Brésil : la situation de l'éducation révélatrice des hésitations de Jair Bolsonaro
Paru dans Scolaire le vendredi 03 juillet 2020.
Le ministre brésilien de l'éducation, Alberto Decotelli, vient de démissionner pour avoir menti sur son CV et ses titres universitaires, cinq jours après avoir succédé à Abraham Weintraub qui avait proféré des menaces contre les plus hauts magistrats du pays. Jair Bolsonaro, dans son programme, avait indiqué qu'il choisirait "quelqu’un avec un bon curriculum scolaire, cherchant des moyens de rétablir l’autorité de l’enseignant dans la classe" et qui ne soit pas dans "la ligne de Paulo Freire". Il vient d'ailleurs de nommer Renato Feder, décrit par Le Monde (daté des 5-6 juillet) "comme un profil technique et accommodant".
Les mandatures de Lula et de Roussef ont été marquées par le souci de l’inclusion de groupes ethniques exclus du système éducatif et de valoriser les initiatives locales de formations plus "horizontales" pour promouvoir un autre rapport au savoir et favoriser des identités professionnelles davantage reliées aux identités culturelles. Selon plusieurs chercheurs brésiliens en sciences de l’éducation, depuis le "coup d’état insurrectionnel de 2016", s'imposent de plus en plus "des politiques racistes, sexistes, homophobes et discriminatoires" tandis que "la formation à la diversité s’apparente à un acte de résistance". Certains appellent à une forme de "désobéissance épistémique" et à la création d’espaces où les enseignants puissent réfléchir aux mécanismes de discrimination et d’exclusion à l’œuvre dans le système scolaire.
Pour les mouvements pédagogiques issus des Cahiers de la pédagogie radicale au Brésil, "si faiblesse de la formation il y a, elle est du côté de ceux qui sans avoir lu l’œuvre de Paulo Freire ou avoir lu les travaux en étude de genre veulent au Brésil l’interdire au nom de leurs préjugés intolérants". Le gouvernement Bolsonaro multipliait les actes d’intimidation et de répression à l’encontre de nombre d’enseignants et pédagogues et cherchait à développer des écoles militaires "destinées aux plus pauvres", afin de leur apprendre le respect de l'autorité er de "lutter contre le laxisme", avant de chercher à corriger son image pour apparaître "apaisant et assagi".
Michel Delachair