Scolaire » Actualité

Instruction en famille : les amendements au projet de loi avant un débat sans doute animé

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le vendredi 05 février 2021.

L'article 21 relatif à l'instruction en famille devrait donner lieu à de longs débats lors de son examen en première lecture, à l'Assemblée nationale du projet de loi "respect des principes de la République" (ici), au vu du nombre des amendements déposés, mais aussi du fait des divisions au sein de la majorité : Une vingtaine de députés LREM (ou MODEM) demandent sa suppression (Sonia Krimi, Fabien Lainé, Stéphane Claireaux, Claire Bouchet, Aude Bono-Vandorme, Jacques Krabal, Jean-Marc Zulesi, Laetitia Saint-Paul, Xavier Batut, Jean-Marie Fiévet, Stéphane Trompille, Anne-France Brunet, Patrice Anato, Typhanie Degois, Alain Perea, Marie-Ange Magne, Sandrine Mörch, Yves Daniel, Laurence Vanceunebrock, Lénaïck Adam, Pierre Venteau, Anne Blanc).

Rémy Rebeyrotte voudrait voir "appliquer le nouveau dispositif d’autorisation préalable à l’instruction en famille seulement aux enfants qui n’ont pas commencé l’instruction en famille. Cela permettrait de sortir progressivement et efficacement du dispositif actuel."

Un autre amendement propose "comme seule condition la nécessité pour les parents, ou les responsables en charge de l’enfant, de justifier de leur capacité à fournir un enseignement respectant les valeurs de la République. Cette justification se ferait a posteriori et n’entrainerait ainsi aucune remise en cause du régime déclaratif actuel."

Voici la teneur des principaux amendements déposés par des députés de la majorité (et qui ont donc davantage de chances d'être adoptés) à cet article 21.

Les compétences des parents

Un amendement déposé par Anne Brugnera (rapporteure) prévoit que "l'instruction en famille peut être dispensée par les parents, par l'un d'entre eux, ou par toute personne de leur choix". Un autre amendement prévoit qu' "un décret en Conseil d’État précise les pièces justifiant la disponibilité et les diplômes requis pour assurer l’instruction en famille". Un troisième liste les diplômes "qui pourraient justifier la capacité des responsables de l’enfant à pratiquer l’instruction en famille" (y compris le DNB, ndlr).

Un amendement déposé par Anne Brugnera précise que l'instruction en famille doit être donnée en français.

Un amendement vise "à aligner le régime de déclaration de l’IEF sur celui des établissements privés hors contrat". Un autre propose de plus "de mettre en place un dispositif d’agrément des organismes d’enseignement à distance (...) afin de permettre à l’Éducation nationale d’assurer un meilleur contrôle des ressources proposées par ceux-ci dans le cadre de l’instruction en famille".

Des situations qui justifient l'IEF

Un amendement déposé par Anne Brugnera précise que "l’éloignement d’un établissement scolaire public peut suffire à justifier le recours à l’instruction en famille, quand bien même un établissement scolaire privé serait accessible au plan géographique".

Un amendement prévoit que, dans le cadre du 1er motif prévu (santé de l'enfant ou handicap), l’autorisation "est considérée comme acquise dans le cas où une décision notifiée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées concernant le projet éducatif de l’enfant demeure ineffective à l’issue d’un délai de deux semaines après la notification de cette décision à la famille".

Un autre prévoit que, "en cas de retrait soudain et nécessaire d’un enfant inscrit dans un établissement d’enseignement public ou privé, notamment pour des situations de harcèlement ou de phobie scolaire, l'enfant peut être instruit dans la famille, et ce avant la réception de l'autorisation demandée".

Si "la santé mentale ou physique (de l'enfant) est mise en danger, ce dont atteste alors un certificat médical", le délai de réponse dont dispose l'administration "est réduit à quinze jours dans le cadre d’une procédure de demande d’autorisation simplifiée".

Laïcité

Un amendement "vise à effectuer un contrôle du respect strict du principe de neutralité dans les enseignements dispensés au sein des familles", une autre impose à la personne chargée de l'instruction de l'enfant "de signer une charte des valeurs républicaines et de s’y conformer", un troisième de "défendre et promouvoir les valeurs républicaines et les notions de citoyenneté".

Les parents pourraient être amenés à prendre un certain nombre d'engagements. Ils devraient "signer un contrat d’engagement républicain avec l’établissement d’enseignement de l’enfant. La violation du contrat par lesdites personnes responsables de l’enfant entraîne(rait) l’obligation de participer à des stages de formation en parentalité assurés par les structures associatives locales."

Le 4ème motif d'autorisation

Mais c'est surtout le 4ème motif d'autorisation d'une instruction en famille ("L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif") qui fait l'objet de nombreux amendements.

Plusieurs amendements demandent que les modalités caractérisant l’existence d’une "situation particulière propre à l’enfant" et justifiant une instruction en famille "soient définies par décret en Conseil d'Etat", lequel préciserait les voies de recours en cas de refus.

Certains amendements proposent d'élargir le champ couvert par ce 4ème motif pour tenir compte des problèmes psychologiques et psychiques dont l'enfant pourrait souffrir, "harcèlement moral, dépression, troubles psychiques", mais aussi TDAH (troubles du déficit d'attention avec ou sans hyperactivité), ou encore en fonction "des enjeux liés à l’inclusion des jeunes trans", ou en cas de "voyage itinérant à l'étranger", ou de retour d'un séjour à l'étranger durant lequel l'enfant était scolarisé par un organisme de formation à distance.

Pourrait également entrer en ligne de compte l'organisation familiale puisque "bon nombre de familles se sont organisées autour de cette scolarisation à domicile et construit un équilibre pour l’enfant. Il serait dommageable que ces familles soient contraintes de renoncer à leur projet éducatif".

Un amendement prévoit, toujours pour cet alinéa 14, que l'instruction en famille est possible "dès lors que le projet éducatif participe de l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989". La députée Sandrine Mörch récuse d'ailleurs l'idée que l'instruction en famille diminuerait les possibilités d'interactions avec d'autres enfants.

D'autres amendements visent plutôt à en restreindre le champ. L'un d'eux prévoit que, "pour invoquer l’existence d’une situation propre à l’enfant nécessitant l’enseignement en famille, il faudra que l’enfant ait déjà préalablement fréquenté l’école afin qu’il puisse au moins faire l’expérience du système scolaire et de juger alors si l’instruction en famille est préférable".

Le contrôle.

Un amendement "vise à renforcer le contrôle de l’administration de la capacité de la famille à apporter des garanties qualitatives à l’enfant étant soumis à l’instruction en famille". Il est proposé d'associer différents services de l’État, ou des collectivités "notamment dans le cadre de la prévention de la radicalisation" et "pour déceler les familles qui pourraient potentiellement présenter un risque".

Les services municipaux pourraient être associée aux cellules départementales de prévention de l’évitement scolaire. Ces cellules "peuvent mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans le département". Elles assurent "le suivi des élèves ayant eu une injonction de re-scolarisation". Elles "n'ont pas uniquement vocation à prévenir, en amont, l'évitement scolaire, mais également à lutter contre cet évitement une fois qu'il est constaté".

Un amendement propose que les mairies contrôlent chaque année (et non pas tous les deux ans) "si l’instruction à domicile est compatible avec l’état de santé et les conditions de vie familiale de l’enfant".

Un amendement subordonne le versement des prestations familiales "à la production effective du certificat d’inscription dans un établissement d’enseignement public ou privé ou de l’autorisation (d'instruction en famille)."

L'autorisation

Un amendement "vise à introduire une dérogation à l’annualité des autorisations lorsque les contrôles effectués par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation sont jugés suffisants". L'autorisation pourrait même être accordée pour trois ans voire pour l’ensemble de la durée de la scolarité de l’enfant.

Un amendement prévoit "l’information du président du conseil départemental à l’occasion de la délivrance de l’autorisation. Celui-ci pourra, s’il l’estime opportun, avertir le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de l’existence d’une information préoccupante ou d’une autre mesure prise en conséquence".

