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Le coup d'arrêt donné au projet du collège Gisèle Halimi pose la question du statut de l'expérimentation

Paru dans Scolaire le lundi 22 juin 2020.

La reconduction du projet pédagogique du collège Gisèle Halimi d'Aubervilliers (93) a été refusée par le recteur de Créteil. Un groupe d'enseignants du collège réunis dans l’A2CPA (Association pour un collège coopératif et polytechnique à Aubervilliers) lance une pétition et rappelle que le projet en avait été élaboré dès 2013 et discuté avec le ministère et le rectorat, le Département, des syndicats et des mouvements pédagogiques. "En 2016, un contrat d'expérimentation de trois ans est signé avec le rectorat pour une rentrée en septembre2017. Mais en 2017, la construction du collège n'avance pas et l'ouverture est reportée en 2018." Toujours selon l'association, le bilan est jugé positif au terme de la première année de fonctionnement, en juin 2019, mais l’établissement doit "repasser devant le comité d’évaluation en 2020". Du fait du confinement, le nouveau projet "n’a pas pu être présenté au Conseil d’administration" et le comité d'évaluation le retoque.

L'association estime que "le collège a connu plus d’entraves que de soutien pour accompagner la mise en œuvre du projet expérimental", notamment pour le "recrutement de personnels motivés, d'une équipe stable et en nombre suffisant", du fait d'une sous-dotation en postes et du "peu de souplesse pour intégrer tous les porteurs-ses de projet" ou de la "mise de côté de candidatures spontanées", mais aussi des mutations de personnels qui souhaitaient pourtant "poursuivre cette expérience" : "plus de 50% de l'équipe a été renouvelée", ce qui a amené "des dissensus au sein de l'équipe". Les mouvements sociaux et la pandémie ont fini de désorganiser l'année scolaire. "Comment, dès lors, considérer que ces deux années sont pertinentes pour évaluer la réussite d'un projet éducatif ?"

Celui-ci porte notamment sur le choix de "projets coopératifs issus de discussions collectives, entre adultes et avec les élèves", des cours de 90 minutes, une pause méridienne de 2 heures, des groupes de multi-niveaux, des cours en co-intervention, des "semaines interdisciplinaires", un séjour-nature-coopératif... "Les élèves auront appris à travailler ensemble et non les uns contre les autres." L'association reconnaît que ce projet n'a pas permis de régler "tous les problèmes" auxquels sont confrontés "les collèges similaires, REP+ avec ULIS", mais que "la qualité du dialogue entre adultes et élèves y est remarquable et remarquée", qu'un Conseil des adultes réunit chaque semaine, sur temps de travail, "agent.es d'entretien, enseignant.es et surveillant.es, personnels administratifs ou de direction pour que les problèmes des uns soient connus des autres" et "construire ensemble les solutions".

Le recteur renvoie le collège au "droit commun"

Dans son courrier, le recteur considère que "la philosophie de nombre de ces dispositifs apparaît (sous d'autres noms) dans le cadre de la réforme du collège" et "appartiennent au droit commun", ce qui rend "caduque le label de collège expérimental". Le Comité de validation des expérimentations "préconise" donc "que soient mis en place les horaires réglementaires" et organisés "les dispositifs prévus", accompagnement personnalisé, EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et "devoirs faits", que la durée des cours soit ramenée à 55 minutes "tant qu'un travail de réflexion partagée et de formation pédagogique (...) n'auront pas été menés pour permettre aux enseignants la maîtrise pédagogique indispensable pour ce format horaire". Le Comité demande encore que l'heure de concertation attribuée aux établissements REP+ porte sur "la construction collective de pratiques pédagogiques" et sur "un projet d'établissement réellement partagé". Quant aux ateliers, ils doivent être proposés "hors les cours". Enfin, le recteur annonce "un suivi rapproché" du collège par un IA-IPR et par la DAFOR (division académique de la formation et du développement professionnel).

Le collectif estime à l'inverse que le "droit commun" fera apparaître "des difficultés auxquelles le projet apportait des solutions : éparpillement (4 matières par demi-journée au lieu de deux, séances de 55') & cartables alourdis, chahut et déconcentration aux intercours, évitement des cours, suppression de dispositifs essentiels (ateliers, travaux individualisés, co-interventions, conseils d'élèves) non compensée par les dispositifs standards". Il estime que "pendant deux années, beaucoup de choses ont été mises en place en dépit des conditions difficiles". Il demande le maintien du statut expérimental sur un an au moins et une évaluation plus complète que celle qui a été menée.

Pour sa part, la maire d'Aubervilliers, Mériem Derkaoui, interroge le recteur. Comment peut-il, "après deux années seulement", d'ailleurs "perturbées", "évaluer la qualité et la réussite de l'établissement" et mettre fin "brutalement" à cette expérimentation ? Elle lui demande de "reconsidérer (sa) décision" et d'organiser des rencontres avec la communauté éducative "en présence du Département et de la Municipalité".

Interrogé par ToutEduc, le rectorat répond que  "la majorité des enseignants sont satisfaits de la décision de l'arrêt de l'expérimentation" et qu' "ils pourront ainsi travailler sereinement sur l'année à un nouveau projet répondant mieux aux besoins". Le rectorat ajoute que, "pour accompagner cet établissement à la transition vers cette nouvelle organisation, des dispositifs adaptés seront mis en œuvre pendant toute l'année scolaire. Dès la rentrée, le collège bénéficiera d’un suivi rapproché et les équipes seront accompagnées dans leur développement professionnel pour travailler et consolider les compétences pédagogiques. Un formateur 'Éducation prioritaire" sera également nommé pour aider à animer le travail du réseau sur l’acquisition et la consolidation des fondamentaux pour les élèves."

Il semble clair, au vu des arguments échangés que le problème est lié au "turn over" des personnels, et donc à aux difficultés de l'intégration au projet de l'établissement, des nouveaux venus à la rentrée 2019. Mais les arguments des uns et des autres ne permettent pas de savoir si ce turn over est dû aux statuts des personnels, qui n'étaient pas tous titulaires de leurs postes, et si donc il oblige à s'interroger sur la compatibilité entre les règles du "mouvement" et l'innovation pédagogique, s'il témoigne de frictions au sein de l'équipe dès l'année précédente, dont une partie aurait souhaité partir, ou si, au contraire, il est le fruit d'un calcul d'une administration défavorable au projet, et qui en a de fait rendu impossible la poursuite.

Le site de l'association ici

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