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L'éducation prioritaire fait elle-même son bilan et le présente à la secrétaire d'Etat

Paru dans Scolaire le mardi 06 octobre 2020.

"La responsabilité du ministre de l’Éducation nationale est bien de tout mettre en œuvre pour améliorer et conforter (l'éducation) prioritaire. Or, ce n’est pas le choix qui a été fait", constate l'OZP. L'équipe de l'Observatoire de l'éducation prioritaire a été reçue hier 5 octobre par Nathalie Elimas, secrétaire d'Etat en charge de cette politique qui, selon le compte-rendu publié par l'association, "a souligné son souci d’être à l’écoute du terrain et d’éviter la communication descendante". Elle a marqué son "vif intérêt" pour l'enquête réalisée par l'OZP après que le ministre a décidé en 2018 "de ne pas respecter l'engagement" pris par son prédécesseur Vincent Peillon de procéder "à une évaluation des projets des réseaux et de la carte de l’éducation prioritaire".

Cette enquête, publiée sur le site de l'association (ici), a reçu 268 réponses de directeurs d'école, d'enseignants du 1er degré, de personnels de direction de collège, d'enseignants du 2nd degré et de quelques inspecteurs. "Plus de 80 %" d'entre eux "notent une évolution positive" concernant les pratiques de classe et le travail collectif dans leur réseau. "C’est en particulier l’émergence du collectif qui apparaît comme évolution positive majeure", même s'ils manquent de temps pour travailler ensemble et regrettent "la disparition du maître supplémentaire qui permettait la co-intervention" ainsi que "le manque de culture commune entre premier et second degrés".

Les réponses montrent aussi que "la question du lire – écrire – parler est désormais bien inscrite dans une perspective partagée entre tous les acteurs de l’éducation prioritaire", avec l’émergence du travail sur l’oral. "Par contre, l’idée d’un enseignement plus explicite dont les chercheurs font une des clés de la progression dans les apprentissages pour les élèves de l’éducation prioritaire, est beaucoup moins présente." A noter encore que "26 % des réponses citent comme évolution positive le dédoublement des CP et CE1".

Les conditions socioculturelles et socioéconomiques dans lesquelles vivent les élèves ne sont pas systématiquement invoquées comme des obstacles. Les obstacles sont "d’ordre structurel" : "manque de personnels supplémentaires, spécialisés ou non ; manque de temps de travail collectif, turnover des pilotes et des enseignants", mais aussi "la mobilité des familles, leur passé scolaire, leur méconnaissance de la langue française", "le manque d’expérience d’une majorité des acteurs, la complexification des missions, les locaux inadaptés, la formation qui néglige les compétences de communication, les ressentis sur le manque de confiance de l’institution, la difficulté de faire réseau, la multiplicité des partenaires et/ou leur indisponibilité". Ils sont aussi dus à l'absence de culture commune inter cycles et donc à "l'absence de continuité dans les méthodes et de cohérence dans les progressions". Au total, "rien ne se fait sans devoir surmonter de nombreux obstacles" et beaucoup "expriment leur découragement".

L’évolution majeure concerne pourtant "la dimension collective dans laquelle s’inscrit l’immense majorité des actions engagées". Celle-ci renforce "la confiance de chacun en ses propres compétences professionnelles" : "comment expliquer autrement la capacité, si peu fréquente ailleurs qu’en éducation prioritaire, à ouvrir régulièrement sa classe à des parents ? (...). Aujourd’hui, on a moins peur d’accueillir un collègue dans sa classe, la co-intervention n’est plus une utopie, une réflexion commune sur les pratiques est perçue comme une nécessité (...). Le collectif professionnel devient une référence à partir de laquelle on discute les prescriptions nationales et les mises en œuvre de formations descendantes qui sont le plus souvent peu en prise avec les problèmes réels du métier (...)." Les répondants regrettent d'ailleurs "une formation décidée d’en haut, qui ne répond pas forcément aux besoins du terrain, qui confond ou mêle injonction et formation". Ils "souhaiteraient être davantage écoutés dans leurs demandes de concertation et de formation".

Les réponses "traduisent des améliorations incontestables en matière de bienveillance" et de travail sur le climat scolaire", mais font aussi part de difficultés à articuler "bienveillance" et "exigences" quand ces dernières "sont souvent à redéfinir". A noter toutefois que "le fait de confronter les élèves à un enseignement cohérent est synonyme pour les répondants de bienveillance" et que "la démarche d’enseignement explicite est référée à la bienveillance".

Une autre évolution majeure concerne la relation école – famille. "Il s’agit d’associer les parents à des moments conviviaux, à la vie de l’école ou du collège, de valoriser les élèves et leur famille." Le resserrement des liens entre l’école et les familles "passe souvent par un travail avec les familles prenant en compte le souci qu’elles ont de la scolarisation et de l’avenir de leurs enfants".

Mais l'enquête témoigne aussi de la fatigue des acteurs. "Beaucoup des répondants considèrent que rien n’est vraiment acquis car les ministres changent sans cesse les bases du travail (...). Les obstacles liés à un pilotage institutionnel vertical et injonctif reviennent dans bon nombre de réponses (...). On lit le découragement de répondants qui ne peuvent pas réaliser ce qui leur est demandé (...). Pour que l’action pédagogique dure et puisse porter ses fruits, il faut des personnels … qui durent, c’est-à-dire qui soient reconnus, accompagnés et formés par l’institution à tous les niveaux." Or "il y a une forme de sélection naturelle qui opère : les enseignants qui n'acceptent pas la grande misère partent, ceux qui restent finissent par partir au bout de dix ans et plus suite à un arrêt de travail important (accident du travail ou dépression)." On déplore la "rareté des échanges avec la hiérarchie", les classes aux "effectifs pléthoriques", les "dédoublements des CP et CE 1 qui augmentent les effectifs dans les classes de CM1 et CM2"...

Pour l'OZP, certes, "la politique d’éducation prioritaire refondée en 2013 n’est pas parfaite" mais "elle ne saurait se décliner désormais uniquement en de simples mesures de dédoublements de classes et de petits déjeuners. Elle a fait émerger une conscience collective de responsabilisation dans la réussite des élèves (...). À l’heure où certains ne rêvent que de dynamitage de la géographie prioritaire et d’effacement de cette politique, il est nécessaire de rappeler l’urgence de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales." Mais sur quels leviers agir pour améliorer la situation ? "40 % des répondants n’apportent pas de réponse à (cette) question." Et l'association de s'interroger : faut-il "considérer que ce fort taux de non-réponses évoque des acteurs et/ou réseaux à court d’idées nouvelles pour faire face aux obstacles rencontrés" ?

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