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Chronique ordinaire des jours extraordinaires - 31 mars

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 31 mars 2020.

ToutEduc tient chronique des petits gestes et des petits faits des jours du confinement, des bonnes et des mauvaises surprises des acteurs de l'éducation, des situations qu'on n'imaginait pas, des outils auxquels on ne pensait pas... Vous pouvez nous adresser vos textes, de 3 à 25 lignes, du positif ou du négatif, mais ancré dans la singularité de votre expérience (redaction@touteduc.fr)

F., proviseure d'une cité scolaire. Lundi 30 mars

Serions –nous déjà inscrits dans une routine ?

Au bout de seulement trois semaines de confinement, d’isolement professionnel (ou quasi), aurions-nous pris d’ores et déjà un certain nombre d’habitudes ?... Certainement oui !

Ainsi, le matin, pour ouvrir les bâtiments de la cité scolaire et le soir pour les refermer, je mets trois fois moins de temps que la première semaine où je revenais sur mes pas, retournais dans le tiroir de droite, euh, non de gauche pour prendre un troisième trousseau qui, lui me permettrait d’accéder à la deuxième porte qui s’ouvrait avec ce premier trousseau que, zut ! j’avais omis de prendre avec moi et qui était resté sur mon bureau et que je retournai chercher en courant et pestant contre moi.

Moins d‘appels aussi de familles en panique parce que la connexion ne se fait pas et que les exercices ne sont pas envoyés aux enseignants. Aujourd’hui, le stress de la journée s’appelle Parcousup ! R., le proviseur adjoint fait une sorte de veille téléphonique et appelle les élèves de Terminale pour leur signaler qu’ils n’ont plus que trois jours pour valider leurs candidatures dans l’enseignement supérieur. Très vite, après l’absence (importante) d’appels laissés dans le vide du répondeur ou de réponses désinvoltes : «  Ah non ! mais là je mange ! je ne peux pas m’en occuper. J’y pense, oui oui ! », il bascule sur les téléphones des parents nettement plus anxieux ou plus concernés. Une jeune élève affolée, cependant, rappelle : en un clic malencontreux que l’on ne comprendra pas, elle a tout effacé : tous ses vœux, ses projets, tout ! Face à ce nœud de détresse et de panique mêlée, la voix se fait alors bienveillante, enrobe, entoure, prend par les épaules pour calmer, rasséréner, donner de l’espoir et la solution à trois ou quatre clics de là qui permettra d‘accéder à un opérateur qui autorisera le retour en arrière de ce satané clic de malheur initial.

Ensuite, l’apéro en vrai cette fois. Pour la première fois depuis le début de l’année scolaire, à 18H30, A., R. et moi, à bonne distance, on débouche une bouteille de Givry et on trinque, pour de vrai ! Dans mon bureau ! On trinque à cette satanée année 2020 dont on se souviendra à jamais ! Et puis on digresse, on plaisante, on rit dans ce plaisir simple d’être ensemble. On se sépare, plus légers jusqu’à demain...

J-B, directeur national d’un réseau associatif

Le travail reprend. Les courriels du week-end, de la matinée… Ils sont déjà nombreux. Une réunion à organiser ici, une réponse à un dossier administratif là, de nouvelles demandes également : comment faire pour signer ce type de document ?

Puis les enfants se réveillent l’un après l’autre. Ils arrivent à se mettre au travail assez facilement. À part mon fils de 15 ans, celui qui est dyslexique, il faut vraiment passer du temps avec lui.

Nouveautés depuis le début du confinement, à 14h30 ma femme et moi, avons tous les deux une visioconférence en même temps. Nous devons donc nous organiser dans la maison. Au milieu de ces visioconférences, ma femme vient me voir : elle me fait des grands signes, cela veut dire que je parle trop fort et qu’elle a du mal à suivre sa propre visio (sic !).

Il ne fait pas très beau aujourd’hui, il pleuviotte, nous ne pouvons donc pas faire d’activités à l’extérieur. Les rituels sont là : nous mangeons, nous mangerons ensemble, nous organisons la journée, les tâches ménagères… Nous remarquons que nous avons du mal à tenir quotidiennement le créneau sportif. Il va falloir se forcer…

Dans la journée, je suis allé lire les infos sur le site d’un grand journal français : dans les grands titres « un enfant de six ans en état de mort cérébrale, frappé par son père ». À la lecture de cet article, on apprend que l’enfant au moment du drame, était en train de réaliser ses devoirs. Un sentiment d’effroi m’envahit…

Je me dis qu’il faut sûrement arrêter cette question de « classe à la maison », enlever la pression qui l’entoure. Si les enseignant.e.s, sont enseignant.e.s, c’est parce qu’ils ont suivi une formation, ils sont encadrés, par un corps d’inspecteurs ou inspectrices, par des collègues, des mouvements pédagogiques. On ne s’ improvise pas enseignant.e, on ne s’improvise pas non plus accompagnateur.e scolaire… Il faut sûrement repenser ces moments « scolaires » (et qui n’en sont pas vraiment) que nous sommes actuellement obligés de vivre, en changeant de discours et donc en arrêtant les injonctions non réalisables. Il faut permettre aux enfants de réaliser des activités avec leurs parents, qui indirectement participeront à l’acquisition de savoirs scolaires : faire une recette de cuisine, faire des jeux de société, faire des pliages, des activités diverses, se raconter des histoires, regarder des films et en parler… Il sera toujours temps plus tard de revenir aux apprentissages scolaires, peut-être même de repenser les grandes vacances. Il faut leur permettre de conserver des relations sociales avec d’autres...

Déjà, en temps normal, une des principales causes des disputes familiales sont justement les devoirs scolaires, alors en situation de confinement…

Des solutions pourraient exister, des lignes téléphoniques pourraient être dédiées à des familles qui ne parviennent pas à réaliser tel ou tel exercice, du personnel enseignant spécifique pourrait répondre, nous pourrions également créer des visioconférences de soutien scolaire, de rattrapage scolaire… Il est urgent de tenir compte de toutes les réalités sociales !

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