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Réouverture : le Conseil d'Etat refuse de censurer les deux protocoles sanitaires

Paru dans Scolaire le lundi 18 mai 2020.

Les demandes en référé s’appuient le plus souvent sur les articles L. 521-1 (référé-suspension) et 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté) : dans une affaire en cours d’examen, cette dernière procédure a par exemple été utilisée devant le TA de Montreuil par une conseillère municipale d’opposition, agissant en qualité de mère d’élève, à Bobigny, pour contester, au nom de l’égalité des enfants, la décision de la mairie de ne pas rouvrir les écoles maternelles de la ville. Mais il existe dans le même code un troisième article moins connu médiatiquement, l’article 521-3 (référé mesures utiles), qui permet au juge, comme son nom l’indique, de prendre toute mesure justifiée par l’urgence, utile, qui ne fasse pas obstacle à l’exécution d’une mesure administrative.

C’est cette dernière voie de droit qu’a choisie le syndicat Sud Education, opposé à une reprise immédiate des établissements scolaires et partisan d’un report à septembre, pour contester certaines mesures concernant la réouverture des écoles dans le cadre du déconfinement décidé à partir du 11 mai 2020. A cette date, le décret n°2020-545 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire prévoit d’autoriser à nouveau l’accueil des usagers dans les écoles maternelles et élémentaires, selon les modalités qu’il définit et dans le respect des conditions d’hygiène et sécurité qu’il fixe. Le ministère avait donc émis une circulaire relative à la réouverture des écoles et élaboré, en liaison avec une entreprise spécialiste de la sécurité, deux guides contenant des protocoles sanitaires, un pour chaque niveau d’enseignement. Mais ces protocoles ne contiennent pas de prescriptions obligatoires ; ils se contentent de recommandations adressées au personnel des écoles et des établissements.

C’est ce que contestait le syndicat Sud, qui soutenait que le ministre ne pouvait "se borner à édicter des recommandations sanitaires non contraignantes et à renvoyer ainsi à la seule responsabilité individuelle des agents publics le soin d’apprécier les mesures qui doivent être mises en œuvre". Le syndicat demandait donc au Conseil d’Etat d’adresser au ministère une injonction de prendre les mesures réglementaires selon lui nécessaires. Il s’agissait bien, selon lui, d’une demande d’injonction pouvant amener une mesure utile qui ne paralyserait pas l’activité de l’administration.

Cela nous renvoie à une question classique, qui avait fait l’objet, en particulier, de plusieurs arrêts rendus dans les années 60. Cette jurisprudence confirme l’existence d’une obligation juridique, pour le gouvernement, de prendre les mesures réglementaires nécessaires, d’une part pour permettre l’exécution des lois, de l’autre, pour prendre les mesures imposées par une situation dommageable. Tel est en particulier le cas en matière de police administrative, pour faire cesser un péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public. Le refus d’intervenir est éventuellement source de responsabilité. Et un recours peut conduire, le cas échéant, à une annulation du refus assortie de l’injonction d’édicter les règlements sous menace, le cas échéant, d’une astreinte. Dans ce cadre, le Conseil d'Etat est allé très loin récemment, en affirmant la possibilité pour le juge des référés d'enjoindre une personne publique de prendre les mesures propres à prévenir de l’apparition ou de l’aggravation imminente d’un dommage imputable à des travaux publics ou à un ouvrage public.

En l’espèce, cependant, le Conseil d’Etat estime, dans son arrêt rendu le 11 mai 2020, qu’une "demande tendant à ce qu’il soit ordonné à l'autorité compétente de prendre des mesures réglementaires, y compris d'organisation des services placés sous son autorité, n'est pas au nombre de celles qui peuvent être présentées au juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, eu égard à l'objet de ces dispositions et aux pouvoirs que le juge des référés tient des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code". Il déclare donc le recours irrecevable.

L’intérêt essentiel de cet arrêt est de rappeler les limites des pouvoirs du juge des référés. Ce dernier ne se reconnait pas la compétence d’imposer à l’administration de prendre des mesures réglementaires générales dont il dicterait le contenu. Certes, il ne s’est pas prononcé sur le fond, puisque ce n’est pas son rôle ; une demande de référé ne pouvant pas être présentée sans l’appui d’un recours en annulation concernant la mesure contestée, il appartiendra au Conseil d’Etat, lorsqu’il examinera le recours principal, d’apporter la réponse à la question de la légalité des mesures contestées, si cette question a encore une actualité à cette période. En attendant, les instructions ministérielles en matière de précautions à prendre en matière de réouverture des écoles et établissements restent au stade des recommandations.

 La décision 440455 ici

André Legrand

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