Laïcité : les lycéens plus tolérants que leurs aînés (IFOP pour la Licra)
Paru dans Scolaire le mercredi 03 mars 2021.
"Les lycéens sont majoritairement (52 %) favorables au port de tenues religieuses dans les lycées publics", qu'il s'agisse du voile, de la kippa ou de tout autre signe religieux ostensible, alors que la population adulte ne l'est qu'à 25 %. De même les lycéens (57 %) apportent leur soutien aux parents accompagnateurs de sorties scolaires et portant des "tenues religieuses", contre 26 % de l'ensemble des Français. C'est ce que montre une enquête de l'IFOP pour la Licra, réalisée en ligne du 15 au 20 janvier auprès de 1 006 lycéens âgés de 15 ans et plus. Celle-ci est extrêmement détaillée et montre aussi des différences de sensibilité selon que les jeunes interrogés se disent athées, auquel cas ils ne sont que 40 % à être opposés à l'interdiction du port de signes religieux, contre 49 % chez les catholiques et 88 % chez les musulmans.
Les lycéens sont massivement favorables (83 %, 82 % pour l'ensemble des Français) "au développement de cours sur les valeurs de la République et la laïcité donnant lieu à une épreuve obligatoire au brevet des collèges". Ils sont très majoritairement (62 %) favorables à l'idée d' "obliger les institutions et organisations religieuses présentes en France à reconnaitre le droit d’un croyant d’abandonner ou de changer de religion", des proportions qui varient peu selon qu'ils sont athées, catholiques, musulmans. Ils sont minoritaires, mais moins que l'ensemble des Français, dans le soutien à l’instauration de nouveaux jours fériés pour les adeptes des religions minoritaires (kippour, Aïd-el-Kebir, fêtes bouddhistes...), "à ce qu’une loi autorise les élèves des collèges et lycées publics à porter dans une piscine publique un maillot de bain couvrant la totalité de leur corps (burkini)" ou "à ce qu’une loi autorise des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales".
Leur vision de la laïcité se distingue d'ailleurs de celle de leurs aînés qui sont plus nombreux (26 %) à penser qu'elle a pour fonction de "faire reculer l'influence des religions dans notre société", alors qu'ils ne sont que 11 % à le penser, les élèves musulmans étant d'ailleurs ceux qui le pensent le moins (5 %).
Pour une large majorité des lycéens, la laïcité n'est pas un concept politiquement marqué, ils ne sont que 16 % à le situer à gauche, 6 % à droite, 2 % à l'extrême droite. C'est un concept "moderne" pour 62 % des lycéens, "dépassé" pour les autres (notamment pour les jeunes musulmans, 54 %) et 43 % des lycéens jugent les lois de la laïcité "discriminatoires envers au moins une religion", une proportion qui monte à 89 % chez les jeunes musulmans.
La question du droit au blasphème divise d'ailleurs les lycéens qui sont 52 % à déclarer ne pas y être favorables, une proportion qui monte à 78 % chez les jeunes musulmans (50 % pour l'ensemble des Français, 45 % chez les jeunes catholiques).
Pour le directeur du pôle "politique / actualités" de l'Ifop, cette enquête met en évidence un "double clivage", entre les jeunes et le reste des Français d'une part, entre les jeunes musulmans et le reste de la jeunesse d'autre part. François Kraus doute de "la pérennité de la loi de 2004" dont l'assise politique ne peut "que s'effriter au fil des années en raison du poids croissant des musulmans en France (18% chez les nouveau-nés masculins en 2016, contre 8% en 1997) mais aussi d'une forme d' 'américanisation' des mentalités qui fait de l'acceptation des expressions religieuses dans l'espace scolaire un marqueur générationnel (...). L'intériorisation des notions de droit à la différence et la primauté donnée au respect de la liberté de choix de chacun y sont sans doute pour beaucoup dans une génération qui se distingue par un certain relativisme des valeurs et un grand respect pour les minorités (...)."
L'enquête ici