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Conflit à Bobigny autour d'une enseignante "Freinet" : un dossier vide ?

Paru dans Scolaire le jeudi 11 février 2021.

Hélène Careil a trouvé un dossier pratiquement vide à l'inspection d'académie de Bobigny (93). C'est ce que rapporte à ToutEduc cette enseignante de l'école Marie Curie. Elle était convoquée hier 10 février pour prendre connaissance des pièces à charge, une formalité "préalable à la prise d'une décision de mutation dans l'intérêt du service envisagée". Elle a trouvé au total six fiches RSST ("registre santé sécurité au travail", la procédure pour signaler une situation qui porte atteinte à la santé des personnes ou à la sécurité des biens, ndlr) "dont deux en double, donc quatre en réalité dont une seule qui la ciblait vraiment mais dont les accusations à son encontre ne font pas l'objet d'annexes permettant de les prouver. Deux concernaient des éléments liés à des tensions qui avaient eu lieu l'année dernière entre d’autres collègues, la quatrième ciblait tour à tour les différents enseignant.e.s de l'école. La plupart des fiches n'étaient ni datées ni signées et dépourvues de documents annexés. Ces fiches sont en effet normalement complétées par des éléments de preuves et des détails sur les faits reprochés. Là, rien ! On lui reproche aussi des mails, mais il s'agit de courriels envoyés dans le cadre de ses fonctions syndicales et sur des adresses privées."

Le cas de cette enseignante est présenté par l'ICEM-pédagogie Freinet dont elle est une militante, et par SUD-éducation, dont elle est déléguée, comme un cas de harcèlement par une administration soucieuse de "normaliser" le fonctionnement de cette école dont Véronique Decker, figure emblématique des pédagogies actives et de la scolarisation des enfants des squats et des bidonvilles, a été la directrice pendant vingt ans.

L'enseignante est, dit-elle, dans l'école depuis 2014, elle a des rapports "corrects" avec l'inspectrice et elle a même été sollicitée pour recevoir dans sa classe une délégation sud-coréenne intéressée par la pédagogie Freinet. Elle prend en 2017 un CP dédoublé et avec ses collègues est à nouveau sollicitée pour recevoir d'autres enseignant·es de la ville. En octobre 2019, elle fait passer les évaluations de CP mais avec ses collègues, décide de ne pas en inscrire les résultats sur le site dédié. "Mais nous avons travaillé ensemble sur ce qu'ils signifiaient, avant d'être finalement contraintes par l'inspectrice de les faire remonter."

Celle-ci fait état des résultats "catastrophiques" de l'école et, deux mois plus tard, décide d'une inspection pour en dénoncer "les dysfonctionnements". Mais, toujours selon l'enseignante, les éléments statistiques qu'elle présente montrent que les résultats de l'école se situent dans "la moyenne haute" des résultats de la Ville, alors que cette école de cité classée REP + se trouve dans un quartier parmi ceux qui sont le plus en difficulté de Bobigny.

A mi-temps annualisé, elle quitte sa classe au 31 janvier 2020 et le remplacement se passe mal. "La personne qui prend mon poste réussit en 15 jours à instaurer un climat de peur auprès des élèves" et s'entend si mal avec l'autre enseignante de ce CP partagé que "celle-ci s'est mise en arrêt pour accident de travail et n'a jamais pu remettre les pieds dans l'école, elle a demandé depuis sa mutation pour une autre ville". Au mois de juin, en prévision de son retour après congé, la directrice lui signifie son interdiction de prendre un CP l'année suivante.

Elle a donc cette année un CM1. Deux autres enseignantes ont quitté l'école où les incidents entre collègues se multiplient, et où la pédagogie Freinet et le travail d’équipe "sont systématiquement dénigrés ou mis en cause". Le règlement intérieur est modifié en ce sens, à la demande de l’inspectrice après qu’il ait été voté par le conseil d’école, sans présenter les modifications aux parents élus. Elle-même est convoquée pour l'inspection d'académie, mais sans motif explicite et elle refuse de s'y rendre.

Hélène Careil ne nie pas l'existence de difficultés, elle a d'ailleurs fait une demande de médiation pour trouver un modus vivendi avec la directrice, et elle a été choquée de constater que celle-ci avait déposé une main courante deux jours plus tard, lui signifiant ainsi une fin de non recevoir. Elle se défend pourtant de toute hostilité personnelle. "On n'est pas contre la directrice, nous cherchons des solutions à des dysfonctionnements et refusons une alternative du type 'elle ou moi'. Nous sommes inquiet.es d'un possible mouvement de solidarité des directeurs qui créerait une forme de scission entre enseignant.e.s et directeurs-trices."

L'enseignante a reçu le soutien de 13 des 17 collègues de cette école. Sollicité par ToutEduc pour donner sa version de l'affaire, le rectorat n'a pas donné suite. Cette dépêche est donc fondée sur des informations d’origine syndicale.

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