Quelle place pour l'art à l'école ? (Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 09 avril 2020.
"C’est un dessin, on peut voir quand c’est sombre, que c’est obscur, qu’il veut exprimer la tristesse par exemple… alors que si on me donne un texte je vais pas être triste", affirme Hafza, élève de 3e, lorsqu’on lui demande d’écrire dix lignes sur un extrait littéraire et sur une reproduction de peinture. Cet exercice, support d’une recherche en 2015, a concerné 350 élèves de troisième et de seconde dans l’académie de Créteil. Il a servi de base à un article de Marie-Sylvie Claude, maître de conférences en littérature à l’université de Grenoble, et Patrick Rayou, professeur en sciences de l’éducation à Paris 8, intitulé "Aider à la réussite scolaire : des détours sans retours ? Peinture et littérature en classe de Français".
Cette comparaison de l’activité des élèves sur les deux formes d'art illustre parfaitement le thème du nouveau numéro des Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs : "Scolarisation de l’art, artistisation de l’école". "Sur un tableau c’est nous, notre imagination", dit l’une. "C’est-à-dire que le tableau c’est notre opinion, alors qu’un texte, c’est l’opinion de l’auteur… C’est ça qu’il faut dire en commentaire… Dans la peinture, c’est plus facile, on est libre", surenchérit une autre élève. Des commentaires qui poussent même certains enseignants à "ne pas casser l’ambiance" et à ne pas dire aux élèves qu’ils sont comme Monsieur Jourdain et qu’avec la peinture, ils apprennent le commentaire sans le savoir.
Différences selon les arts
Stéphane Bonnéry et Rémi Deslyper, tous deux maîtres de conférences en sciences de l’éducation, l’un à Paris 8 et l’autre à Lyon 2, soulignent qu’il s’agit dans ce dossier de "faire un premier état des lieux des recherches françaises sur la transmission des pratiques culturelles à tonalité artistique et sur la place de l’art à l’école". Après avoir constaté que ces recherches sont plutôt récentes, ils constatent qu’il existe plusieurs approches de l’éducation artistique, les unes centrées sur les apprentissages que doit réaliser l’élève, les autres envisageant les enjeux sociaux et les inégalités dans ces apprentissages ou encore interrogeant les valeurs éducatives de l’art.
Les deux chercheurs rappellent que "la musique est l’une des plus anciennes disciplines scolaires", puisqu’elle était l’une des quatre sciences mathématiques du "quadrivium" antique (arithmétique, géométrie, musique, astronomie). Si l’on trouve beaucoup d’études sur la pratique musicale en classe souvent "corrélée à une meilleure réussite scolaire", pour les arts plastiques, il y a manifestement peu de travaux. Ghislain Leroy, maître de conférences en sciences de l’éducation à Rennes 2, brosse un tableau intitulé "Grandeur et décadence de l’appréhension psycho-artistique du dessin à l’école maternelle (1945-2013)" qui relate comment on est passé du dessin dirigé au dessin libre, puis aux autres activités d’arts plastiques, et comment "le mouvement de scolarisation de l’école maternelle a prolongé le processus de marginalisation du dessin expressif".
Dix mois d’école et d’opéra
Les sociologues Philippe Coulangeon, et Héloïse Fradkine ont évalué le dispositif "Dix mois d’école et d’opéra", porté par l’Opéra national de Paris et les académies de Paris, Créteil et Versailles depuis le début des années 90. De l’analyse des notes obtenues au brevet des collèges et des choix d’orientation en fin de troisième, les résultats "suggèrent un impact modeste mais significatif de la participation au dispositif (…) avec des effets globalement plus prononcés chez les garçons et chez les élèves de milieux populaires". Les auteurs avançant l’idée que "ces effets relèvent sans doute davantage de la modification des conditions d’encadrement et de motivation des élèves, des formes d’implication et de coordination des équipes pédagogiques que de l’acquisition de compétences scolaires au sens strict".
La revue ici
Colette Pâris