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La mort à l'école, moins taboue, plus souvent enseignée (IFOP)

Paru dans Scolaire le mardi 02 novembre 2021.

La mort à l'école : “comment réagir, comment en parler, comment éduquer nos enfants à la mort pour leur donner les outils leur permettant d’y faire face ?“ C'est pour tenter de répondre à ces questions que l'IFOP a conçu une grande enquête pour la MAIF et la MGEN, en croisant les regards de trois cibles que sont les élèves, les parents d'élèves et les enseignants, tous dans le second degré. Des interviews ont été réalisées auprès de 3004 personnes par questionnaire auto-administré en ligne du 23 juin au 7 juillet 2021.

Selon les résultats de cette enquête, les enseignants du secondaire y sont plus exposés : ils sont 83 % à avoir déjà été confrontés à la mort (contre 69 % des parents et 55 % des élèves), et 53 % déclarent penser régulièrement à la mort (contre 18 % des élèves, et 41 % chez les parents d’élèves comme pour la moyenne des français). Cependant, selon l'IFOP les enseignants “sont ceux qui expriment le plus de difficultés à l’aborder avec leurs élèves“, avec 73 % des interviewés qui “se sentent mal à l’aise“ face au sujet. L'institut de sondage ajoute que “cette étude révèle donc bien que les professeurs de collèges et lycées sont particulièrement confrontés à la mort dans leur travail et que la possibilité d’avoir à en parler avec un élève est une réalité, mais qu’une majorité ressent des obstacles au bon déroulé de ces échanges.“

De leur côté, 59 % des élèves ont des difficultés à aborder la mort, et seuls 37 % d'entre eux indiquent avoir évoqué le sujet avec un enseignant. Réticence de leur part ? Pas uniquement, explique l'IFOP, cela pourrait également s'expliquer par “un environnement non propice à ces échanges. Ce que ce résultat nous dit, c’est aussi que les professeurs apparaissent comme des interlocuteurs plus ‘au front‘ sur cette thématique, puisqu’ils sont les troisièmes cités par les élèves directement après le premier cercle de proximité (famille et amis), et avant les personnels de santé.“ Les premiers interlocuteurs prisés par les jeunes, famille et amis, peuvent se montrer défaillants, et les professeurs prendre le relais, analyse l'institut qui conclut : “l’évocation de la mort en milieu scolaire constitue donc bien un véritable enjeu.“

Il ajoute d'ailleurs que “la mort tend à être moins perçue comme un sujet tabou dont il ne faut pas parler : une nette majorité de répondants pense que l’on parle plus de la mort qu’autrefois, et près d’un sur deux juge que c’est une bonne chose.“ Dès lors, deux indicateurs démontreraient pour les enseignants l'enjeu d'une intégration de la mort dans le cadre scolaire : “un quasi-consensus qui semble exister sur l’idée que le personnel scolaire (que ce soit de santé ou éducatif) est bien placé pour parler de la mort avec les élèves (97 %)“, et une nette majorité (60 %) s’accordant à dire qu’il est nécessaire de parler de la mort avec les élèves.

L'IFOP analyse ainsi que “si globalement les enseignants se montrent enclins à s’investir sur cette thématique qu’ils jugent importante, un profil particulier émerge et semble davantage prêt à s’impliquer et à exploiter la mort dans leurs cours“, les enseignants âgés de 30 à 39 ans. Ces derniers ont un “entrain accru par rapport à leurs collègues plus jeunes ou plus âgés“, ils sont jeunes, “sont cette nouvelle génération qui brise les tabous sur nombre de sujets de société qu’ils abordent de manière plus décomplexée“. L'institut ajoute que “relativement expérimentés, ils se sentent peut-être plus aptes et légitimes à gérer ce genre de thématique, et plus volontaires dans le développement de nouveaux projets éducatifs. En effet, 69 % des professeurs âgés de 30 à 39 ans pensent qu’il faut parler de la mort aux élèves (contre 45 % des plus jeunes et 55 % de 40-49 ans) et 49 % que le personnel scolaire à un rôle très important à jouer dans l’éducation à la mort (contre 23 % des 25-29 ans et 13 % des 50-59 ans).“ Enfin, “sont également particulièrement sensibles à la question les personnels d’établissements REP où le corps éducatif a tendance à être plus en support de l’éducation familiale que dans d’autres types d’établissements. Ainsi, 56 % des professeurs en REP pensent qu’ils ont un rôle très important à jouer dans l’éducation à la mort (contre 14 % des établissements hors REP) et 79 % à se sentir aptes à réaliser cette tâche, contre 45 % ailleurs.“

Les parents d’élèves, eux, sont décrits comme des “intermédiaires entre le cercle familial et le cercle scolaire“, largement majoritaires à reconnaitre le besoin de parler de la mort aux enfants (71 %), ce qui pour l'IFOP participe là encore “à la déconstruction de l’idée reçue selon laquelle la mort serait un sujet tabou, notamment avec les plus jeunes". Est ensuite précisé que près de sept parents sur dix (68 %) pensent que les personnels des collèges et lycées ont un rôle important à jouer dans l’éducation à la mort, avec comme chez les enseignants, “une prégnance de cette idée chez les parents plus jeunes (18 % des 25-29 ans, contre 13 % des 50-59 ans) et ceux dont les enfants sont scolarisés en REP (28 % contre 12 % hors REP)“. Des catégories de parents qui apparaissent plus favorables à la prise en charge de la problématique de la mort par le corps enseignant car eux-mêmes peuvent se sentir “dépassés“.

Près de neuf jeunes sur dix (89 %) associent la mort à quelque chose de positif, une idée qui pour l'IFOP “infuse de manière très homogène dans toutes les strates de l’opinion“. Pour 84 % d’élèves elle représente d'abord une étape de la vie, avant d'y voir, pour 77 % des élèves, quelque chose qui fait peur. Ils ne sont en revanche que 57 % à penser que c'est un sujet dont ils souhaitent que l’on parle plus facilement. Et tous les élèves ne sont pas égaux dans leur sentiment de vouloir parler de leurs émotions vis-à-vis de la fin de la vie. “Les plus âgés d’entre eux (59 % des 18 ans et plus, contre 37 % des 10-12 ans) et ceux inscrits dans des établissements classés en REP (51 % contre 39 % de ceux hors REP) sont plus à l’aise que les autres à l’idée de parler de la mort avec des enseignants. Ces profils d’élèves tendent le plus à s’éloigner de leur cercle premier de proximité, soit parce qu’ils traversent ce que l’on appelle familièrement ‘la crise d’adolescence‘, soit parce que leurs parents rencontrent des difficultés matérielles importantes et sont moins enclins à répondre à des questions sur la mort.“

A noter que les principaux dispositifs mis en place en cas de décès à l’école sont des dispositifs d’écoute intervenant après que le décès soit survenu. Quand la mort n’est pas abordée en tant qu’élément du programme scolaire, comme un enseignement scientifique (le cycle de la vie, la survie de l’espèce) ou historique, elle l’est seulement au prisme de l’expérience du deuil. Pour l'IFOP, “il semble en effet exister un angle mort dans le rôle d’éducateur des professeurs, qui s’avèrent en fait enclins à proposer des espaces de réflexion sur le sujet, davantage sur un mode philosophique et préventif".

L'enquête de l'IFOP ici

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