Lancement du Grenelle de l'éducation : le ministre crée un 10e atelier consacré à la protection et aux valeurs de la République
Paru dans Scolaire le jeudi 22 octobre 2020.
Annoncé au moins d'août, le "Grenelle de l'Éducation" a été lancé officiellement, ce jeudi 22 octobre 2020, au Conseil économique, social et environnemental, par le ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel Blanquer, et sa secrétaire d'État en charge de l'Éducation prioritaire, Nathalie Élimas. Les circonstances particulières dans lesquelles il est lancé, presque une semaine après l'assassinat du professeur d'histoire et géographie Samuel Paty, ont incité le ministre a créer un 10e atelier de travail qui sera consacré aux protections et aux valeurs de la République. Des circonstances qui justifient, selon le ministre, d'autant plus ce Grenelle : "lorsque j'ai annoncé le Grenelle de l'éducation en août 2020, il s'inscrivait déjà dans un contexte spécifique, celui de la crise sanitaire. Aujourd'hui, il apparaît d'autant plus nécessaire de rassembler toute la société civile et éducative autour d'un projet commun pour son école", a-t-il en effet déclaré dans son propos liminaire. Concernant le cœur des travaux à venir, même si la question de la revalorisation financière sera prégnante, Jean-Michel Blanquer a précisé que le travail qui s'engage aujourd'hui "ne se résume pas à l'augmentation de la rémunération" : il s'agit, explique-t-il, "de définir des finalités, du sens, et d'accorder des moyens à ces fins".
Parmi les grandes finalités attendues de ce travail qui doit être mené jusqu'en février 2021, figure en particulier la possibilité de proposer "une personnalisation du parcours", afin que chaque personnel de l'Éducation nationale puisse se sentir "considéré dans sa spécificité, son parcours, ses mérites". En visant une grande orientation : améliorer la condition du personnel et ainsi améliorer le bien-être des élèves. Notion de bien-être professionnel qui sera "transversale" dans tous les ateliers. Les participants aux 10 ateliers devront quant à eux structurer leur réflexion en s'appuyant sur 3 principaux axes de travail, reconnaissance, coopération et ouverture.
Revalorisation financière : priorité aux débuts de carrière
Au cœur de la réflexion à venir concernant l'amélioration de la reconnaissance des personnels, figure en effet la revalorisation financière. Avant même le début de ces travaux, le ministre estime avoir déjà donné une première réponse concrète en inscrivant dans le PLF 2021 400 millions d'euros pour "améliorer les salaires" (lire ici). Concernant l'utilisation de cette enveloppe, il a précisé qu' "une attention particulière" serait portée aux débuts de carrière et que seraient mieux prises en compte les "spécificités des conditions de travail". Pour ces jeunes enseignants, des "arbitrages" restent néanmoins à faire avec les organisations syndicales "pour voir si on prend une tranche étroite des générations les plus jeunes" pour la première année de revalorisation, donc en 2021. Suivront "derrière" des "augmentations qui continueront pour les plus jeunes et se poursuivront plus loin dans les âges de façon à rectifier finalement notre courbe de rémunération".
Cette reconnaissance doit passer aussi par "un meilleur accompagnement personnalisé de chaque personnel", accompagnement qui pourra ensuite, espère le ministre, impacter le climat scolaire. Cela doit passer notamment par une meilleure écoute des attentes des enseignants, précise le ministre qui cite la nécessité de revoir les mutations, sachant, par exemple, que parfois plusieurs enseignants ont envie d'aller "ensemble" dans un établissement et peuvent apporter à ce titre "un esprit d'équipe".
Plus d'autonomie aux acteurs de terrain et s'inspirer de pratiques à l'international
Pour le second grand enjeu de ce Grenelle, "impliquer les professeurs dans les enjeux collectifs", "renforcer la collégialité et l'esprit d'équipe", alors que le système "isole trop", Jean-Michel Blanquer invite par ailleurs à réfléchir sur la formation des personnels et cite à ce titre l'exemple de la formation continue appuyant le plan français et mathématiques qui a été conçue en équipe (voir ici et ici).
