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Covid-19 : des effets sur les jeunes en matière d'emploi, d'éducation, de droits et de bien-être mental "systématiques, profonds et disproportionnés" (OIT)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 21 août 2020.

"Les effets de la pandémie sur les jeunes sont systématiques, profonds et disproportionnés". Et ils sont particulièrement "sévères" pour les jeunes femmes, les plus jeunes, et les jeunes des pays à faible revenu. C'est le constat issu d'une enquête mondiale qui a été réalisée par l'équipe YOUTH de la branche Emploi, marchés du travail et jeunesse de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur l'impact du Covid-19 sur les jeunes. Cette enquête, qui a donné lieu à un rapport publié le 11 août 2020, décrit les effets immédiats de la pandémie sur la vie des jeunes en matière d'emploi, d'éducation, de bien-être mental, de droits et d'activisme social, en se fondant sur l'analyse de plus de 12 500 réponses de jeunes âgés de 18 à 34 ans de 112 pays différents. Et, apprend-on encore en lisant ce dernier, les "lourds dégâts" constatés surtout dans l'emploi chez les 18-24 ans, conjugués à des difficultés de poursuites d'études avec la fermeture des écoles, "ont abouti à une dégradation du bien-être mental des jeunes". Investissements "urgents, ciblés et plus intelligents" dans des programmes de garantie de l'emploi et de la formation, "intensification des efforts pour augmenter la qualité et la dispense de formations en ligne et à distance", et "renforcement des complémentarités avec les services de santé mentale, de soutien psychosocial et les activités sportives" comptent parmi les recommandations de l'OIT pour "empêcher que la crise de la Covid-19 ait non seulement un effet négatif, mais également potentiellement durable sur la vie des jeunes".

C'est notamment en effet du côté de l'emploi que "la pandémie fait de lourds dégâts chez les jeunes" en détruisant leurs emplois et en compromettant leurs perspectives de carrière, observe l'OIT. Alors que déjà avant l’arrivée de la Covid-19, les jeunes âgés de 15 à 24 ans "avaient environ trois fois plus de chances de se retrouver au chômage que ceux de 25 ans et plus", ce sont aussi les plus jeunes qui ont été affectés le plus par la baisse du temps de travail et les pertes d'emploi. Ainsi, 1 jeune sur 6 (17,4 %) avait cessé le travail depuis le début de la crise au moment de l'enquête, plus particulièrement les plus jeunes travailleurs (18 à 29 ans), et 40 % d'entre eux parce qu'ils avaient été licenciés, contre 29 % de ceux entre 30 et 34 ans. Ces jeunes font état d'une réduction moyenne de 23 % de leur temps de travail et de 42 % de leurs revenus. Ce sont les jeunes des pays à faible revenu qui sont les plus exposés aux réductions du temps de travail et à la contraction des revenus qui en résulte.

Éducation : une grande majorité dit avoir moins appris depuis le début de la pandémie

Du côté de l'éducation, les effets des fermetures d'écoles, qui ont concerné les trois quarts des jeunes (73 %), a affecté la confiance de ces derniers : 65 % des jeunes disent avoir moins appris depuis le début de la pandémie, 51 % pensent que leurs études seront retardées et 9 % craignent que leurs études en souffrent, voire échouent.

Tous n'ont pas été en mesure de passer à l'apprentissage en ligne et à distance, "situation particulièrement critique pour les jeunes des pays à faible revenu" (entre 55 et 65 % des jeunes des pays à revenu intermédiaire et élevé ont reçu des enseignements sous forme de cours en vidéo, contre 18 % dans les pays à faible revenu), et 13 % ont vu leur éducation et leur formation s'arrêter complètement, avec aucun cours, aucune formation, aucun examen depuis le début de la pandémie. Mais cela concerne seulement 4 % des jeunes dans les pays à revenu élevé contre 44 % des jeunes des pays à faible revenu. Ces derniers risquent dès lors d'être davantage touchés par des décrochages scolaires, surtout des femmes, et de ne pas pouvoir retourner à l'école à cause d'une diminution des revenus et de la nécessité d'assurer leur subsistance.

Un impact sur le développement émotionnel des enfants et des jeunes

L'ensemble de ces "sévères perturbations dans leurs études et leur travail, aggravées par la crise sanitaire, ont abouti à une dégradation du bien-être mental des jeunes", commente l'OIT, alors que l'enquête montre que les plus jeunes (entre 18 et 29 ans) déclarent "de manière disproportionnée" "qu'ils ne se sentent jamais ou rarement détendus". "Le stress familial, l'isolement social, le risque de violences domestiques, les perturbations causées à l'éducation et l'incertitude du futur sont certains des biais par lesquels la Covid-19 a impacté le développement émotionnel des enfants et des jeunes", écrivent les auteurs qui soulignent les liens qui existent entre le bien-être mental, la réussite des études et l'intégration sur le marché du travail. Et "les enfants et les jeunes sont particulièrement vulnérables dans la crise actuelle", insistent-ils, au regard de travaux de recherche et de données de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) qui ont montré que la moitié de tous les problèmes de santé démarrent dès l'âge de 14 ans et que le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans.

Selon l'enquête, 17 % des jeunes de 18–29 ans souffrent probablement d'anxiété et de dépression (contre 11 % dans la tranche d'âge 30–34 ans), "ce qui pourrait être lié aux fermetures d'écoles et d'établissements de formation qui ont privé les jeunes de contacts sociaux", ils dressent "un sombre tableau de leur capacité à terminer leurs études ou leur formation", envisagent avec "incertitude" (pour près de 40 % d'entre eux) et "appréhension" (pour 14 % d'entre eux) leurs perspectives de carrière, et ceux dont les études ou le travail ont été perturbés ou bien ayant complètement cessé le travail sont "presque deux fois plus susceptibles de probablement souffrir d'anxiété ou de dépression que ceux ayant continué de travailler ou dont les études n'ont pas été interrompues".

De nécessaires mesures "urgentes, ciblées et à grande échelle"

L'OIT appelle à des "mesures politiques urgentes, ciblées et à grande échelle", alors qu'à ce jour les mesures gouvernementales prises pour faire face à la crise sont davantage susceptibles de ne concerner que les jeunes qui ont conservé leur emploi depuis le début de la pandémie. Ils invitent notamment à mettre en place des politiques macroéconomiques (fiscales et monétaires) qui orientent la dépense publique vers des aides à l'embauche ou des garanties pour les jeunes, ainsi qu'à investir dans les secteurs économiques ayant le potentiel d'absorber les jeunes demandeurs d'emploi.

Du côté de la formation, pour "atténuer" le risque que les retards ou les échecs dans les parcours scolaires fassent "obstacle à la rapidité et à l'efficacité de la transition école-travail des jeunes d'aujourd'hui", l'OIT estime notamment "important" d'augmenter les investissements dans les solutions numériques pour le développement des compétences pratiques, de développer les capacités des professeurs, formateurs, principaux et directeurs à dispenser un enseignement en ligne, à distance et mixte, et d'améliorer et moderniser les services d'orientation professionnelle et d'emploi "pour aider les jeunes à préparer leur parcours professionnel dans les entreprises et les secteurs ayant la capacité d'absorber les flux de jeunes diplômés". Et pour travailler sur le bien-être, l'OIT invite à renforcer les "complémentarités avec les services de santé mentale, de soutien psychosocial et les activités sportives".

Le rapport "Les jeunes et la Covid-19 : impacts sur les emplois, l'éducation, les droits et le bien-être mental" ici

Camille Pons

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