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Jeunes majeurs sortis de l'ASE : la Loire-Atlantique prévoit l'extension de leurs contrats jusqu'à 25 ans...

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le mardi 19 mai 2020.

Le Conseil départemental de Loire-Atlantique a adopté en assemblée plénière à l'unanimité un plan d'accompagnement à l'autonomie des jeunes majeurs sortant de la protection de l'enfance le 30 mars 2020. Élaboré après auditions et concertation avec une quarantaine de partenaires (professionnels de la protection de l'enfance, établissements, anciens enfants placés, partenaires institutionnels, etc.), il constitue, selon le Conseil départemental, la première vraie démarche "globale et concrète" sur le devenir des jeunes majeurs. Globalement, ce plan vise à la fois à "renforcer les temps d'accompagnement", mais aussi à "sanctuariser le droit à l'expérimentation", explique à ToutEduc Fabienne Padovani, vice-présidente aux familles et à la protection de l'enfance au Département de Loire-Atlantique, avec notamment l'extension des contrats jeunes majeurs jusqu'à 25 ans, des mesures destinées à faciliter leur accès au logement, ou encore la possibilité d'être de nouveau pris en charge par l'ASE (Aide sociale à l'enfance) en cas d'erreur d'orientation, de perte d'emploi, de difficultés rencontrées au quotidien. Ce plan est justifié, selon le Département, par le fait que, alors que "de manière générale, les jeunes atteignent leur autonomie de plus en plus tard" (allongement de la durée des études ou des formations, difficultés à trouver un premier emploi, coût élevé des logements…), "pour les jeunes issus de la protection de l'enfance, le passage à la majorité est d'autant plus difficile".

"Ce plan est issu de deux temps, un temps long - nous avons depuis longtemps cette préoccupation - et un temps court", explique Fabienne Padovani. "Depuis 10 ans, le Département proposait un accompagnement à tous les jeunes en difficulté dans le cadre du contrat de soutien à l'autonomie ; avait été créé entre temps la Garantie jeune, dispositif dès lors national qui était géré par les Missions locales, puis les contrats jeunes majeurs. Le temps court, c'est le plan Pauvreté issu du rapport du CESE qui a fait du mal à tout le monde en montrant que 26 % des personnes SDF sont d'anciens enfants placés et qu'ils constituent 35 % des personnes SDF de la tranche 18-24 ans. Un gâchis !"

Elasticité et confiance a priori

"Nous nous sommes demandé comment il fallait travailler - et adapter ces machines que sont les Départements dont le temps administratif n'a rien à voir avec celui des jeunes -, d'autant que s'est ajouté un troisième dossier, celui de l'accueil des jeunes mineurs non accompagnés", poursuit la vice-présidente. "De 50 il y a 5 ans, ils sont passés à 577 dans notre département. Nous ne voulions plus qu'un gamin reste trois mois sans solution ou à la rue. Une nuit dehors, c'est une nuit de trop !" Ce plan répond donc dès lors à des idées directrices : "redonner de l'élasticité" à la prise en charge, travailler avec davantage "de fluidité et de souplesse" et "donner la possibilité aux agents d'être sur une notion de confiance a priori", car "plus constructif".

Concrètement, pour passer à cette politique "agile", il fallait mettre en place un système qui ne "demande plus 3000 papiers" à un jeune et partir de "l'existant", en fonction des besoins et des manques, en tête d'entre eux l'accompagnement. D'où notamment deux mesures "phares" du plan. D'abord l'extension des contrats jeunes majeurs jusqu'à 25 ans "selon le souhait et les besoins", alors qu'aujourd'hui il est limité jusqu'à 21 ans, et sa fixation à une durée minimale d'un an, car c'est au moins "l'équivalent d'une année de formation", précise encore l'élue. Ce plan consacre aussi un "droit à l'expérimentation" avec des temps "pour rebondir après une erreur d'orientation ou un échec scolaire", "pour s'organiser ou être soutenu à la fin d'un contrat de travail", pour "régler un souci qui fait blocage", "la possibilité d'être de nouveau pris en charge par l'ASE si besoin"... Par exemple, parmi les actions envisagées figure celle de développer le parrainage avec Proxité.

Une association de soutien par les pairs

Ce renforcement de l'accompagnement implique également, explique l'élue, d'organiser l'entretien avec le jeune "dès le début des 17 ans et non les veille des 18 ans". "Si par exemple un jeune d'un Foyer de jeunes travailleurs perd un emploi, il doit savoir à qui s'adresser", explique Fabienne Padovani. "Il faut cette réflexion pour leur permettre de renouer le contact, d'où la nécessité, dès les 17 ans du jeune, de lui permettre d'identifier ses interlocuteurs."

