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"Une éducation à la sexualité qui fait la part belle au plaisir" (Dossier des Cahiers pédagogiques)

Paru dans Scolaire le mercredi 03 juin 2020.

"Le précédent dossier des Cahiers pédagogiques consacré à l’éducation sexuelle remonte à 1974, presque un demi-siècle, au moment où se dessinait la fin de la notion de chef de famille et où les femmes acquéraient le droit à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse", constatent Chantal Guitton, professeure de SVT en collège et Dominique Seghetchian, professeure de français retraitée dès l’introduction du nouveau dossier sur ce thème.

Evolution ? Révolution ? L’éducation à la sexualité à l’école, "doit être l’affaire de tous et commencer dès la maternelle", poursuivent les coordinatrices du dossier. "Toutes les contributions émanant d’acteurs de terrain montrent leur créativité professionnelle, leur capacité à varier leurs postures et franchir le pas intellectuel du décloisonnement disciplinaire." Autre changement : "La science contribue largement à modifier le statut de la sexualité, la connaissance du système nerveux et les neurosciences légitiment une éducation à la sexualité qui fait la part belle au plaisir et ne se cantonne pas à la prévention des grossesses précoces et des maladies unies par la même morale, dans la même condamnation d’une sexualité qui ne serait pas vouée à la reproduction."

Laurence Breton, directrice d’école, affirme elle-aussi que "l’éducation à la sexualité peut s’étoffer de réflexions organisées en classe sur le thème de la vie relationnelle et affective", une thématique "qui peut parfois gêner les enseignants, considérant qu’elle serait avant tout personnelle, voire intime". Ce qui n’est pas le cas si l’on en croit les réflexions qu’elle a recueillies lors de discussions à visée philosophique en CM2 et qui "montrent que les élèves, loin de raconter leur vie, s’engagent avec rigueur (philosophique) et enthousiasme dans la réflexion sur le thème de l’amour".

L’amour "ça vient automatiquement"

Tout commence par une lecture extraite de "Socrate est amoureux" de Salim Mokkadem (éditions Les Petits Platons 2012). Suit un échange collectif guidé par les enseignants au cours duquel les élèves ont posé de nombreuses questions sur la notion d’amour : "A quoi sert l’amour ? L’amour est-il un sentiment comme les autres ? D’où vient l’amour ?...". Certains affirmant qu’on n’est pas "obligé" d’être amoureux et qu’on "peut aussi bien être heureux en étant avec ses potes", d’autres que "ça vient automatiquement" ou encore "qu’il est possible de tout faire pour aimer, pour être aimé".

Aurélie Charrier, enseignante en collège, partage son temps entre ses cours de SVT et son rôle d’animatrice au sein des ateliers organisés dans le cadre du CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté). En 6e, 5e, les élèves peuvent participer à "un atelier puberté", surtout fréquenté par des filles et leur permettant d’échanger sur leurs angoisses à propos des règles, des tampons, de la grossesse. En 4e, un jeu de l’oie incite à répondre à des questions sur la santé et la sexualité, en évitant d’aborder des sujets à tout prix alors qu’ils ne correspondent pas au questionnement des élèves. En 3e, on leur propose un photolangage sur la relation amoureuse qui permet, avant de parler de sexualité, d’échanger sur les perceptions qu’ils ont de l’autre sexe. "Beaucoup de témoignages sont touchants, certains jeunes font preuve d’une sensibilité insoupçonnée", commente l’enseignante.

"Dans le cadre des interventions au CESC, les élèves ne doivent plus nous percevoir comme un professeur mais comme un adulte", insiste Aurélie Charrier. Même si "notre statut de professeur de SVT peut nous faciliter les choses". L’interaction entre le CESC et le cours est réelle : "Nous connaissons les points sensibles, les clichés qui persistent et les sujets tabous", ce qui nous permet d’être "plus armés pour faire des choix plus personnels et plus réfléchis". Comme le rappelle Chantal Guitton "l’éducation à la sexualité fait la part aux règles qui régissent la sphère publique, la loi, elle se frotte aux valeurs dans la sphère privée, qu’elles soient familiales ou religieuses, elle se confronte aussi à l’intime celui des enseignants, des élèves, des familles". Pour autant, "l’école ne peut pas abandonner les jeunes à des réseaux sociaux qui ne sont pas toujours bien informés, ni fréquentés par des gens forcément bienveillants…".

"L’éducation à la sexualité", Les Cahiers pédagogiques n°561, 12€.

 

 

Colette Pâris

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