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Numérique scolaire : les inégalités sont partout (dossier de veille de l'IFE)

Paru dans Scolaire le vendredi 22 octobre 2021.

Pour lutter contre les inégalités numériques en éducation, il est "essentiel de faire évoluer les postures" et de prendre en compte "les usages hétérogènes, scolaires et extrascolaires, des outils numériques", de s’éloigner de représentations contredites par la recherche, "telles que celle des natifs du numérique". Prisca Fenoglio signe le dossier de l'équipe "Veille et analyse" que l'IFE consacre à ces inégalités qui ont, en leur "coeur", les inégalités sociales.

Elle appelle à se méfier de ce qu'un chercheur nomme "le complexe d’Obélix" : "Les jeunes seraient tombés dès la naissance dans le chaudron des technologies et n’auraient pas besoin d’éducation (...). Or c’est complètement faux ! (...) Au contraire, il est temps de reconnaitre l’existence d’inégalités numériques 'cognitives' (c’est-à-dire de traitement de l’information, de conceptualisation, d’intuitivité) et sociales chez les élèves". Elle ajoute que tout un chacun connaît l’expression " la fracture numérique", apparue "au début des années 1990 dans des rapports de l’OCDE", mais elle fait remarquer que "le terme de fracture (...) ne désigne pas une injustice" tandis qu' "une inégalité porte à préjudice". Il convient donc de ne pas "sous-estimer le fait que ces inégalités sont d’abord proprement sociales, c’est-à-dire en grande partie le fruit d’inégalités sociales préexistantes".

Le dossier montre encore qu' "en contexte extrascolaire, l’existence d’inégalités numériques chez les jeunes a été confirmée depuis déjà plus d’une décennie par des travaux de recherche" ; "le passage à un usage plus régulier de l’ordinateur est plus précoce chez les enfants de cadres, et les usages plus diversifiés (...). Au-delà des difficultés matérielles, des difficultés de connexion, ce sont surtout des difficultés de pratique du numérique pédagogique qui ont été dévoilées par le confinement (...), chez les enseignants, mais aussi chez les élèves (...), ainsi que dans les familles."

L'auteure souligne que, "malgré une croissance du niveau général d’équipement individuel et collectif, les inégalités d’équipement entre territoires et entre établissements (école, collège, lycée ou universités) persistent", "que les écoles primaires françaises sont particulièrement sous-équipées par rapport aux collèges et aux lycées, ainsi qu’au regard des moyennes européennes". Les écoles primaires des grandes agglomérations (hors Paris) "apparaissent moins bien dotées en matériel informatique que les écoles des petites agglomérations". Quant aux écoles situées dans les départements d’outre-mer, elles sont "largement les moins bien pourvues". Prisca Fenoglio ajoute que dans l’enseignement primaire, "la formation (des enseignants) aux usages pédagogiques des outils numériques ne semble pas à la hauteur des attentes ni des objectifs visés". Leurs collègues du second degré "s’estiment mieux préparé·es lors de leur formation initiale à l’usage du numérique, bien qu’au niveau international la France fasse pâle figure" puisque 29 % des enseignant·es de collège se considèrent bien formé·es contre 49 % pour la moyenne des pays participants à l'enquête Talis.

En France comme dans d'autres pays, "la première préoccupation des gouvernements a visé à combler les différences d’accès au matériel technologique (...). Qualifiées de massives, descendantes, et technocentrées, ces actions de diffusion et de développement des infrastructures représentent pour certains un échec des politiques publiques : elles font l’impasse sur la disparité dans la distribution des capabilités sociales culturelles et techniques au sein d’une même classe sociale." De plus, les discours ont conduit à des confusions "sur ce que sont apprendre et enseigner", à minimiser l’importance des choix de l’enseignant et les contraintes qu'il doit gérer dans la conduite de la classe. "Des études rapportent que les enseignant·es tendent à reproduire les inégalités numériques du contexte extrascolaire en utilisant le numérique moins fréquemment, moins efficacement et de façon moins innovante dans les écoles de milieux défavorisés que dans celles fréquentées par des élèves de milieux favorisés".

Mais le numérique est-il efficace ? "En algèbre, l’usage des TIC aide les élèves les plus performant·es à avoir un niveau de réflexion plus complexe, mais les plus fragiles ne sont pas aidé·es par ces outils" ; en orthographe, "la difficulté et l’opacité de l’outil parait accrue pour les élèves les moins performant·es (...). De manière plus générale, les études sur les effets des outils numériques sur les apprentissages sont assez peu concluantes : les résultats sont souvent nuls ou mitigés." Et l'intelligence artificielle ? La réflexion actuelle porte sur le développement de systèmes de tutorat intelligent" au risque de "la fragmentation des contenus et des rythmes d’apprentissage" et donc de "reproduire les inégalités scolaires existantes, en permettant aux élèves de milieux favorisés de réaliser leur parcours scolaire plus efficacement et plus rapidement que ceux des milieux défavorisés."

"Au coeur des inégalités numériques chez les élèves, les inégalités sociales", Dossier de veille de l’IFÉ, n° 139, ENS de Lyon (ici)

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