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Politique éducative du quinquennat Macron : un bilan mitigé ? (Institut Montaigne)

Paru dans Scolaire le jeudi 12 août 2021.

“Pensée initialement comme un moyen de diversifier l’offre de formation offerte aux élèves, de mieux les spécialiser, de lutter contre ‘l’effet filières‘ et les inégalités sociales et genrées associées à ce choix, cette réforme a eu, à date, encore peu d’effets tangibles au regard de ces différents objectifs“, analyse Baptiste Larseneur, chargé d'études à l'institut Montaigne au sujet de la réforme du lycée. Le think thank libéral, proche d'Emmanuel Macron, propose une évaluation de la politique éducative menée par le gouvernement depuis 2017.

Sont ainsi mis en exergue les inégalités liées au genre ou à l’origine sociale, qui “n’ont pas connu de changement significatif. La part de garçons qui choisissent mathématiques est toujours 20 points supérieure à celle des filles, celles-ci s’orientant plutôt vers 'Langues' et 'Humanités' (25 % des filles contre 9 % des garçons). En outre, près de 80 % des élèves d’origine favorisée choisissent mathématiques, contre seulement 62 % de ceux d’origine défavorisée“. Baptiste Larseneur ajoute que “l’orientation post-bac est demeurée le parent pauvre de la réforme. La performance en termes de nombre de candidats affectés semble être similaire à celle d’APB (64 % de candidats affectés par APB en 2017, contre 63 % par Parcoursup en 2019) et la méconnaissance de l’offre de formation et des enjeux de l’orientation semble toujours similaire parmi les élèves les plus défavorisés (rapport parlementaire, juillet 2020)“.

Enfin selon l'auteur, le lycée professionnel “n’a pas fait l’objet d’une réforme d’ampleur durant ce quinquennat. Les taux de décrochage et de chômage à la sortie du lycée professionnel, ainsi que la trop grande déconnexion entre les savoirs enseignés et la réalité des besoins économiques, sont encore importants. L’ambition affichée par Jean-Michel Blanquer d’en faire un véritable lieu d’insertion professionnelle n’a pas encore été suivie par des réalisations majeures. En conséquence, la voie professionnelle devra faire l’objet d’une réforme ambitieuse durant le prochain quinquennat.“

Plus généralement, le rapport souligne “la priorité accordée à l’éducation“ lors de ce quinquennat, “incarnée par une augmentation constante du budget accordé à l’éducation“, le budget du ministère de l'éducation passant de 47,9 milliards d'euros en 2016 à 53,6 milliards d'euros en 2021 (+11,9%), ainsi que le calendrier des réformes mises en place par le gouvernement, avec notamment la mesure phare que représentait le dédoublement des classes en éducation prioritaire et le plafonnement du nombre d’élèves par classe hors éducation prioritaire en GS, CP et CE1.

A ce sujet, l'institut Montaigne souligne “la rapide exécution de réformes structurelles : 10 800 nouvelles classes ont été créées en moins de trois ans avec le dédoublement des classes de CP et de CE1, la politique de dédoublement s’est ensuite poursuivie avec les classes de grande section (GS) de maternelle.“ Avec l'appui des données du service statistique du gouvernement, est constaté “un effet significatif sur la progression des élèves : Le dispositif permet une baisse de la proportion d’élèves en très grande difficulté de 7,8 % pour le français et de 12,5 % en mathématiques. Ainsi, au terme de la première année et sur les 24 000 élèves en très grande difficulté, 2 000 élèves de moins sont en très grande difficulté en français et 3 000 de moins en mathématiques“ mais il note que “l’effet du dédoublement des classes sur la performance des élèves en français est moindre que celui constaté en mathématiques“.

“Pour libérer (le) plein potentiel“ de la politique de dédoublement des classes, il préconise “un effort significatif de formation des enseignants aux techniques d’enseignement de la lecture éprouvées par les projets de recherche scientifique. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été engagées afin de promouvoir des méthodes éprouvées par les travaux de recherche empirique“, et pour “que ‘les meilleurs enseignants‘ puissent être placés devant les élèves présentant les plus grandes difficultés scolaires. Or, aujourd’hui, en France, le système d’affectation des enseignants - dit ‘du barème‘ - fonctionne selon le principe de l’indifférenciation des postes. Ce système conduit à l’affectation des enseignants débutants dans les postes perçus comme les moins attractifs, c’est-à-dire ceux situés en REP et REP+. Le système se prive ainsi d’un levier de rééquilibrage." Ainsi, selon l'institut, “il semble nécessaire de renforcer l’attribution de postes, selon la procédure dite de 'postes à profils' afin de pouvoir recruter davantage hors barème" car “la promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron d’affecter en zones d’éducation prioritaire des enseignants ayant au moins trois ans d’ancienneté n’a pas été engagée“.

Concernant l'introduction d'évaluations nationales, le rapport explique qu' “il existe encore une grande réticence du corps enseignant et des syndicats à l’adoption de ces évaluations. La principale crainte est qu’elles puissent conduire à la mise en place d’un système d’évaluation de la performance individualisée de chaque enseignant (effet maître) sur lequel se fonderait un système de rémunération et d’avancement différenciés.“

Autre mesure analysée, le numérique éducatif, et tout d'abord la création d’un Capes en 2020 et d’une agrégation d’informatique en 2021. Baptiste Larseneur considère que ce “véritable serpent de mer de l’Éducation nationale, la création de ces concours était nécessaire du fait de l’instauration des enseignements informatiques au lycée et en CPGE. Cependant, le nombre d’enseignants formés est encore beaucoup trop faible (30 places au Capes d’informatique en 2020, 60 places prévues en 2021). Il apparaît nécessaire de monter en puissance dans les années à venir et d’ouvrir davantage de places pour subvenir aux besoins des lycées en la matière.“

Plus globalement, il voit la politique en faveur du numérique éducatif déployée dans les établissements encore trop limitée : “Contrairement à de nombreux pays, le numérique n’est pas encore intégré en véritable tronc commun tout au long du parcours scolaire. Au regard des besoins en compétences numériques que requerront les emplois de demain, il apparait qu’une politique plus ambitieuse devra être poursuivie." Il considère par ailleurs que “le ministère de l’Éducation nationale peine à sortir d’une focalisation excessive sur le numérique comme outil au détriment du numérique comme objet d’enseignement. En 2021, 93 % du budget du numérique éducatif est consacré à la création de logiciels de gestion internes au Ministère de l’Éducation et à la maintenance logicielle. Seul 7 % de ce budget est consacré à la formation des élèves et des enseignants. D’une part, ces dépenses financent des projets très coûteux et souvent dysfonctionnels. Par exemple, le développement du logiciel de gestion RH Sirhen a coûté environ 400 millions d’euros avant d’être abandonné sans jamais être opérationnel. D’autre part, la crise du Covid a révélé combien le besoin de formation des enseignants au numérique est important. Dès lors, une réorientation des crédits relatifs au numérique devra faire l’objet d’une étude approfondie afin qu’ils bénéficient davantage à la formation des élèves et des personnels de l’Éducation nationale.“

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