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Enseignement agricole : 300 suppressions de postes programmées sur le quinquennat (CDDEAP)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 20 novembre 2020.

"Rouleau compresseur", "tsunami" annoncé, "summum de la communication mensongère"... C'est en ces termes que les participants à la réunion du Comité de défense et de développement de l'enseignement agricole public (CDDEAP), qui s'est tenue en ligne et avec la presse ce vendredi 20 novembre 2020, ont abordé la politique de suppression de postes à laquelle fait face l'enseignement agricole public depuis le début du quinquennat. En effet, alors que le PLF 2021 prévoit la suppression de 80 postes pour l'année à venir, ce sont, indique le co-secrétaire du SNETAP, Frédéric Chassagnette, 300 suppressions de postes qui auront été décidées pour l'enseignement agricole public sur l'ensemble de ce quinquennat. Ce qui équivaut, selon lui, si ce chiffre est "rapporté" au nombre de personnels de l'Éducation nationale, à 10 000 emplois dans cette dernière. Pour faire face à ces arbitrages budgétaires, le CDDEAP avait, dès le 13 octobre dernier, tenu une première réunion dans les locaux de la FCPE. Si ce comité a été "actif" depuis sa création en 2009, il y a, pour ceux qui le composent et ceux qui soutiennent ses travaux et positions, urgence à le rendre encore plus actif, la situation étant similaire à celle de 2009, selon Frédéric Chassagnette, année où l'enseignement agricole subissait la "politique destructrice" de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) qui prévoyait le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

En effet, les 80 suppressions de 2021 s'ajoutent aux 50 postes supprimés la première année de ce quinquennat, puis aux 60 de l'année précédente, alors que le Gouvernement prévoit aussi la suppression, à l'horizon 2022, de 110 postes supplémentaires, détaille le co-secrétaire du SNETAP, alors que le quinquennat de Hollande "avait permis le retour des emplois" et que l'enseignement agricole "était en train de revenir à l'équilibre". Celui-ci dénonce en outre "un effet démultiplié" sur l'enseignement agricole au regard du reste de l'enseignement public, celui-ci subissant des "effets très rapides en termes d'affaiblissement structurel" de par sa taille, un "petit système, pourtant vanté pour sa proximité et ses établissements à taille humaine".

Peu d'ouvertures de formations, suppressions d'options, accompagnement personnalisé impacté...

Alors que les conditions d'études se sont déjà "dégradées" les deux années précédentes, en provoquant, par exemple, la suppression des dédoublements, "si cela continue", l'enseignement agricole public "va être dans l'incapacité d'ouvrir de nouvelles formations", estime le représentant du SNETAP. D'autres acteurs évoquent la suppression d'options via la ponction dans la DGH optionnelle d'heures pour alimenter la DGH qui ne couvre plus tous les enseignements pour aborder tout ce qui est dans le référentiel de formation, des conditions d'accompagnement personnalisé dégradées - 20 emplois pour assurer l'AP "économisés" en juin "en plein COVID", des accompagnements personnalisés faits à 32 dans la classe -, des collèges ruraux sans aucun enseignant titulaire, et la mise en jeu de "la survie même des établissements", selon la sénatrice Céline Burlin (CRCE).

Une situation qui suscite les inquiétudes de tous les acteurs présents à cette réunion. Ils dénoncent une politique qui s'oppose aux enjeux actuels de l'agriculture : la préservation environnementale, la sécurité alimentaire et le maintien des territoires ruraux. Outre la "nécessité de faire évoluer les contenus des formations pour faire face aux défis environnementaux urgents", Véronique Marchesseau, de la Confédération paysanne, évoque de son côté les enjeux sociaux, notamment celui du renouvellement des générations dans ce secteur. Cet enjeu, remplacer les départs à la retraite, nécessite de "former des personnes qui ne sont pas issues du milieu de l'agriculture", donc "peu connectées" à celui-ci, ce qui suppose donc "une politique ambitieuse".

Des amendements retoqués par l'Assemblée nationale

Pour tous, il y a urgence à agir pour faire face à ce "rouleau compresseur" alors que le débat démarrera au Sénat le 28 novembre prochain, même si le "combat ne se réduit pas au champ du débat parlementaire", souligne Sylvie Tolmont, députée (Socialistes et apparentés) et membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation à l'Assemblée nationale. Celle-ci fustige une logique comptable et une "majorité [qui] dit non et rejette systématiquement l'ensemble de nos propositions, y compris celles qui coûtent le moins !".

Les participants évoquent à ce titre les divers amendements qui ont été retoqués en première lecture à l'Assemblée nationale, dont celui déposé par la députée Catherine Osson, pourtant représentante de la majorité actuelle, qui demandait une enveloppe supplémentaire de 5 millions d'euros. Pourtant "l'énoncé des motifs" était "intéressant", observe Frédéric Chassagnette, car il ne demandait pas le rétablissement des emplois (alors que ce montant, calcule-t-il, correspond à 78 ETP) mais justifiait le montant "pour remettre à niveau ce qui a[vait] été dégradé" et rentrait ainsi "dans les détails".

Le privé dans le viseur

Si beaucoup estiment qu'il n'y aura pas beaucoup de "leviers" pour infléchir le Gouvernement, ils ont d'ores et déjà évoqué des actions à mener. Outre la nécessité de "se rencontrer régulièrement" et la décision prise lors de la première réunion du 13 octobre de travailler sur un manifeste et de lancer une campagne d'opinion pour s'adresser aux usagers comme aux professionnels en marge des débats parlementaires, le comité souhaite profiter des échéances des Régionales en 2021 et des Présidentielles en 2022 pour "porter une parole forte" sur plusieurs événements comme les États généraux de l'éducation ou le Salon de l'éducation. Le député André Chassaigne (PCF, groupe Gauche démocrate et républicaine) appelle de son côté à organiser des rassemblements par grande région, la proximité rendant "possible d'agir" puisqu'il est plus facile à ce niveau de toucher la presse locale ou d'associer les organisations syndicales locales.

La FCPE, représentée par Carine Aulier, l'administratrice nationale FCPE en charge du dossier enseignement agricole, dit de son côté privilégier une dynamique de mise en valeur des lycées publics et de ce qui s'y passe auprès des enfants et des parents, et ce d'autant que "beaucoup d'enfants, de collégiens ne sont pas sensibilisés à ce qui se passe dans l'enseignement agricole" et que "beaucoup sont orientés actuellement dans les lycées privés ou les maisons familiales rurales (MFR) alors que le public propose ces formations".

Ce parallèle avec le privé a été fait à plusieurs reprises. Pour Damien Ferrier, membre du bureau fédéral de la FNAF-CGT (Fédération nationale agroalimentaire et forestière), cette tendance a été induite par la modification de la structure des CPC (Commissions professionnelles consultatives), introduite par la loi Pénicaud de 2018, qui a exclu de ces commissions les enseignants et donné "la main sur la formation professionnelle" au "patronat et au Gouvernement". Ces derniers, disent-ils, donnent prioritairement la parole aux MFR et défendent un modèle qui relève davantage de l'agriculture traditionnelle. Laurence Dautraix du SNETAP indique par ailleurs, alors que le privé fait face à une baisse "considérable" et "constante" de ses effectifs depuis 2012 et que celle du public a été minime en 2020 (– 0,2 %) après une hausse en 2019, que 58 % des suppressions de postes concerneront le public en 2021 contre 42 % pour le privé.

Camille Pons

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