Enfin, pour l'ouverture qui constitue l'un des trois principaux axes de travail, le ministre invite les participants à réfléchir à la façon dont on pourrait laisser aux acteurs de terrain "une plus grande autonomie" et dont on pourrait agrandir les "marges de manœuvre". Les participants devront aussi se pencher sur la question de la mobilité des personnels, aussi bien au sein du secteur public, qu'entre le public et le privé ou encore sur le plan international pour enrichir l'Éducation nationale de "compétences multiples".
Protection des établissements : un cadrage déjà prévu pour le 2 novembre
Le ministre a également donné des informations plus précises concernant les orientations de certains ateliers. Il a notamment évoqué des premières pistes qui "n'engagent que [lui]" concernant le dixième groupe de travail qu'il vient de créer, pistes qui devront porter à la fois sur la dimension de protection "interne" à l'Éducation nationale mais également la dimension "externe". La première consistera notamment à réfléchir à la façon dont on pourra former les enseignants sur ce sujet, mais aussi à renforcer la cohésion et le travail d'équipe.
Concernant la protection "externe", le ministre a d'ores et déjà annoncé le "renforcement des partenariats avec la police et la justice", voire également un rapprochement avec les collectivités, pour renforcer les plans de sécurisation des établissements dès le retour des vacances de la Toussaint. Le ministre a également précisé qu'il allait répondre à la demande des organisations syndicales et des représentants de parents d'un "cadrage clair, précis et puissant" pour accompagner les enseignants dès la rentrée du 2 novembre. Il a notamment mandaté le Conseil des sages de la laïcité pour recueillir les avis "des uns et des autres" et d'ores et déjà, il annonce pour la rentrée "des moments éducatifs", "de discussion entre équipes de professeurs", des documents.
Pour cet atelier, comme pour les autres, Jean-Michel Blanquer invite à s'inspirer de pratiques menées à l'international, mais également sur le territoire. Il cite à ce titre la politique de lutte contre le harcèlement des élèves qui s'est inspirée de pratiques scandinaves.
Vers une loi de programmation annuelle
Dans l'atelier consacré au numérique, les participants devront plancher sur la façon de tirer parti des innovations issues de la période de confinement, des évolutions récentes, sur la façon de mieux réguler son utilisation, dans l'école, pour la relation avec les familles, et la façon de donner aux élèves "une ambition dans ces matières". Jean-Michel Blanquer a par ailleurs annoncé que le montant de la prime d'équipement informatique aux enseignants annoncée fin août pourrait être de l'ordre de 250 euros.
Ce Grenelle devra se nourrir de "trois blocs de contributions". D'abord le dialogue social entamé depuis septembre, et des apports d'experts et retours d'expériences qui seront recueillis au travers de 2 événements, les états généraux du numérique programmés les 4 et 5 novembre prochains à Poitiers et le colloque international "Quel(s) professeur(s) au XXIe siècle", qui doit se dérouler au collège de France le 1er décembre 2020. À ces contributions s'ajouteront la "concertation large de la société" : c'est celle que mèneront les participants aux 10 ateliers qui rassembleront chacun une douzaine de personnes issues de "6 collèges" : syndicats, professeurs, encadrement, familles / élèves, monde associatif et économique, élus et collectivités. Des participants qui constitueront un "incubateur du Grenelle". Ils travailleront jusqu'à la fin du mois de décembre, afin de rendre leurs propositions à la mi-janvier, propositions qui seront ensuite débattues lors d'une conférence de clôture programmée en février, objectif étant, précise encore Jean-Michel Blanquer, de "déboucher sur une loi de programmation pluriannuelle". Un bilan d'étape est quant à lui programmé en novembre.
Camille Pons