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Pour les pédagogues du patrimoine arabe, l'éducation s'inscrit dans un projet de société

Paru dans Scolaire le mercredi 10 mars 2021.

"L'éducation se préoccupe de veiller à ce que l'individu soit préparé, dès son plus jeune âge, à devenir un membre utile de la société et fait en sorte qu'il puisse réaliser sa perfection et sa prospérité propres, et atteindre, par-là, le bonheur en vue duquel il a été créé." Al-Fârâbî est l'un des neuf grands philosophes arabes, avec Ibn Tufayl, Ibn Hazm, Al-Ghazali, Ibn Khaldün..., ayant vécu entre le neuvième et le quatorzième siècle (ère chrétienne), dont la pensée est analysée par Michel Zakaria (linguiste) et Norma Abboud Zakaria (sciences de l'éducation, université Saint-Esprit de Kaslik, Liban) dans un ouvrage récent. Ils y évoquent "l'apport considérable des philosophes à l'évolution et au développement des idées pédagogiques est incontestable".

Les deux auteurs revisitent ainsi les grands penseurs du monde arabe en reprenant leurs concepts principaux du point de vue de l'éducation : "L'homme est vu par les pédagogues arabes comme un être capable de raisonner et de vivre des valeurs. Pour cette raison, l'apprenant sera destiné à prendre conscience de sa valeur humaine et à user d'un raisonnement logique. En plus, il sera préparé à manifester des motivations positives envers les tâches à accomplir et à jouir d'une bonne santé physique, mentale et psychique qui se reflète sur sa conduite envers les autres." C'est ainsi que le premier d'entre eux, chronologiquement, Al-Fârâbî "prescrit un programme d'études pour les habitants de la cité vertueuse qui doivent avoir connaissance des principes des êtres, du leadership suprême, des dirigeants et des actions spécifiées qui devraient être connues et qui mènent au bonheur". Pour lui en effet, "l'Homme ne peut atteindre la perfection pour laquelle il a été naturellement disposé, que par l'association de plusieurs groupes qui coopèrent et donc chacun assure à chacun une partie de ce dont il a besoin pour sa subsistance. Ainsi, de ce que l'ensemble du groupe apporte à chacun de ses individus, se garantit tout ce dont il a besoin pour subsister et atteindre la perfection."

L'éducation de la femme, elle, suit les préceptes de l'époque. Al-Ghazali (11ème siècle) est favorable à l'éducation des femmes, "mais seulement au niveau élémentaire et au niveau des connaissances liées à la maison, afin qu'elle puisse accomplir son rôle dans la société. La femme est donc là avec tout ce que son profil de mère et d'épouse peut lui permettre, effectuant la tâche de protectrice et d'éducatrice qui, pour réussir son rôle de façon adéquate doit être à bon escient, croyante et pratiquante. Cette influence religieuse a dominé dans toutes les perspectives des pédagogues de l'époque de l'Islam, et l'attachement à la religion tout en éduquant est clair dans tous les textes pédagogiques écrits par Al-Ghazali."

Les auteurs s'inquiètent également de la relation élève-enseignant, très importante dans nombre des écrits philosophiques qu'ils présentent. Al-Qâbisî (10ème siècle) demande aux enseignants "d'agir avec fermeté et bienveillance à la fois ; en d'autres termes, être graves au cours de l'enseignement, à l'intérieur de la classe, et, en général, être aimables avec les élèves. Il a encouragé l'éducateur à être strict avec ses disciples, pas trop sévère, mais en même temps amical et compatissant, car c'est lui qui assume la responsabilité de les guider vers leur bien. Ceci étant, il est responsable de leur conduite, et c'est lui qui devrait leur interdire ce qui est mauvais et les forcer à faire ce qui est bon pour eux, comme si c'était leur père." Al-Qâbisî écrit d'ailleurs : "Tu as demandé : est-il acceptable que l'enseignant traite les enfants durement ? Ou penses-tu qu'il devra les ménager et éviter d'être austère, puisqu'il sont concernés par la recommandation précédente ? Effectivement, quand l'enseignant accomplit à bon escient sa tâche et prend en charge soigneusement les enfants, il agit correctement ; car c'est lui qui est responsable de les éduquer, de veiller à leur interdire ce qui ne leur convient pas et de les obliger à faire ce qui leur est profitable. Dans tout cela, il les guide vers ce qui leur est utile et ne doit les priver ni de sa bienveillance ni de sa clémence. En effet, pour eux, il remplace leur père."

Les pédagogues du patrimoine arabe, 512 p, éditions Fabert, collection "Pédagogues du monde entier", 35 euros.

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