Directeurs d'école : le détail des modifications apportées par les sénateurs à la proposition de "loi Rilhac"
Paru dans Scolaire le vendredi 05 mars 2021.
Le Sénat débattra en séance publique mercredi prochain 10 mars de la proposition de loi "créant la fonction de directrice et de directeur d’école" (dite loi Rilhac) et adoptée par l'Assemblée nationale le 24 juin. Elle a été examinée et amendée par la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication avant-hier 3 mars. Celle-ci considère ce texte comme "bienvenu".
Elle rappelle dans un "essentiel" que les responsabilités pesant sur les directeurs d’école sont fortes et elle considère que le "statu quo" serait "intenable". Elle évoque "la nécessité d’un cadre juridique adapté à la réalité de leurs missions", ils ont "besoin de temps", d'une formation spécifique, d'un renforcement d’un échange entre pairs, d'une redéfinition de leurs tâches, d’aide administrative ou matérielle. Elle rappelle également que "l’émoi" créé en novembre 2019 par le suicide d’une directrice d’école a conduit le ministère à prendre "dans l’urgence" plusieurs mesures visant à soulager immédiatement les directeurs d’école, dont "un moratoire sur les enquêtes nationales", un jour de décharge supplémentaire (représentant quelque 5 % d'augmentation des moyens consacrés aux décharges), "la création de groupes de directeurs d’école" et l’expérimentation d’un référent au niveau départemental, "la mise en place de temps d’échanges entre pairs, le versement d’une prime de rentrée de 450 euros, "un renforcement notable du rôle de pilote pédagogique". Elle évoque aussi le rôle que peuvent jouer les étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement et les jeunes en service civique pour soulager les directeurs.
La commission constate également que "les tensions se cristallisent autour de l’attribution d’une autorité hiérarchique du directeur d’école – aujourd’hui 'pair parmi ses pairs' – sur les enseignants". L’instauration d’une telle autorité "serait de nature à bouleverser profondément les équilibres actuels", mais "la mention explicite de l’absence de toute autorité hiérarchique" serait "également de nature à modifier profondément les relations entre enseignants et directeurs d’école". Les sénateurs proposent donc de "supprimer du texte tout renvoi à l’existence – ou l’absence – d’une autorité hiérarchique". Faut-il pour autant évoquer une "autorité fonctionnelle" différente de l’autorité hiérarchique ? "La commission poursuit ses réflexions sur le sujet, afin de voir émerger un consensus le plus large possible dans la perspective d’un amendement de séance".
L'article 1er modifie l’article L. 411-1 du code de l’éducation ("Un directeur veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire ; il assure la coordination nécessaire entre les maîtres. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de recrutement, de formation et d'exercice des fonctions spécifiques des directeurs d'école maternelle et élémentaire. Le directeur de l'école préside le conseil d'école qui réunit les représentants de la communauté éducative et donne son avis sur les principales questions de la vie scolaire. La composition et les attributions du conseil d'école sont précisées par décret. La participation des parents se fait par le biais de l'élection de leurs représentants au conseil d'école chaque année.")
Les députés avaient prévu d'ajouter à cet article que le directeur "bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige", mais qu'il "n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école". Les sénateurs suppriment la dernière phrase de cet ajout.
L'article 2 de la proposition de loi rétablit un article qui avait été supprimé du code de l'éducation (L. 411-2). Les députés proposaient que "les enseignants nommés à l’emploi de directeur d’école bénéficient d’une indemnité de direction spécifique ainsi que d’un avancement accéléré au sein de leur corps dans des conditions fixées par décret. Aucune mesure de contingentement ne peut être opposée à leur avancement de grade." Les sénateurs ajoutent que ce décret est "en conseil d'Etat" et ils suppriment la phrase sur les mesures de contingentement qui "est de nature à créer de fortes tensions" : "Comme directeurs d’école et enseignants du premier degré appartiennent au même corps, l’avancement des premiers se fera au détriment de celui des seconds."
Ils ajoutent un alinéa : "Dans le cas d’emplois de directeurs d’école vacants, des instituteurs et professeurs des écoles non inscrits sur la liste d’aptitude peuvent être nommés à leur demande dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Ils bénéficient d’une formation à la fonction de directeur d’école dans les meilleurs délais." En effet, dans quelque 20 à 25 % des écoles un enseignant fait fonction de directeur. La commission "a assoupli le dispositif proposé par l’Assemblée nationale pour pouvoir, en cas de poste vacant non pourvu, continuer à recourir à des enseignants faisant fonction de directeurs".
L'alinéa suivant porte sur les décharges d'enseignement. Les sénateurs proposent que leur détermination dépende d'un décret en Conseil d'Etat (et non d'un décret simple) et surtout, s'agissant des missions de formation ou de coordination confiées aux directeurs, ils précisent qu'elles sont définies "à la suite d'un dialogue tous les deux ans avec l'inspection académique", et non plus "annuel" comme l'avaient prévu les députés, "afin de permettre aux directeurs d’école de construire et de se projeter dans des missions à moyen terme".
C'est encore un décret en Conseil d'Etat, et non plus un décret simple qui "fixe les responsabilités des directeurs d’école maternelle, élémentaire ou primaire ainsi que les modalités d’évaluation spécifique de la fonction".
L'article 5 prévoit que "l'élection des représentants des parents d’élèves au conseil d’école peut se faire par voie électronique sur décision du directeur d’école". Les sénateurs ajoutent "après consultation du conseil d'école".
L'article 6 ajoute un article L. 411‑4. au code de l'éducation : "Chaque école dispose d’un plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et des personnels. Ce plan est établi par l’autorité académique, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur le complète en fonction des spécificités de son école, en assure la diffusion auprès de la communauté éducative et le met en œuvre. Il organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité." Les sénateurs proposent d'y ajouter une phrase. Pour compléter ce plan, "il peut consulter les personnels compétents en matière de sécurité." Cet article "met fin à la situation dans laquelle le directeur d’école porte quasiment seul la responsabilité de l’élaboration (de ces) différents plans".
Les sénateurs suppriment l'article 6 bis qui prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement, "dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’impact du développement des outils numériques sur la simplification des tâches administratives pour les directeurs d’école".
Le texte voté par l'Assemblée nationale ici, le texte qui sera débattu au Sénat mercredi prochain ici, les observations de la commission sénatoriale ici, le dossier législatif ici.