle de 2014 est parfaitement compatible avec les conclusions du rapport.

ToutEduc. Le rapport appelle également "à un renforcement du pilotage académique et départemental". Comment comprenez-vous cette recommandation ?

La FNAREN. Les inspecteurs généraux appellent à pilotage plus fort, et non pas plus juste. Or, actuellement, la situation est très variable d'un département à l'autre, selon que le DASEN nous fait confiance ou nous considère comme des moins que rien, ou bien comme la 5ème roue du carrosse, auquel cas la situation varie d'une circonscription à l'autre, selon le crédit que nous accordent les IEN...

ToutEduc. A la lecture du communiqué du collectif, c'est votre existence même qui est menacée par un rapport qui dit pourtant que vos interventions sont ressenties comme nécessaires...

La FNAREN. Ce que valorise le rapport, ce sont des interventions ponctuelles, à la demande, pour pallier des manques, plutôt qu'un travail de fond, au plus près du terrain et des difficultés des enfants. Nous craignons de n'être bientôt que des personnes ressources, qui interviennent comme conseils auprès des enseignants. Et certes, nous avons ce rôle, mais nous ne pouvons pas être que ça. De même, nos interventions devraient se faire uniquement dans la classe, en co-intervention avec l'enseignant. Mais ce n'est pas toujours possible, avec certains enfants, il faut faire un pas de côté, les sortir de leur contexte le temps d'une séance. De plus, le rapport appelle à davantage de "porosité" entre l'aide pédagogique et l'aide relationnelle, donc à une négation de nos spécificité, ce à quoi tendait déjà la création du CAPPEI (le diplôme qui sanctionne la formation des enseignants spécialisés, ndlr) ...

ToutEduc. Vous évoquez le CAPPEI, créé en 2017, vous voyez donc ce rapport s'inscrire dans une continuité institutionnelle, alors que certaines formulations semblent plutôt remettre en cause la volonté de l'équipe ministérielle actuelle de quantifier les effets des pratiques pédagogiques.

La FNAREN. Les recommandations témoignent de la volonté d'inscrire notre action dans le cadre politique actuel. Caroline Pascal, la cheffe de l'Inspection générale, dans le courrier qu'elle adresse aux DASEN pour accompagner le rapport au nom du ministre, estime que nos pratiques "ont peu évolué malgré les changements importants intervenus dans le paysage éducatif, pédagogique et didactique du premier degré au cours des dernières années". Elle ajoute que "la mesure de la valeur ajoutée apportée par les RASED quant aux acquis des élèves reste un angle mort", elle se situe dans une perspective quantitative, ce qui correspond à la tendance aujourd'hui, alors que notre action est du domaine du qualitatif. Certes, le rapport évoque un "ressenti" positif, mais c'est une notion qui n'a pas cours pour justifier une politique, même si elle est invoquée lorsqu'il s'agit du harcèlement scolaire...

ToutEduc. Pour vous donc, ce rapport va dans le sens de la politique actuelle ?

La FNAREN. Nous nous interrogeons. Les recommandations semblent déconnectées du rapport lui-même, comme si elles répondaient à une commande du politique. Nous avons le sentiment qu'on nous demande d'être des exécutants, de mettre en oeuvre des protocoles plutôt que de rechercher des réponses singulières, au plus près des difficultés de l'enfant. Nous ne sommes plus dans la logique de l'adaptation scolaire, mais dans la compensation, on ajoute des dispositifs pour pallier des manques au lieu d'aider l'enfant et l'école à s'adapter mutuellement.

Le rapport et la lettre qui l'accompagne, ici et ici

La collectif réunit la FNAME et la FNAREN (les deux associations des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante pédagogique, auparavant maîtres E, ou à dominante rééducative, auparavant maîtres G), l'AFPEN (les psychologues de l'Education nationale - spécialité apprentissage) et l'AGSAS (les groupes de soutien au soutien), mais aussi les deux syndicats d'inspecteurs du 1er degré (FSU et UNSA), les syndicats d'enseignants de la FSU, de l'UNSA, de la CGT et de SUD ainsi que la FCPE.

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par François Harduin et Frédéric Tolleret

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