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Harcèlement, discriminations, PPCR, baccalauréat : la médiatrice dépeint une administration mise sous pression par les réformes et les conflits

Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 19 juillet 2020.

Sous le titre "Prendre soin : une autre voie pour prévenir les conflits", la médiatrice de l'Education nationale vient de publier son rapport 2019. Elle note que son équipe a reçu l'an dernier "plusieurs milliers de saisines d’usagers", soit + 9 % par rapport à l’année précédente. Elle souligne que "les conflits sociaux, le rythme accéléré des réformes et certaines réorganisations structurelles" sont venus augmenter la charge de travail de l'administration, ont créé des inquiétudes chez certaines familles, et ont mis "sous pression les personnels" : "La mise en oeuvre immédiate d’une société de confiance et d’une gestion de proximité des ressources humaines s’est avérée bien plus difficile que prévu."

En voici des éléments significatifs, souvent marqués par un sens aigu de la litote.

Harcèlement. "Sur la période 2015-2019, 252 saisines de la médiation ont fait état d’une situation de harcèlement ou de souffrance au travail (...). Les enseignants du scolaire et du supérieur représentent 60 % de ces saisines, contre 40 % pour les non enseignants. Si on rapporte ce pourcentage au nombre des non enseignants (...), on voit que ces derniers (...) saisissent en fait plus fréquemment le médiateur pour les motifs de harcèlement et souffrance au travail." Parmi ces saisines, celles que les médiateurs considèrent comme recevables ne représentent qu’une part relativement limitée (35 %) mais elles expriment "un degré de souffrance élevé qu’il est difficile de prendre à la légère". Or le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnel) "ne semble pas constituer une véritable priorité pour les chefs d’établissements" : "Le fait que les RPS (risques psycho-sociaux) constituent un risque professionnel à part entière, au même titre que les autres risques (ex : électriques, chimiques, musculo-squelettiques, etc.) (...), semble encore trop méconnu." Quant à l'administration, il semble qu'elle fasse "preuve d’un empressement insuffisant pour reconnaître et prendre en compte les cas de harcèlement."

Discriminations. La médiatrice donne plusieurs exemples de faits de discrimination, dont celui-ci : "Une décision récente du tribunal de grande instance a validé un changement d’état civil, en l’occurrence un changement de genre (de M. Z à Mme Z). L’administration centrale, informée de ce changement, refuse de rééditer un certain nombre de documents concernant ma carrière (dernier arrêté de promotion notamment) en utilisant mon nouveau genre." Or cette enseignante va être amenée à déposer des dossiers qui comporteront "des pièces au nom de Mme Z et d’autres au nom de M. Z. Mon dossier sera immédiatement étiqueté 'transsexuelle'." Elle demande "pour éviter d’éventuelles discriminations" que l’Education nationale "établisse un protocole de réédition des documents officiels en cas de changement d’état civil". Le rapport mentionne toutefois, comme allant dans le bon sens, la création à Paris, le 5 novembre 2019, "du premier observatoire académique des discriminations anti‑LGBTphobie". "Cette initiative contribue à sensibiliser et faire prendre conscience que ce type de discriminations touche tous les niveaux et catégories sociales, et que dans 1 cas sur 10, ce sont les moins de 18 ans qui sont concernés."

Le rapport donne aussi deux exemples de cas de discrimination liée à l’appartenance religieuse, celui d'un principal de collège qui considère qu’il n’a pas obtenu la promotion qu’il méritait en raison de son nom à consonance étrangère et de son appartenance religieuse, ce qui s'avère inexact. En revanche, il a été refusé à une mère d’élève qui "avait l’habitude d’accompagner une classe lors de sorties scolaires" de continuer "depuis qu’elle porte le voile". Le médiateur de l'académie en question obtient qu'elle continue à accompagner les élèves de la classe de son fils.