Cet accompagnement sera renforcé également via un soutien au réseau relationnel. Le Département est par exemple en train d'accompagner par des subventions et la mise à disposition de locaux la création d'une association d'entraide par les pairs, donc animée par d'autres jeunes également issus de la protection de l'enfance, l'objectif étant notamment de "créer du lien".

Un travail a aussi porté sur le logement, objectif étant de leur en faciliter l'accès. Une convention doit ainsi être signée avec le CROUS pour réserver prioritairement des places aux jeunes engagés dans des études supérieures et leur maintien pendant la période d'été. Le plan prévoit aussi la mise en œuvre de conventions avec les bailleurs sociaux dont Habitat 44 pour leur réserver des logements sociaux. De la même manière, le Conseil départemental travaille avec les Foyers de jeunes travailleurs pour qu'ils maintiennent des jeunes quand ils perdent un emploi ou des femmes enceintes. Le plan prévoit par ailleurs d'expérimenter de nouveau types d'hébergements, comme la colocation, pour répondre à la problématique du prix des loyers.

Accompagnement dans la vie de jeune adulte et de jeune parent

Le quotidien, au-delà du logement, fait d'ailleurs aussi l'objet de mesures visant à "mieux accompagner le devenir adulte". Ces jeunes pourront par exemple bénéficier de l'accompagnement d'un technicien d'insertion sociale et familiale (TISF) qui sera en charge de réaliser "des interventions légères" : par exemple pour leur expliquer "comment tenir le budget", en les accompagnant faire les courses et leur apprenant à regarder, non pas le prix du produit mais le prix au kilo, détaille l'élue ; également "leur faire connaître les droits, ceux du locataire, ceux du propriétaire" (Fonds d'aide aux jeunes, Fonds solidarité logement, aide au dépôt de garantie, garantie VISA pour le logement et l'emploi, dispositif de cautionnement gratuit contre les impayés de loyers dans le parc privé pour les jeunes de moins de 30 ans...). Ce travail "d'apprentissage de la vie quotidienne" pourra également se traduire par des ateliers cuisine. "Quand on a toujours été encadré et que l'on se retrouve tout seul, cela peut être le grand vide. Et quand on a pas ou plus de famille, vers qui on se retourne ?", fait remarquer l'élue. Il s'agit là, explique-t-elle, de travailler sur "la question des signaux faibles, c'est-à-dire faire attention à toutes les petites choses du quotidien."

Enfin, un autre axe concerne l'accompagnement des jeunes parents, dimension qui "n'avait pas d'emblée été imaginée", reconnaît l'élue, mais qui a été introduite suite à des retours de travailleurs sociaux qui ont souligné que cela "pouvait complexifier l'accès à l'emploi". Or, poursuit l'élue, "les jeunes sortis de l'ASE ont tendance à créer très tôt leur famille". Au-delà d'un accompagnement dans la connaissance des besoins du bébé ou encore pour leur faciliter l'accès à différents modes de garde, le plan prévoit un travail autour de "la question du répit", avec notamment l'association "Parrains par mille", notamment spécialisée sur cette question depuis 10 ans. Ce à quoi s'ajoutera un travail de sensibilisation et de formation autour de la question des violences développé avec la CAF. "Quand on a subi des violences, le fait de devenir parent peut faire ressurgir des choses", explique l'élue. "Pas question de penser qu'il puisse y avoir plus de violences chez ces parents, mais il s'agit juste de l'aborder, de l'imposer dans le discours et de les aider ainsi à devenir parents."

Avant d'adopter ce plan, le Conseil départemental avait décidé, dès le confinement, de basculer automatiquement tous les jeunes de l'ASE qui ont eu ou allaient avoir 18 ans durant cette période sur un contrat jeune majeur. Pour mettre en place les différentes actions, c'est un budget de 80 000 euros en fonctionnement qui a été adopté dans le cadre de la décision modificative dont a fait l'objet ce plan fin mars. En 2019, dans ce département, 748 jeunes accompagnés par des dispositifs de la protection de l'enfance ont atteint 18 ans. 73 % bénéficiaient de mesures de placement et 27 % d'interventions à domicile. 763 jeunes ont bénéficié d'un contrat jeune majeur (+ 22,5 % par rapport à 2018).

Camille Pons

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