Un amendement vise à combler le délai de deux mois dont dispose l’administration pour répondre à une demande d'autorisation : "l’enfant reste instruit dans les mêmes modalités d’instruction c’est-à-dire qu’il reste à l’école s’il est scolarisé ou en famille s’il pratique l’instruction en famille. Toutefois, l’amendement ouvre une dérogation pour tenir compte de certaines situations d’urgence."

Un autre vise à combler un vide juridique "pour les familles souhaitant inscrire leur enfant en jardin d’enfants", ce que la loi "école de la confiance" prévoit comme une possibilité jusqu'en 2024. Celles-ci ne devraient pas être obligées de demander "l’autorisation préalable prévue pour celles qui ont recours à l’instruction à domicile".

Les recours

Un amendement prévoit qu’en cas de refus d’autorisation contesté par la famille, "celle-ci pourra saisir une instance de recours administratif préalable obligatoire à l’échelle rectorale (...). Cette instance de recours collégiale, présidée par le recteur, sera décisionnaire. Sa composition et ses modalités de fonctionnement seront précisés par décret."

Un amendement prévoit la possibilité de recourir au médiateur de l'Education nationale.

Le rattachement

Un amendement "vise à assouplir le rattachement administratif à un établissement scolaire". Les parents le choisissent "sur proposition de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation". Mais, autre amendement, l'enfant devrait participer aux évaluations nationales (CP, CE1, 6ème, seconde). Un troisième amendement estime que ce devrait être facultatif.

"Les personnes responsables d’un enfant instruit dans la famille sont informées (...) des modalités selon lesquelles elles peuvent accéder aux ressources pédagogiques du ministère chargé de l’éducation nationale (...)."

L'enfant

Un amendement prévoit que "l'enfant capable de discernement peut être entendu par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, séparément ou en présence des personnes responsables de l’enfant. Cette audition est de droit si l’enfant en fait la demande lorsque son intérêt le commande."

Un amendement prévoit que, "à partir de son passage dans l’enseignement secondaire, l’enfant est systématiquement entendu par l’autorité de l’État lors de la demande d’autorisation".

Après l'article 21

A noter encore un amendement qui vise à ajouter un article au projet de loi, pour "inviter les professionnels de santé de l’éducation nationale à prendre en compte la situation des enfants en IEF dans le cadre de leurs missions" puisque "l’étude d’impact précise notamment que l’IEF porte un risque sur 'le développement cognitif et de socialisation de l’enfant'. Aussi, certaines familles justifient l’IEF par l’inadaptation de l’école à la santé de l’élève. Or, une intervention précoce, par des professionnels de santé qualifiés, est un enjeu très important, notamment pour les troubles des apprentissages."

Un amendement prévoit que, "à titre expérimental, l’enseignement de l’éducation physique et sportive dispensé dans les écoles maternelles et élémentaires et dans les établissements d’enseignement du second degré et d’enseignement technique est ouvert aux enfants instruits dans la famille", un autre que ces enfants ont accès aux enseignements artistiques et culturels.

Le soin d'attribuer à chaque enfant un identifiant pourrait être confié aux CAF, "seuls organismes à même de pouvoir dresser, à partir des informations dont elles disposent, une liste exhaustive des enfants en âge d'être scolarisés".

Un amendement "vise à remplacer l’expérimentation d’une journée pédagogique concernant la citoyenneté et les principes républicains par une présence, sur la base du volontariat, des responsables de l’enfant recevant l’IEF dans les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté". Ces CESC pourraient être inter-degrés et inter-établissements au niveau d'un bassin. Ils auraient aussi "pour mission de contribuer à l’éducation à la citoyenneté, la transmission des valeurs républicaines et du principe de laïcité et de promouvoir des initiatives de prévention et de lutte contre toutes les formes de discriminations, en associant élèves, familles et partenaires extérieurs". Une expérimentation "mettrait au cœur des valeurs de la république, la relation 'parents et corps enseignant' en créant une journée pédagogique les réunissant autour de ces valeurs".

Le projet de loi ici, les amendements ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →