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Coronavirus : Et les élèves des écoles hors-contrat ? (Interview exclusive d'Anne Coffinier)

Paru dans Scolaire le dimanche 15 mars 2020.

Interrogé ce 15 mars sur France-Info sur ce qui était prévu pour les élèves des écoles hors-contrat, Jean-Michel Blanquer a reconnu qu'il n'avait pas de réponse à la question posée, mais qu'au regard de la situation, et de l'impératif de ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin et du devoir de solidarité, il allait voir ce qui pouvait être fait. Anne Coffinier, présidente de l'association "Créer son école" qui apporte aide, conseils et formations aux écoles hors contrat (ou "indépendantes", ici) répond à nos questions.

ToutEduc : Etes-vous surprise de la réponse du ministre de l'Education nationale ?

Anne Coffinier : Non, il est tout à fait normal que l'Etat se soucie d'abord des écoles et établissements publics ou sous-contrat, et des personnels qui dépendent directement de lui, nous allons d'ailleurs lui écrire pour le remercier d'avoir accepté se soucier aussi des écoles, collèges, lycées indépendants (privés hors contrat). Il est capital que l'Etat aide les élèves des écoles privées hors contrat à bénéficier aussi de la continuité pédagogique. Tous les enfants doivent bénéficier aussi bien du droit à l'éducation que du droit à la santé, quel que soit le statut public ou privé de leur établissement.

ToutEduc : Ces établissements sont-ils soumis aux mêmes règles que les autres ?

Anne Coffinier : Bien sûr. Nous l'indiquons d'ailleurs sur notre site. Exactement les mêmes. Un établissement qui ouvrirait s’exposerait à une fermeture administrative et sa responsabilité pourrait être engagée en cas de maladie. Les écoles hors contrat doivent donc assurer un enseignement à distance, comme les autres, mais elles n'ont hélas la plupart du temps pas les mêmes moyens que les autres.

ToutEduc : Pouvez-vous préciser ?

Anne Coffinier : Seule une minorité d'établissements privés hors contrat disposent d'ENT (espace numérique de travail) du type aplon, ecole directe ou scolinfo. Très peu sont équipées pour organiser efficacement et rapidement des classes virtuelles. Dans ces conditions, pour que leurs élèves bénéficient malgré tout de la continuité pédagogique, il faut que les établissements et leurs élèves accèdent très vite à des dispositifs d'ENT. C'est pourquoi l'association Créer son école a demandé au Ministère de l'éducation que les élèves du hors contrat puissent accéder à la solution Ma Classe à la maison gratuitement, comme les autres élèves. C'est sur cette demande que le Ministre s'est engagé à demander à ses services une réponse. Ce serait une solution qui permette aux écoles de créer en toute autonomie leur classe virtuelle, tout en accédant ad nutum aux ressources pédagogiques du CNED. Une alternative est que l'Etat accorde une subvention aux écoles hors contrat pour leur permettre d'installer un ENT rapidement et de mettre en place des cours vidéo en podcast ou streaming.

ToutEduc : Les élèves de ces écoles ont-ils tous des ordinateurs ?

Anne Coffinier : Non, bien sûr. Ce qui n'est pas toujours le cas, chaque enfant n'a pas son ordinateur. Or si les enseignants exigent de respecter des créneaux horaires précis pour rendre les devoirs, le manque d'ordinateur sera vraiment difficile à gérer.

ToutEduc : Concrètement, que demandez-vous au ministère ? aux collectivités locales ?

Anne Coffinier : L'idéal serait que tous les enfants aient accès au CNED et aux prêts de tablettes ou d'ordinateurs, comme cela est en train de se mettre en place pour les enfants des écoles et établissements publics ou sous contrat. Nous demandons aussi une aide financière pour que les établissements indépendants puissent souscrire des abonnements plus conséquents à des ENT performants si la solution d'un accès gratuit à "Ma classe à la maison" n'est pas organisé par le Ministère..

ToutEduc : Cette crise est passagère. Ne demandez-vous pas beaucoup ?

Anne Coffinier : La crise est passagère, et l'accès gratuit à Ma classe à la maison peut tout aussi bien être octroyé transitoirement, le temps de la suspension des cours en présentiel. Il n'y a donc pas de contradiction. Il en va de même pour le prêt de matériel informatique, qui ne peut durer que le temps de la crise sanitaire.

ToutEduc : Le secteur hors-contrat a-t-il en dehors de la crise Covid-19 d'autres sujets de préoccupations?

Anne Coffinier : Nous avons un problème sérieux avec le nouveau baccalauréat. Les lycéens d'établissement hors contrat n'ont pas droit aux E3C (les épreuves communes de contrôle continu) et doivent acquérir la totalité des points dans le cadre d'épreuves terminales (comme c'est le cas dans le bac traditionnel). Cela pose un double problème: d'abord, les épreuves de spécialité de terminale porteront sur le programme des 2 dernières années alors que les autres élèves ne sont interrogées que sur le programme de terminale. Il s'agit là d'une rupture d'égalité inacceptable. Second problème : les notes des épreuves de contrôle finales de terminale seront rendues après la date pour laquelle il faut renseigner ses notes dans parcoursup, ce qui va défavoriser terriblement les lycées du hors contrat. Des démarches et des procédures contentieuses sont en cours à ce sujet, à l'initiative des partenaires sociaux, tant la situation semble absurde et contraire aux intérêts élémentaires des élèves de l'enseignement privé hors contrat. A ce sujet comme pour le COVID -19, nous demandons à la puissance publique de traiter les enfants des établissements privés hors contrat comme les autres enfants, parce que ce sont avant tout des enfants.

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