Scolaire » Actualité

Covid-19 : "Nous sommes les infirmiers des élèves !" (Congrès extraordinaire du SNICS-FSU)

Paru dans Scolaire le jeudi 26 novembre 2020.

"Nous sommes les infirmiers des élèves !" C'est "le cri d'alarme" qu'ont poussé les infirmiers scolaires, réunis en ligne ce jeudi 26 novembre 2020 à l'occasion d'un Congrès extraordinaire organisé par le SNICS-FSU (Syndicat national des infirmiers conseillers de santé). Ce congrès extraordinaire a été décidé à l'unanimité par le Conseil national du syndicat, réuni en urgence le 10 novembre dernier suite à l'annonce, faite le 6 novembre dernier par Jean-Michel Blanquer, d'affecter les infirmiers à la réalisation de tests d'orientation diagnostique nasopharyngés pour la détection du Sars-cov2 au profit des personnels des établissements scolaires, au détriment de la mission première des infirmiers : accueillir, écouter, accompagner les élèves. Ce congrès doit permettre de débattre des premières actions à mettre en œuvre, juste avant la tenue du congrès annuel national qui était déjà programmé pour la semaine prochaine. Et cette première "mobilisation", qui vise à montrer la préoccupation du syndicat concernant "le sens même de la politique menée contre la COVID mais aussi pour le service public de l'éducation", observe Saphia Guereschi, la secrétaire générale du SNICS-FSU, sera suivie d'une action de grève à l'appel de la FSU, concernant l'ensemble des métiers de l'éducation. Elle sera certainement organisée fin janvier, a précisé Benoît Teste, secrétaire général FSU, "pour laisser le temps de construire quelque chose de gros et qui pèse".

Objectif de cette mobilisation : "défendre l'apport et l'expertise des infirmiers de l'Éducation nationale au service d'un concept de santé à l'École, avec la possibilité de transmettre des connaissances sur la santé et, au-delà, permettre un égal accès à la réussite scolaire", détaille en introduction Saphia Guereschi. Ce qui passe par un recentrage autour de ce qui fait "le coeur" de cette profession : "la réponse aux besoins individuels", donc le maintien et le renforcement des consultations individuelles. Indispensable, selon la secrétaire générale, car "les jeunes subissent la crise de plein fouet" et parce que, complète la responsable de la section syndicale de Montpellier, l'infirmier constitue "le premier recours [pour l'élève] pour consulter gratuitement et dans une stricte confidentialité".

Des actions de prévention qui pourraient être mises à mal

Dès lors, les nouvelles charges données aux infirmières pourraient mettre à mal ces consultations, comme les actions et plans de prévention menés sur le long terme. Ce pourrait être par exemple le cas à la Réunion alors que des actions de prévention, menées dès le primaire, et d'accompagnement, ont permis depuis 8 ans de diminuer de moitié les grossesses précoces, l'un des fléaux qui touchent les jeunes là-bas, en plus des addictions et des violences familiales notamment. La représentante syndicale de cette académie rappelle par ailleurs que là-bas 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, que l'académie compte 23 % d'analphabètes contre 7 % en métropole, que beaucoup de jeunes arrivent en 6e avec de grosses difficultés de lecture et que l'on recense une à deux tentatives de suicides par jour. Une situation qui confirme, selon elle, l'importance de la mission des infirmiers qui "concourent à la lutte contre les déterminismes sociaux".

Pour le SNICS, il n'est par ailleurs pas normal "d'envoyer en renfort les infirmiers scolaires pour le dépistage des personnels sans avoir pris soin de saisir les autres professionnels comme les infirmiers libéraux". La représentante de la section académique de Créteil cite à titre d'exemple le nombre de personnels qui ont dû être mobilisés pour une première expérience pilote dans l'académie d'Île-de-France, où 190 personnels se sont portés volontaires pour un test antigénique. Ce dépistage massif a mobilisé 24 personnels de l'Assistance publique, 6 personnels de l'ARS, 4 infirmiers de l'Éducation nationale, 2 infirmiers conseillers du recteur et 1 médecin scolaire sur une journée entière. Pour la représentante syndicale, à côté ce sont 611 000 lycéens et 455 000 collégiens qui "ont besoin d'être accueillis, accompagnés, suivis". Pas question de s'opposer au dépistage, mais pour la représentante syndicale cela ne doit pas passer par "le sacrifice de la mission pour les élèves", en réquisitionnant des infirmiers sur des tâches administratives, de la saisie des résultats dans des systèmes d'information pour fournir des statistiques à l'ARS.

