AESH : ce n'est pas à l'Etat de financer l'accompagnement sur les temps périscolaire (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 02 décembre 2020.
Précisée et rebaptisée par la loi de 2019 sur l’école de la confiance, la scolarisation inclusive, mise en place par la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances, favorise la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire : son étendue et ses contours ont été largement précisés par une jurisprudence abondante : mais une décision rendue par le Conseil d’Etat le 20 novembre 2020 apporte des précisions intéressantes sur une question jusqu’ici peu traitée : les droits de l’élève handicapée avant ou après le temps scolaire et pendant le temps des activités périscolaires.
La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées d’Ille et Vilaine avait décidé en juin 2015 que la scolarisation d’une enfant dans une école maternelle nécessitait une aide individuelle compte tenu de sa situation de handicap. Selon l’article L. 351-3 du code de l’éducation, "cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap". Recrutés, indique l’art. L. 917-1 du code, par l’Etat ou par les établissements après accord du DASEN, ces accompagnants peuvent intervenir "y compris en dehors du temps scolaire" ; "ils peuvent exercer leurs fonctions dans l’établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l’autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles… Ils peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales".
En l’espèce la direction des services départementaux avait recruté l’accompagnant nécessaire à la scolarisation de l’enfant concernée pour apporter l’aide individuelle pendant le temps scolaire et la pause méridienne. Mais le père demandait en outre que l’aide s’étende au temps d’accueil que la municipalité organisait dans l’école le matin ou l’après-midi avant et après le temps scolaire, ainsi qu’à celui des activités périscolaires proposées par la commune aux élèves de l’école le jeudi après-midi. Le DASEN avait rejeté sa demande au motif que l’ensemble des temps périscolaires relevaient de la responsabilité exclusive de la collectivité territoriale qui les organise. Le TA de Rennes avait annulé ce refus et en 2018, la CAA de Nantes avait rejeté l’appel du ministre dirigé contre ce jugement.
La Cour avait souligné que "les missions des accompagnants des élèves en situation de handicap s’étendent au-delà du seul temps scolaire". Elle en avait déduit que, "dès lors que l’accès aux activités périscolaires apparaît comme une composante nécessaire à la scolarisation de l’enfant et que ces activités sont préconisées à ce titre par la CDAPH, il incombe à l’Etat… d’assurer la continuité du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap pendant les activités périscolaires, et ce, alors même que l’organisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compétence". Le Conseil d’Etat censure cette décision.
Il constate d’abord que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées détermine la quotité horaire d’aide à apporter à un élève, celle-ci, "eu égard à son objet" ne peut concerner que le temps dédié à la scolarité. Selon l’article L. 114-2 du code de l’action sociale et des familles, c’est l’association des familles, de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics qui permet la mise en œuvre de l’obligation d’assurer aux personnes handicapées toute l’autonomie dont elles sont capables. Il en résulte que, lorsqu'une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d'enseignement et de formation pendant les heures d'ouverture des établissements scolaires ou des activités périscolaires, c’est à elle qu’il incombe de veiller à assurer que les élèves en situation de handicap puissent, y avoir effectivement accès.
Comme on l’a dit, les accompagnants des élèves en situation de handicap recrutés par l'Etat sur le fondement d'une décision d'une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ayant alloué l'aide individuelle prévue à l'article L. 351-3 du code de l'éducation, peuvent intervenir "y compris en dehors du temps scolaire". A ce titre, ils peuvent notamment être mis à la disposition de la collectivité territoriale sur le fondement d'une convention conclue entre la collectivité intéressée et l'employeur ; mais, comme le précise l'article L. 216-1 du code, c’est à la collectivité territoriale d'assurer la charge financière de cette mise à disposition. D’autres solutions sont aussi ouvertes : emploi direct par la collectivité territoriale pour ces heures accomplies "en dehors du temps scolaire" ou recrutement conjoint par l'Etat et par la collectivité territoriale.
Lorsque l'Etat, sur le fondement de la décision d'une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées allouant l'aide prévue à l'article L. 351-3 du code de l'éducation, recrute une personne pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu'en outre, cet enfant recourt au service de restauration scolaire ou participe à tout ou partie des activités complémentaires ou périscolaires organisées dans son établissement scolaire, c’est donc dans le cadre d’une convention Etat-collectivité territoriale fixant les droits et les obligations de chacun que doit se régler l’organisation du service et des activités. Mais, en tout état de cause, le hors-temps scolaire est financièrement à la charge de la collectivité.
Il en résulte "qu'en jugeant qu'il incombait à l'Etat, dès lors que la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine avait décidé que la jeune B... A... bénéficierait de l'aide individuelle prévue à l'article L. 351-3 du code de l'éducation durant le temps scolaire et durant le temps périscolaire, d'assurer la prise en charge financière du coût de l'accompagnant chargé d'assister cet enfant, y compris lorsque ce dernier intervient en dehors du temps scolaire, notamment lors des temps d'accueil du matin ou du soir et des temps d'activités périscolaires que la commune de Bruz organise, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit". Son arrêt est donc annulé et l’affaire lui est renvoyée pour réexamen.
André Legrand