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Apprentissage des mathématiques : les activités du quotidien semblent avoir un effet sur les performances des élèves (Cléa Girard, Lyon 1)

Paru dans Scolaire le vendredi 25 juin 2021.

Proposer aux enfants à la maison, des activités formelles qui font appel à des concepts mathématiques, y compris au travers d'une recette de cuisine, de jeux de société, etc., semblerait avoir un effet sur le développement du cerveau et l'activité cérébrale, et sur les performances de ces derniers en mathématiques. Ainsi, les premiers résultats d'un travail de thèse réalisé par Cléa Girard (université de Lyon 1/Centre de recherche en neurosciences de Lyon) montrent qu'indépendamment de l'indicateur socio-économique, les enfants qui ont l'activité cérébrale la plus active, et ce dans les zones dédiées au traitement de ces tâches, ainsi que les performances les plus élevées, sont ceux à qui sont proposées dans l'environnement familial des tâches plutôt formelles et surtout complexes et challengeantes. Ces résultats ont été présentés le 18 juin 2021 dans le cadre du séminaire "Le 'social' saisi par les sciences cognitives et la génétique". L'étude de Cléa Girard, qui "interroge le lien entre la famille, son environnement et les compétences en mathématiques au primaire", est originale parce qu'elle se penche sur l'étude du cerveau (quelles densités de matières grises et blanches) et en même temps sur l'activité cérébrale pendant l'exécution de tâches, en n'interrogeant pas seulement l'effet du facteur socio-économique, dont l'influence a été déjà mise en avant notamment au regard de trois indicateurs, niveau d'éducation, rémunération et statut professionnel, mais en interrogeant également l'effet de la variable des parents, les activités qu'ils proposent à leurs enfants, comme leur propre rapport aux mathématiques, leurs croyances et leurs attentes en la matière vis-à-vis de leurs enfants.

Ces travaux ont été réalisés, au niveau cérébral sur une soixantaine d'enfants de 8 ans, et au niveau comportemental sur 66 enfants de l'élémentaire, scolarisés en CE2. Les enfants et parents ont été mis en situation de tests standardisés - salles identiques pour tous, mêmes questions, mêmes nombres, mêmes temps d'arrêt... - afin "d'utiliser des scores normés" et pouvoir "situer les performances par rapport à d'autres enfants", explique la doctorante. Situations "standardisées" auxquelles se sont ajoutées des séances faisant appel à la technique de l'IRM. D'abord l'IRM anatomique, qui a permis de prendre des photos du cerveau "afin de mesurer notamment l'épaisseur de la matière grise, couche externe qui joue un rôle très important dans la cognition", explique la chercheuse, et qui s'avère "différente selon l'origine socio-économique", ceux ayant le plus de matière grise étant "des sujets issus des milieux socio-économiques les plus favorisés". A également été utilisée l'IRM fonctionnelle pour identifier quelles zones s'activent en fonction des tâches réalisées grâce à un écran introduit dans l'appareil, méthode qui a encore été peu utilisée dans le cadre de l'apprentissage des mathématiques, selon la chercheuse, contrairement aux expérimentations qui ont porté sur la littératie. La chercheuse a également intégré une autre mesure, le langage mathématique. Pour savoir quels mots sont utilisés durant ces activités, des séquences ont été enregistrées, soit en laboratoire dans des situations standardisées, soit à domicile, sans la présence d'expérimentateurs. Observations auxquelles s'est ajouté un important travail d'enquête, au travers de questionnaires, réalisé auprès des parents.

L'importance du "défi" dans les activités qui influeraient sur les performances

C'est en effet, la caractéristique notable de ce travail, la chercheuse a cherché, pour vérifier si cela pouvait avoir des effets sur les performances des enfants, à mesurer à quelle fréquence les parents utilisent les maths avec leurs enfants aux quotidien, à quel point ils apprécient la discipline, l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes par rapport à cette discipline, le niveau qu'ils avaient à l'école, l'anxiété qu'ils peuvent avoir vis-à-vis des maths, leurs croyances vis-à-vis des maths et aussi leurs attentes concernant leur enfant, notamment au niveau scolaire. Premier constat, ce sont les parents qui ont une cognition positive par rapport aux maths qui font le plus d'activités appelant des concepts mathématiques avec leurs enfants. Activités qui peuvent prendre deux formes : formelles, c'est-à-dire avec une "intention explicite" (comme poser des calculs selon différents niveaux de complexité), et informelles, au travers d'activités du quotidien qui vont impliquer ces concepts (une recette de cuisine par exemple, qui implique de mesurer, de peser...) ou de jeux qui introduisent des lancers de dés, amènent à se déplacer sur des cases, etc.

De l'analyse de ces questionnaires, vidéos et observations IRM ressort, qu'indépendamment de la variable du statut socio-économique, plus ces activités sont fréquentes, plus les compétences des enfants sont élevées, "mais seulement lorsque ces activités sont plutôt formelles et complexes (plutôt des divisions que des additions par exemple), et quand elles introduisent un challenge". La notion de "défi" est d'ailleurs "importante", souligne Cléa Girard, puisque dans cette étude aucun lien n'a en revanche été fait si les activités sont "très simples". Chez ces enfants qui bénéficient de ces activités en famille, quels que soient leurs origines socio-économique et leur QI, a été décelée une activité cérébrale élevée dans la zone hIPS du cerveau, particulièrement dédiée au traitement des nombres.

Comme dans toute étude, celle-ci a néanmoins des limites. Parmi elles, le fait que le lien causal ne peut être prouvé, "même s'il y a des raisons de penser qu'il y en a un", souligne la chercheuse qui évoque à ce titre des études expérimentales qui ont montré que la lecture de certains livres intégrant des aspects mathématiques avaient des effets sur les performances des enfants. Pour établir ce lien causal, il faudrait ainsi modifier quelque chose dans l'environnement familial sur un temps court. Celle-ci évoque aussi parmi les limites le fait que "tous les parents étaient soumis au biais de leur propre évaluation".

D'autres analyses doivent porter sur des enfants de maternelle qui ont été mis en situation de jeu en laboratoire. Il s'agissait d'enregistrer pendant 10 minutes une situation où la seule consigne était de jouer, pour observer le langage utilisé en mathématiques.

Camille Pons

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