Des directives qualifiées de "scandaleuses" et qui ont déjà amené les infirmières de Seine-Saint-Denis à manifester le 17 novembre dernier, enroulées dans des couvertures de survie en criant "haut et fort qu'elles étaient en survie".

Ni reconnaissance du ministre de l'Éducation nationale, ni reconnaissance du ministre de la Santé

Saphia Guereschi a indiqué que le SNICS interpelle depuis des mois le ministre sur les difficultés d'exercice rencontrées par les infirmiers de l'Éducation nationale. L'organisation dénonce des "carences en moyens", appelle à "revoir les formations" en "tenant compte du cadre particulier et des besoins particuliers de l'Éducation nationale", à "une réelle revalorisation au niveau des catégories A", des sujets "récurrents", insiste la secrétaire générale, "depuis 2017 où la situation ne cesse de se dégrader", ce à quoi s'ajoute l'impact de la crise sanitaire. Alors, dit-elle, que le ministre leur avait dit en avril dernier les "avoir entendus et ne pas être opposé à créer des moyens infirmiers", cette rentrée s'est faite sans création de postes infirmiers, "incroyable en période de pandémie !".

Alors que "des infirmiers démissionnent", que "beaucoup cherchent à sortir du corps de l'Éducation nationale", que "la DGRH a fait état de postes que l'on n'arrive pas à couvrir aux concours", que se multiplient les burn out, "le ministre ne met pas ce qu'il faut sur la table", ne "va pas améliorer la situation" mais va "demander plus encore", déplore la secrétaire générale qui insiste sur l'absence d'écoute, de concertation, de reconnaissance de la part du ministre, sa surdité face à leurs "attentes".

Le syndicat déplore également de ne pas être "reconnu comme une acteur réel de promotion de la santé" non plus par le ministre de la Santé, ayant été de fait "écartés du Ségur de la santé" - auquel ils vont "essayer de s'inviter" -, alors que les infirmiers réalisent 18 millions de consultations à la demande, ce à quoi s'ajoutent les actions de prévention.

Pas de création de postes infirmiers depuis 2017

Le syndicat réclame aujourd'hui le triplement des effectifs infirmiers, "revendication" qui avait été faite avant la crise" et "plus que jamais légitime", estime Saphia Guereschi alors qu'il y a aujourd'hui seulement 7700 infirmiers pour 12,4 millions d'élèves et qu'il y a un arrêt de la création de postes depuis l'arrivée de Jean-Michel Blanquer "incompréhensible". Le syndicat avait déjà estimé les besoins sous Bayrou à, a minima un infirmier par établissement du second degré et globalement un infirmier pour 500 élèves, et observe qu'aujourd'hui on est "très loin du compte".

Saphia Guereschi espère pour la suite une "unité large avec la communauté éducative". Si celle-ci indique que les infirmiers sont associés avec les médecins scolaires sur le manque de moyens, elle souligne néanmoins qu'ils ne sont "pas en accord" sur d'autres thématiques. Les médecins plaident notamment pour une organisation des services de santé à l'Éducation nationale, à l'instar de celle qui existait des années auparavant, où les personnels vaccinaient, dépistaient davantage et "intervenaient de façon descendante vers la population". Le SNICS défend en revanche "un processus éducatif et préventif ascendant", avec la présence de personnels de santé dans les établissements à la demande des parents et surtout de l'élève pour l'accueillir, l'écouter et faire un bilan global. "Une dimension dynamique et hollistique du soin" qui doit être préférée, selon elle, à une approche souvent thématique, la sexualité, l'alimentation, les addictions... "Une erreur", car "ce n'est pas comme ça que l'on arrivera à lui faire prendre en charge sa santé en le classant dans ces thématiques".

900 infirmiers s'étaient inscrits pour débattre à l'occasion de ce congrès extraodinaire et faire entendre leurs revendications.

A noter que cette position rejoint celle des médecins scolaires (voir ToutEduc ici)

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →