La situation des personnels de direction (proviseurs, principaux, adjoints) s'aggrave considérablement (G. Fotinos)
Paru dans Scolaire le jeudi 10 juin 2021.
Le climat scolaire était "excellent" ou "bon" dans leur établissement pour 73 % des personnels de direction en 2011, 69 % en 2013, 54 % en 2017, 37 % en 2021. "La crise (causée par la pandémie, ndlr) a accéléré et amplifié des tendances lourdes du métier de perdir (personnel de direction, ndlr)", estiment Georges Fotinos et José-Mario Horenstein qui ont présenté, hier 9 juin, les réponses au questionnaire qu'ils ont adressé aux principaux, proviseurs et adjoints sur leur perception de la situation. Et les résultats sont "catastrophiques". 12,6 % des 4 400 répondants ont des pensées suicidaires ou d'automutilation, 1,6 % "tous les jours ou presque". 84 % estiment être certains jours dans l'impossibilité d'assumer leurs missions (53 % "souvent" ou "assez souvent"), ce qui signifie que "les établissements sont à la dérive, sans boussole", commente pour ToutEduc Georges Fotinos.
L'un des symptômes de la gravité de la situation, c'est le nombre des réponses, un tiers du corps des personnels de direction qui ont pris de temps de répondre au questionnaire, sans doute du fait de la qualité des réseaux qui le leur ont adressé, le SNPDEN (le syndicat UNSA des personnels de direction), la CASDEN-BP, et les contacts personnels, mais surtout parce qu'ils ont trouvé "une occcasion de s'exprimer, de dire ce qu'on ne dit pas à sa hiérarchie, en étant préservé par l'anonymat).
Pour plus de la moitié d'entre eux, la situation se dégrade en termes de violences entre élèves, "une surprise de taille", même si elle correspond au phénomène décrit par une principale d'un collège de Savoie (voir ToutEduc ici). Quant aux relations des élèves avec les enseignants, elles se dégradaient pour 10 % des "perdir" en 2004, 25 % en 2010, 41 % en 2021 ! En ce qui concerne le décrochage, ils sont 67 % à penser que la situation se dégrade. En ce qui concerne les relations avec les parents, elles se dégradent pour 43 % des répondants alors que le discours ambiant veut que ceux-ci aient compris, à l'occasion du confinement, l'importance de l'école.
La situation se dégrade également dans les rapports avec les enseignants pour un tiers des perdir, et plus encore avec leur hiérarchie, DASEN et recteurs (40 % contre 28 % dix ans plus tôt). Les décisions de la hiérarchie et l'absence de continuité de la politique éducative ont un impact négatif sur les trois quarts des répondants, dont les conditions de travail se dégradent pour 92 %, tout comme la confiance dans l'institution (77 %). Le moral qui était "bon" ou "excellent" pour 42 % des perdir en 2017 ne l'est plus que pour 24 % d'entre eux.
Georges Fotinos trouve pourtant des raisons d'espérer. 22 % des répondants estiment que leurs relations avec les enseignants se sont améliorées à la faveur de la crise, 87 % d'entre eux ont trouvé "des réponses aux besoins des élèves et des enseignants", 83 % pourraient mettre à profit l'expérience acquise pour "modifier le projet d'établissement" et pour 60 % d'entre eux, cela pourrait prendre la forme d'une expérimentation, donc s'institutionnaliser.
Pour Bruno Bobkiewicz, l'ensemble n'en est pas moins inquiétant. Le secrétaire général du SNPDEN distingue les effets conjoncturels de la crise sanitaire, d'une succession de décisions, sur l'ouverture ou la fermeture des lycées et collèges par exemple, que les personnels de direction ont apprises "en même temps que tout le monde", en se branchant sur la télévision, ce qu'ils ont ressenti comme irrespectueux à leur égard et ce qui a provoqué leur crispation. Cette crise est de plus survenue alors qu'ils avaient subi une succession de réformes délicates à mettre en oeuvre et qui ont provoqué des violences, des blocages d'établissement, de graves perturbations du fonctionnement des établissements. Cette accumulation de crises intervient dans un contexte de dégradation structurelle de la situation, "d'année en année". "Tout le monde a bien compris que l'établissement était le bon niveau d'intervention et nous sommes sans cesse sollicités par l'Etat, l'académie, les collectivités territoriales... Le flux des mails est incessant." Le remède ? "Mieux gérer ce qui relève de l'urgence, davantage anticiper dans la mesure du possible, travailler sur les modes de communication et surtout que les décisions politiques d'amélioration soient contraignantes pour les services académiques, que ce qui est dit se traduise sur le terrain. Il faut aussi davantage de moyens. Nous n'attendons pas un changement du tout au tout mais de petites victoires successives."