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Un "instit ne devrait pas avoir" à dénoncer les absurdités croissantes du système scolaire (Ouvrage)

Paru dans Scolaire le jeudi 19 mars 2020.

"La pire menace ne vient pas des forces qui nous agressent, mais de notre faiblesse à riposter." Sylvain Grandserre se définit comme un "enseignant passionné" par son métier, par la pédagogie, et le "cri de rage" qu'il pousse est certes provoqué par la politique actuelle, mais vue comme la fameuse goutte d'eau dans un vase déjà plein. Il dénonce toutes les absurdités auxquelles il est confronté, d'où qu'elles viennent, de l'inspecteur de circonscription ou du maire comme du ministre, celui-ci mais ceux qui l'ont précédé aussi bien. "Depuis quelque temps déjà semblaient se succéder dans mon travail anecdotes et péripéties d'où étaient rarement absentes absurdités et aberrations. Je trouvais de plus en plus grotesques et ubuesques les injonctions officielles, les revirements successifs, les obsessions paperassières" qui "entraînaient autour de moi non pas réactions et colères, mais culpabilisation et repli". 

Si cet "instit" chargé d'un CM1-CM2 dans une école rurale proche de Rouen en veut à Jean-Michel Blanquer, ce n'est pas tant à cause des réformes qu'il a introduites que pour son management qui aggrave les défauts du système et qui pousse ses collègues à une sorte de dépression professionnelle. "J'assistais, jour après jour, à une lente dépossession de notre travail tout entier soumis au diktat hiérarchique." Mais un jour, "tout a explosé" avec le suicide d'une directrice d'école à Pantin, "un signal d'alarme tiré à bord d'un train qui prend de la vitesse à mesure qu'il perd des wagons", et c'est ce qui l'a poussé à passer en revue les absurdités de son quotidien.

Il dénonce ainsi "la décision unilatérale du ministre" qui a supprimé "la musique, l'histoire, l'informatique, la géographie, l'éducation physique, les sciences, le sport, la technologie, les langues, les arts visuels" des sujets qui peuvent être abordés en formation continue. Plus d'autres choix que français et mathématiques. Quant aux tests de CP, CE1 et 6ème, ils "font baisser le niveau général" puisqu'ils ne portent que sur ces deux mêmes disciplines, ce qui amène les enseignants à faire l'impasse sur le reste : "Moins de culture, plus trop d'ouverture ou d'éveil." Les enseignants anglais, "qui sont passés par là, sont quasiment unanimes pour attester en dix années d'une baisse des exigences dans les classes primaires". Sylvain Grandserre dénonce également le retour à la semaine de 4 jours. 

L'auteur s'en prend aussi aux excès de l'école inclusive, même s'il n'utilise pas cette expression. "Par démagogie, on a fait croire que l'école pourrait, sans trop changer, s'ouvrir à tous les profils, même les plus perturbés", le "on" désignant aussi bien le ministre actuel que ses prédécesseurs. Mais surtout, il s'inquiète d'une dérive techniciste de l'Education nationale. Les futurs enseignants "ont l'impression qu'il faut d'abord tout maîtriser, avoir tout anticipé, tout prévu", ils passent plusieurs heures pour préparer une séquence : "recherche d'idées, de documents, invention du travail, conception des ateliers, élaboration des supports, impression, photocopie, préparation matérielle, modalités d'évaluation. Bref, un week-end pour une demi-matinée de classe !" Or, enseigner suppose de "gérer une part d'imprévu et d'improvisation", "le travail se fait dans l'interaction" et suppose une part de "bricolage", un terme qui n'a rien de péjoratif.

Et finalement, S. Grandserre nous donne à entendre, derrière la critique, son amour pour son métier, nourri de la fréquentation des grands pédagogues, C. Freinet notamment. "Je ne ferai jamais le cadeau de mon découragement à nos adversaires."

"Un Instit ne devrait pas avoir à dire ça !", ESF éditeurs et La Classe éditions, 160 pages, 12,90€

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