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Précarité menstruelle : aussi dans les collèges et les lycées ? (Lydia Advenier, proviseure, interview)

Paru dans Scolaire le dimanche 27 septembre 2020.

La précarité menstruelle est-elle une réalité dans les collèges et lycées ? Lydia Advenier, membre de l’exécutif du SNPDEN-UNSA (Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale) et proviseure d’un lycée à Lyon, répond aux questions de ToutEduc.

ToutEduc : Engagée contre la "précarité menstruelle", Patricia Schillinger, sénatrice LREM du Haut-Rhin,  préconisait, en  2019,  de mettre à disposition des "populations vulnérables" des protections hygiéniques gratuites, notamment dans les collèges et lycées. Aujourd’hui, la région Ile-de-France met en place  dans un certain nombre de lycées, choisis en fonction du pourcentage  de filles et de boursiers,  un distributeur gratuit de protections hygiéniques. Paris met cela en place en priorité dans des collèges ayant les indicateurs socio-économiques les plus défavorables. Mais n’est-ce pas exagéré, en 2020,  d’affirmer que la  précarité menstruelle  existe dans les collèges et lycées ?

Lydia Advenier : Non, je ne pense pas qu’il soit exagéré de dire qu’en 2020 la précarité menstruelle existe dans les établissements scolaires et, d’ailleurs, ce que l’on devrait dire, c’est qu’il n’est pas normal qu’en 2020, justement, la précarité menstruelle puisse encore exister pour des élèves et des femmes en général. Si le passage de la TVA de 20 à 5% constitue un progrès, il y a encore du chemin à faire.

ToutEduc : N’y aurait-il pas aussi  d’autres raisons qu’uniquement économiques au fait que des élèves ne se procurent pas des protections hygiéniques ?

Lydia Advenier : Oui, il y a sûrement d’autres raisons qu’économiques qui empêchent les élèves de se procurer les protections hygiéniques. Simplement, en réalité, le geste de les acheter -quand elles en ont les moyens- peut représenter un obstacle. Car cela reste un tabou, même au XXIe siècle.

Tout le monde n’ose pas mettre dans son caddie de supermarché un paquet de serviettes périodiques et je pense aussi que certaines jeunes filles n’osent pas l’inscrire sur la liste des courses familiales.

ToutEduc : A-t-on également une idée du rôle que  ces situations jouent  sur la régularité de la fréquentation scolaire ?

Lydia Advenier : Je ne sais pas si c’est la précarité menstruelle ou simplement le cycle qui jouent sur la fréquentation scolaire mais il est évident que cela a une incidence et, en particulier, par un absentéisme plus marqué en EPS. (éducation physique et sportive).

Je pense qu’il faut aussi commencer à parler davantage d’endométriose. On découvre mieux cette pathologie et surtout on en mesure plus les effets et les raisons qui poussent les élèves à rester à leur domicile quand elles en souffrent.

ToutEduc : La mise en place de distributeurs gratuits vous parait-elle plus pertinente que, par exemple, la possibilité d’avoir accès à ces  protections directement auprès de l’infirmière scolaire ?

Lydia Advenier : En fait, je pense qu’il faut raisonner de façon très large et justement « doubler » les solutions. Il peut y avoir des distributions à l’infirmerie et des distributeurs gratuits de protections périodiques. Premièrement, parce qu’il n’y a pas d’infirmerie ouverte toute la journée dans tous les établissements, donc pas la possibilité d’y accéder autant qu’on le souhaite. Et deuxièmement, faire entrer dans le décor usuel des toilettes le distributeur de protections périodiques au même titre que le distributeur de papier hygiénique permettrait peut-être de faire tomber ce tabou et d’en faire quelque chose de normal, d’usuel et que l’on ne doit pas cacher. Garder aussi la solution d’une distribution à l’infirmerie permet aux élèves de l’associer à un échange avec l’infirmière et, pourquoi pas, de discuter de ce problème voire de ses douleurs. Dans un certain nombre d’établissements, cette distribution est également prise en charge par les personnels de la vie scolaire (dont le responsable est le conseiller principal d’éducation, ndlr).

ToutEduc : Pour conclure, auriez-vous des préconisations ?

Lydia Advenier : Tout d’abord, une remarque : ce qui compte, c’est que l’éducation nationale soit sensibilisée et investie dans ce domaine au travers de ses personnels. Mais, pour autant, ce ne doit pas être une question spécifiquement "éducation nationale" mais bien une préoccupation sociétale qui se concrétise par la généralisation de l’accès gratuit à ces protections dans tous les lieux recevant du public, y compris évidemment dans les collèges et lycées…et, j’insiste, dans tous les collèges et lycées, quelles que que soient leurs caractéristiques socio-économiques. Et je ne peux m’empêcher d’ajouter que si la précarité menstruelle concernait tout le monde et donc aussi les hommes, on ne se poserait pas cette question. Il existerait depuis longtemps, à côté du distributeur de papier toilette, le distributeur de serviettes périodiques ! 

 

Propos recueillis par Arnold Bac et relus par Lydia Advenier

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