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La continuité pédagogique, l'occasion de donner l'image d'une école plus tolérante (conseiller.e.s pédagogiques et Ligue de l'enseignement - Paris)

Paru dans Scolaire le jeudi 21 mai 2020.

"Avec la classe à la maison, les parents ont vu les professeurs travailler avec les élèves lorsqu'ils étaient en difficulté, et l'erreur cesser d'être une faute mais être considérée comme un moment des apprentissages. Une maman a remercié l'enseignante, elle était 'tout le temps sur le dos' de son fils, il fallait qu'il réussisse tout. La bienveillance aura été un des maîtres mots de cette période." Pour rendre compte des aspects positifs du confinement, rendre hommage au travail des enseignants et faciliter l'échange de "bonnes astuces" la section parisienne de l'ANCP&AF (Association nationale des conseillers pédagogiques & autres formateurs) et la Fédération de Paris de la Ligue de l'enseignement ont créé un site dédié à la "continuité pédagogique" (ici). ToutEduc a réuni, en visio, leurs représentants.

ToutEduc : Vous venez de publier le 15ème "récit" illustrant les diverses facettes de la continuité pédagogique. Qu'est-ce qui a motivé la mise en place de ce dispositif ?

Collectif : On entendait partout parler de ce qui n'allait pas, et très peu des initiatives remarquables de beaucoup d'enseignants qui ont déployé une énergie considérable pour réaliser cette "continuité pédagogique". Et dès que la Ligue en a proposé l'idée, la réponse de nos collègues de l'ANCP a été immédiate et unanime, pour partir à la recherche de témoignages dans tous les arrondissements de la capitale et à tous les niveaux d'enseignement, jusqu'à un hôpital de jour. Il ne s'agissait pas forcément d'innovations extraordinaires, mais de rendre compte des efforts de chacun pour relever les défis que posait une situation soudaine et inédite. La proposition de la Ligue de l'enseignement était d'autant mieux venue que cela permettait de mettre en avant la manière dont les enseignants se sont appropriés les différents outils dont ceux relayés par le M@gistère académique.

ToutEduc : Vous parlez de l'énergie considérable des enseignants, mais est-ce vrai de tous ?

Collectif : Leur investissement a été exceptionnel. Nous n'en avons pas été surpris.es mais quand même ! Sur une circonscription qui compte quelque 200 enseignants par exemple, nous estimons à moins de 10, voire moins de 5, le nombre de ceux qui n'ont pas tout fait pour maintenir le lien avec les enfants et les familles. La visio conférence n'était pas forcément le meilleur moyen, toutes les familles ne sont pas équipées, et certains enseignants n'avaient pas très envie que leurs élèves pénètrent chez eux (elles). Ils ont alors trouvé d’autres moyens pour assurer cette continuité pédagogique. Je pense à une enseignante en REP+ qui a appelé tous les jours au téléphone ses élèves au moins 10 minutes chacun. D'autres ont utilisé une messagerie mail. Certains enseignants se sont filmés ou enregistrés chantant une chanson, pour que les parents puissent à leur tour la faire chanter, et là, c'était plus facile en visio qu'avec une clé USB que tous les parents ne savent pas tous utiliser...

ToutEduc : Les outils numériques étaient-ils toujours ceux qui étaient recommandés par l'institution ?

Collectif : Non, l'académie a développé récemment un ENT 1er degré, mais il n'est pas déployé dans toutes les écoles. Là où il l’est , une grande majorité des enseignants ont déployé des efforts pour se l’approprier en suivant des webinaires ou en organisant en équipes des visio pour s’entraider, des formations formelles et informelles se sont mises en place par nécessité.

Beaucoup ont utilisé les outils qu'ils connaissaient, et que les familles connaissaient. Très rapidement, la question du respect du RGPD (règlement général sur la protection des données) concernant certains de ces outils s’est posée et il était parfois difficile d'en changer. Il faut bien dire que nous-mêmes étions passablement démuni.e.s, on s'est formée.e.s en même temps qu'eux, ce sont parfois de très jeunes enseignants qui se sont investis et nous ont aidé.e.s à trouver les solutions. Les webinaires que nous avons organisés sur ce thème ont eu beaucoup de succès et répondaient à une vraie demande.

