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Trente ans de fort déclassement scolaire (Centre d'observation de la société)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 19 juin 2020.

"À trente années d'intervalle, le même diplôme ne donne plus accès aux mêmes positions sociales (…). À la sortie de l'école, une partie des jeunes diplômés est de plus en plus souvent contrainte d'occuper des emplois de niveau inférieur à ceux auxquels ils pourraient prétendre avec leurs titres scolaires." Telle est l'analyse faite par le Centre d'observation de la société, créé en 2011 par le bureau d'études Compas spécialisé dans l'observation des territoires, et dont L'Observatoire des inégalités s'est fait l'écho ce mois de juin 2020. Cette analyse, intitulée "Des générations de plus en plus souvent déclassées", met en effet en exergue un important "déclassement scolaire" subi par les nouvelles générations. Elle souligne, en s'appuyant sur des données du bilan Formation-emploi de l'INSEE, à la fois la forte augmentation de la part des moins diplômés à occuper des postes d'ouvriers ou d'emplois non qualifiés, alors que, dans le même temps, s'est opérée une importante baisse de la part de ceux, diplômés de l'enseignement supérieur, qui occupent des postes de cadres et de professions intermédiaires.

En effet, souligne le Centre d'observation de la société, entre 1983 et 2018, la proportion de bacheliers qui étaient ouvriers ou employés non qualifiés (sortis depuis au moins 11 ans de formation) est passée de 3 % à 17 %, et celle des bac + 2 devenus cadres et professions intermédiaires a baissé de 89 % à 68 %. Et cet écart avec les actifs des années 80 est plus fort s'il est mesuré plus tôt après la sortie de la formation initiale. Mesuré entre 1 et 4 ans à partir de la fin de formation, la part des premiers est passée de 11 à 39 % sur la même période et pour les seconds, de 76 % à 53 %.

De plus en plus de hauts diplômés à des postes à qualifications inférieures repoussent les moins qualifiés vers le bas

Deux facteurs sont à l'oeuvre dans ce déclassement, selon le Centre d'observation de la société. D'une part un développement moins rapide de postes de travail qualifiés, notamment de cadres supérieurs, que de diplômés, alors que le pays a connu "un très fort allongement des scolarités". Ce qui a eu pour effet de faire culminer, dès le milieu des années 1980, un niveau très élevé de chômage des jeunes actifs (20 %). Et, parce qu'une partie des jeunes des plus hauts niveaux de diplôme doit accepter des postes demandant des qualifications inférieures à celles qu'ils ont obtenues à l'école, "un phénomène de file d'attente se forme ainsi, où les moins qualifiés sont repoussés vers le bas".

Si l'on ajoute à ces observations une troisième réalité sociale, le fait d'occuper plus souvent une position sociale inférieure à celle de ses parents - entre 1977 et 2015, la part des fils âgés de 35 à 59 ans occupant une position sociale inférieure à celle de leurs pères a doublé de 7,2 % à 15 % -, on assiste à "trois formes de désillusion", conclut le Centre : "à l'embauche, au cours de la vie professionnelle ou entre générations".

Le Centre va plus loin dans son analyse puisqu'il émet l'hypothèse que ces désillusions alimentent "un sentiment d'échec, d'autant plus que la société valorise la réussite professionnelle comme élément essentiel de la réussite sociale", et font naître des tensions (émeutes urbaines de 2005, mouvements liés au Contrat première embauche en 2006 ou à la loi travail de 2016, gilets jaunes...). Pour que cette "nouvelle société" du travail "plus incertaine, plus flexible" soit "supportable", il faudrait, selon le Centre d'observation de la société, que la "deuxième chance" soit possible en France, ce qui est "rarement le cas".

"Des générations de plus en plus souvent déclassées" ici

Camille Pons

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