PPCR, hors-classe, classe exceptionnelle. Des "enseignants amers" ont adressé des réclamations "face à ce qu’ils considèrent comme 'des aberrations', alors que la réforme était censée améliorer le déroulement de leur carrière". La procédure est encore "instable" et elle "ne semble pas avoir atteint toute son efficience". "L’enjeu a paru d’autant plus important que, pour bon nombre d’enseignants, la hors classe est maintenant quasiment acquise et que les décisions qui ont été prises lors de cette promotion peuvent avoir des conséquences importantes sur leur accès à la classe exceptionnelle."

Premier obstacle*, "pour certains enseignants, le service académique, l’université ou l’établissement scolaire ne disposent plus ou pas des ventilations de service (VS)" et ces enseignants ne peuvent réunir les pièces justifiant les 8 années d'enseignement leur permettant de candidater "dans le vivier 1", notamment les services effectués en BTS. Consciente de cette difficulté et pour y remédier, l'administration a ... supprimé de la liste les services effectués en BTS ... mais seulement à compter de la campagne 2019. "Les agents reconnus éligibles à un avancement à la classe exceptionnelle au titre de la campagne 2017 ou 2018 le demeuraient", mais à condition que les VS n'aient pas été perdues !

Second obstacle*, "il arrive que le rendez-vous de carrière d’un agent ne puisse pas avoir lieu à la date prévue", sans qu'une autre date ait été fixée. D'autres ont trop d'ancienneté : "Rien n’est prévu pour ceux qui ont dépassé le 9e échelon." C'est ainsi qu'un IA-IPR découvre "une enseignante exceptionnelle, non inspectée depuis quinze ans", mais hors délai.

Troisième obstacle* : "La mise en oeuvre du PPCR reproduit le mode de fonctionnement précédent basé sur des quotas", et "la nécessité de classer des candidats en combinant divers paramètres (...) surdétermine le résultat des évaluations".

Quatrième obstacle* : "le caractère 'pérenne' de l’appréciation finale (...) apparaît en contradiction avec l’esprit de la réforme qui prétendait faire une place plus importante à la valeur professionnelle des agents et leur donner plus de perspective de carrière."

Autre difficulté*, "en 2019, les textes ont été modifiés" et, pour l'accès à la classe exceptionnelle, certains services "ont été acceptés, parmi lesquels les services accomplis dans l’éducation prioritaire". Mais des enseignants n'ont découvert qu'après coup que leur collège avait été classé REP et avaient "accompli des fonctions particulières pendant huit ans sans le savoir". Ils n'ont donc pas pu candidater...

* ce décompte est de la rédaction, non du rapport

Baccalauréat. "À la session 2019, entre le mois de juin et de septembre, plus de 300 candidats ou leurs familles ont fait appel à la médiation sur des questions liées au déroulement des examens, et plus particulièrement au déroulement du baccalauréat. Cette session a été en effet émaillée d’incidents divers, qui ont jeté le doute sur la notation et les résultats des candidats." La médiatrice pose notamment la question de la communication des copies et donne l'exemple d'un candidat qui "souhaite intégrer, après son baccalauréat, une classe préparatoire aux grandes écoles dans un établissement très sélectif", et pour lequel "les notes vont jouer un rôle déterminant". Il a eu à l'oral de français 18/20, et 5 à l'écrit. Il demande à voir sa copie, elle a été perdue. La médiatrice propose que, "compte tenu de la perte de cette copie et de l’enjeu considérable que revêt pour lui cette note, la règle retenue à cette session dans le cas d’une non communication de la copie par le correcteur soit appliquée à ce candidat – à savoir la moyenne des notes de contrôle continu." Mais c'est le bordereau des notes qui fait foi et le service des examens "confirme la note de 5/20".

Le rapport s'intéresse encore aux difficultés liées à la conservation des notes et à "une règlementation extrêmement complexe et comportant toutes sortes d’exceptions (...), que peu de personnes sont en capacité de comprendre et qui génèrent de nombreuses tensions et réclamations". Elle pointe aussi "un droit qui peine à s’appliquer" pour les redoublants "après échec à l’examen".

Le rapport est téléchargeable ici

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