ToutEduc : Vous insistez sur le lien avec les familles, en quoi était-ce si important ?

Collectif : Pour la Ligue de l'enseignement qui travaille beaucoup la question de la "co-éducation", du "lien scolaire - périscolaire", c'est un sujet essentiel, ce qui explique notamment son implication dans le projet. Et pendant cette période, ce lien a été bousculé, mais il a évolué de façon très positive, particulièrement pour les écoles élémentaires.

ToutEduc : Plus que pour les maternelles ?

Collectif : Oui. Les parents d'élèves en maternelle accompagnent souvent leurs enfants jusque dans la classe, ils connaissent bien la maîtresse (ou le maître), ce n'est pas vrai en élémentaire où le lien est moins fort. Là, les parents ont vu les enseignants travailler, ils ont mieux compris comment on pouvait accompagner les enfants, que l'erreur était un moment des apprentissages... L'image de l'école y a gagné en termes de tolérance, de bienveillance.

ToutEduc : Et les enseignants y ont-ils gagné ? Avez-vous des exemples de grande réussite ?

Collectif : Le cas d'une jeune enseignante qui avait des problèmes de gestion de classe, au point qu'elle était prête à arrêter, qu'elle était en difficulté avec les parents, est assez exemplaire. Elle a été débarrassée des problèmes de discipline, elle a pu se concentrer sur les questions de pédagogie, elle a créé un nouveau lien avec les parents, elle a, en quelque sorte, "redoré son blason", et elle se sent beaucoup mieux au moment de reprendre en présentiel.

Une autre, plus expérimentée, donnait rendez-vous à ses élèves dans la classe virtuelle, mais elle ne branchait pas tout de suite sa caméra ni son micro, elle les laissait entre eux, puis arrivait l'heure de la classe, elle débranchait les micros des élèves qui devaient lever la main pour avoir le son et on assiste alors à une séance très cadrée et des élèves qui respectent les règles posées.

ToutEduc : Et maintenant ?

Collectif : La période qui s'ouvre n'est pas facile. Les enseignant.e.s doivent faire le deuil des dispositifs, des expérimentations et des innovations incroyables qu'ils se sont donné beaucoup de mal pour mettre en place, pour revenir en présentiel sans que ce soit vraiment l'école, puisqu'ils n'ont pas tous leurs élèves et qu'ils doivent maintenir les liens à distance avec les autres. Ils se retrouvent dans un entre deux inconfortable auquel, encore une fois, ils s’adaptent avec professionnalisme.

ToutEduc : Et pour l'institution ?

Collectif : Il ne faudrait pas que l'école, pas plus que la Ligue d'ailleurs, échoue à capitaliser sur les acquis. En matière d'utilisation du numérique, l'école a gagné des années. Il va falloir prendre le temps de la réflexion sur les usages.

Il va falloir aussi que l'institution continue d’investir dans les équipements mis à disposition… Dans beaucoup de classes, les outils numériques doivent être optimisés pour répondre au défi auquel nous avons à faire face et à ceux qui nous attendent. Équiper les enseignants semblent faire également partie des priorités qui peuvent être pointées.

Propos recueillis par P. Bouchard auprès de Séverine Fix (présidente ANCP&AF Paris et conseillère pédagogique), Valérie Da Silva (déléguée académique ANCP&AF Paris et conseillère pédagogique), Estelle Zuliani (administratrice Ligue de l’enseignement Paris et conseillère pédagogique), David Brée (Directeur éducation/Culture à la Ligue de l’enseignement Paris)

Projet conduit également avec la collaboration d’Anna Sougakoff (CPC et membre de l’ANCP& ANCP&AF Paris) et Françoise Le Lièvre (CPC et membre de l’ANCP& ANCP&AF Paris),

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