La pédagogie Montessori favorable aux "bons" élèves (Revue française de pédagogie, N'Autre école)
Paru dans Scolaire le jeudi 17 décembre 2020.
Les "ateliers", un dispositif très fréquemment utilisé à l'école maternelle, sont actuellement "concurrencés" par les "plages d'activités montessoriennes", constate Ghislain Leroy (Rennes-2) dans la dernière livraison de la Revue française de pédagogie. Le chercheur se demande laquelle des deux formules est "le plus à même d'améliorer les résultats scolaires des plus faibles", et constate qu'elles posent également question. "Nos observations nous ont montré que lors des ateliers, l'enseignante ne met pas en place les étayages qui pourraient permettre d'aider significativement les élèves les plus faibles", les moins autonomes.
Mais pour leur part, les activités montessoriennes mobilisent un argumentaire "selon lequel il faut particulièrement aider les enfants quand ils sont dans une 'période sensible' (...). Il y a une sorte de croyance au fait qu'à un moment, le fruit est mûr et c'est là que l'intervention de la maîtresse arrive". Or l'auteur montre que la survenue de cette "période sensible" est conditionnée par l'environnement familial, marquée par des conditions culturelles et économiques. "On peut donc s'interroger sur le sens de cette posture d' 'attente' vis-à-vis des plus faibles, et sur son caractère potentiellement très inégalitaire."
S'il se refuse à conclure en faveur de l'une ou de l'autre des pratiques, il constate que toutes deux "postulent l'autonomie plutôt qu' (elles) ne la construisent", et qu'elles sont différenciatrices "au service des meilleurs, mais moins, voire peu utiles, pour les plus faibles". Il constate aussi que les ateliers ont changé "en partie de nature" puisque "une forte planification enseignante est désormais attendue" de façon qu'ils soient "producteurs d'apprentissage". Les activités préparatoires au lire-écrire-compter "gagnent en légitimité par rapport aux activités de chants, d'arts plastiques ou de dessins". Or cette logique "productiviste" semble "s'appuyer sur des autonomies enfantines fantasmées plus que réelles".
A noter que "N'autre école" publie un hors série qui met en questions la méthode Montessori, et recense les critiques qu'avait pu émettre à son encontre Célestin Freinet, mais aussi, aujourd'hui, Philippe Meirieu, Enrico Bottero, Véronique Decker et Alain Chavarin ou, s'agissant de Céline Alvarez qui se réclame de la dottoressa, celui de Laurence de Cock. Tous mettent en avant, outre le caractère socialement marqué de la méthode (que résume le surtitre de la revue, "pédagogie ou business"), le fondement religieux, voire mystique de cette méthode et de ses avatars, pour lesquels l'enfant est naturellement bon.
Revue française de pédagogie n° 207 (dont le dossier est consacré à LPPR et à la réforme de l'enseignement supérieur), 18 €
N'Autre école, hors série automne 2020, "La méthode Montessori en question", 10 €