Réactions hostiles face à l'article “Ecole. Comment on endoctrine nos enfants“ du Figaro Magazine
Paru dans Scolaire le mercredi 17 novembre 2021.
“Mais que nous arrive-t-il, dans quel contexte sommes-nous ?“ s'indigne l'historien de l'éducation Claude Lelièvre, qui juge insoutenable l'idée que “l'école endoctrinerait nos enfants“ soumise par le Figaro Magazine la semaine dernière.
A travers 10 pages émaillées de nombreuses publicités, l'article s'intitule “Comment on endoctrine nos enfants“ avec pour sous titre “Antiracisme, idéologie LGTB+, décolonialisme… enquête sur une dérive bien organisée“. Il y est soutenu qu' “au nom de la "diversité" et de son corollaire pédagogique "l'inclusion", les idéologies (notamment woke, ndlr) ont pénétré dans "le temple scolaire avec la complicité d’une partie du corps enseignant et par le biais des outils pédagogiques.“
L'historien évoque “un effacement de fait de toute l’histoire antérieure comme non advenue (ou mal venue…)“ et rappelle les prescriptions ministérielles successives en la matière de Jean-Pierre Chevènement (1985), François Bayrou (1995), ou encore de Xavier Darcos en 2008, ce dernier préconisant par exemple dans le programme d’histoire-géographie-éducation civique pour la classe de cinquième que “même s’il existe des différences entre les individus et une grande diversité culturelle entre les groupes humains, nous appartenons à la même humanité. Assimiler les différentes cultures à des différences de nature conduit à la discrimination et au racisme (…). L’étude d’un exemple de discrimination ou de racisme appuyé sur un texte littéraire ou un fait d’actualité permet de les définir et de montrer leurs conséquences pour ceux qui en sont victimes.“
De son côté, le réseau des Inspé souhaite “réagir vivement aux graves accusations contre l’École républicaine et ses professeurs“, évoquant des propos “aussi généralistes qu’approximatifs, (qui) comportent des amalgames tendancieux, non objectivés, voire non sourcés". Souhaitant élever le débat, les Inspé parlent de dépasser “les bassesses véhiculées par les discussions de comptoirs, non seulement inutiles mais surtout totalement inacceptables“, et de se recentrer “collectivement autour d’un seul objectif commun : faire réussir nos élèves et poursuivre notre mission de service public.“
Le réseau des 33 établissements de formation supérieure du professorat et de l’Éducation estime que “porter de fausses accusations contre les professeurs de l’École de la République, c’est attaquer les fondements mêmes de notre société, c’est fragiliser notre socle commun. Les risques sont grands.“ Il ajoute faire confiance “à tous les acteurs de la formation des futurs enseignantes et enseignants ainsi que des conseillères et conseillers principaux d’éducation“, ainsi qu'aux professeurs.
“Polémiques stériles“, “débats ineptes“, “mises en accusation scandaleuses“... Enfin, l'association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) comme de nombreuses voix, s'émeut de ce papier et évoque un certain “dégoût“.
Elle “ne compte plus les couvertures ni les articles consacrés à l’école, attaquée de toutes parts, accusée de tous les maux : inégalitaire, élitiste, sélective, malveillante, machine à broyer d’un côté ; laxiste, incompétente, politisée, doctrinaire de l’autre. Tout et son contraire“ et voit les professeurs visés derrière l’école, “jugés coupables et rendus responsables de tout“, au travers d' “accusations graves derrière lesquelles nous ne reconnaissons aucun de nos collègues“ tout autant que d'amalgames navrants, des confusions problématiques, des généralisations abusives à partir de cas isolés.
“L’historien recoupe ses sources, nous pensions que les journalistes faisaient de même“ assène l'APGH, qui s'étonne par ailleurs “de l’assourdissant silence gouvernemental face à ces attaques ignobles“.
A noter que plusieurs collectifs signent une déclaration conjointe pour demander s'il faudrait "sanctionner les enseignant.e.s qui luttent contre les discriminations" (collectif Aggiornamento Histoire-Géo, collectif Questions de classe(s) - N'Autre école, ICEM Pédagogie Freinet, GFEN, Institut bell hooks/Paulo Freire, collectif Pédagogie Solidaire, collectif Lettres vives, collectif SVT Égalité, collectif Enseignant·e·s Pour La Planète, Cahiers de pédagogie radicale, voir ici le site de Lettres vives ici)
A noter encore que la FSU adresse une "lettre ouverte" au président de la République et dénonce "une remise en cause de la professionnalité des enseignants" qui vient après "les propos du ministre de l'Education nationale sur la culture 'woke' qui aurait gangréné le monde de l'éducation, et les menaces qu'il a énoncées à l'égard d'une partie des personnels qui, selon lui, ne respecteraient pas les valeurs de la République".
Le blog de Claude Lelièvre ici
Le communiqué du réseau des Inspés ici
Le communiqué de l'APHG ici