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Parcoursup : un satisfecit général, une critique sévère dans le détail (Cour des comptes)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 27 février 2020.

"La fonction d’orientation dans l’enseignement secondaire, en dépit de progrès notables, est la grande oubliée de (la) réforme" introduite par la loi ORE (relative à l'orientation et à la réussite des étudiants), estime la Cour des comptes qui publie un "premier bilan" de sa mise en oeuvre. Elle ajoute que "la plateforme Parcoursup fonctionne de manière satisfaisante, mais s’expose à des risques qui doivent être impérativement réduits". Elle évoque encore "un défaut de transparence" dans le processus d'affectation et dénonce l'absence de suivi de la réussite étudiante, pourtant "largement financée".

La Cour ouvre son rapport par un satisfecit : L’administration "s’est montrée performante" mais "les ministères de l’éducation nationale et de la jeunesse et de l’enseignement supérieur doivent dépasser le constat des premiers succès enregistrés" et "interroger la concordance des dispositifs mis en place avec l’esprit de la loi ORE et les attentes des jeunes générations".

Voici des extraits significatifs du rapport :

L'orientation des lycéens

"Près d’un tiers des élèves ne bénéficient toujours pas de conseils au moment de leurs choix d’orientation alors même que leurs deux professeurs principaux ont été chargés de cette mission." Certes, "les élèves discutent davantage de leurs projets d’orientation avec leurs professeurs principaux dont l’avis est davantage pris en compte. Ainsi, 43 % des élèves ont suivi les conseils de leur professeur principal concernant leur affectation en 2019 contre 33 % en 2017. En valeur absolue cependant, ce niveau reste insatisfaisant."

La cour estime que des "professeurs référents" pourraient se substituer aux professeurs principaux, mais que "le maintien d’un professeur chargé à titre principal de l’orientation qui soit bien identifié par l’élève et sa famille et en mesure de coordonner l’intervention des autres acteurs (autres enseignants, psychologues de l’éducation nationale, régions, universités) semble indispensable, qu’il porte encore l’appellation de professeur principal ou non".

"Deux tiers des professeurs principaux s’estiment insatisfaits des salons de l’orientation et du supérieur. Une des raisons réside dans le manque de préparation de l’évènement au sein du lycée et d’association de l’équipe éducative à ces manifestations."

"Chaque établissement devra mettre en place 54 heures d’orientation à partir de sa marge d’autonomie, et donc arbitrer entre l’orientation, les enseignements optionnels (LV3, latin, grec, enseignement artistique, etc.) ou encore les dédoublements."

Ces 54h devraient être inscrites à l'emploi du temps des élèves, mais aussi pour les enseignants, professeurs principaux ou référents, sous la forme d'un forfait horaire annuel de 54h qui s’ajouterait aux quotas hebdomadaires d’heures d’enseignement. Une partie des moyens nouveaux prévus par la loi ORE pour l'enseignement supérieur pourrait être allouée au secondaire. Il faudrait aussi "aligner le temps de travail des psychologues de l’éducation nationale sur le régime légal des 35 heures", "mobiliser les enseignants en sous service" et "continuer la suppression des décharges devenues obsolètes, qui représentent encore près de 10 000 ETP". Il est par ailleurs "impératif de développer la formation initiale et continue des professeurs sur ce sujet".

Quant aux PSY EN, ils pourraient apporter leur soutien "aux professeurs dans leur travail d’orientation de proximité et au proviseur dans l’élaboration du projet d’orientation, tout en continuant à conseiller les élèves les plus en difficulté dans les apprentissages scolaires".

La Cour note encore que "des fonds du plan d’investissement d’avenir (PIA) ont été mobilisés afin de renforcer la coordination des différents acteurs de l’orientation sur un territoire – établissements du secondaire, formations du supérieur et régions", mais qu'il serait "de bonne gestion de financer par des crédits budgétaires des dispositifs de coordination entre des acteurs institutionnels, le PIA ayant vocation à financer des investissements d’avenir".

La plateforme Parcoursup

"L’application Parcoursup présente une qualité médiocre" et l'évaluation des indices d’efficience et de sécurité montre "que le risque de rupture du fonctionnement normal de Parcoursup est élevé". Se pose aussi la question de sa conformité avec le RGDP. "L'ancienneté des données de scolarité disponibles sur la base active de Parcoursup excède largement les besoins" puisque, au 15 septembre 2019, 817 452 candidats "ont une scolarité suivie de manière exhaustive depuis six ans dans la base active. En pratique, il est possible de connaître avec précision la trajectoire scolaire de la plupart des candidats néo-bacheliers à partir de la classe de cinquième".

"La performance d’affectation des candidats a été surestimée de 16 % dans Parcoursup par rapport à APB" et au total, les performances de Parcoursup sont "globalement similaires à celles d’APB", "le taux d’acceptation des propositions est resté stable entre APB et Parcoursup. Ce taux, d’environ 65 %, suggère qu’environ un tiers des candidats accèdent au supérieur par d’autres outils, échouent au bac, ou ne continuent pas leurs études supérieures."

Les attendus

"La lecture des 'éléments de cadrage national des attendus pour les mentions de licence' permet de relever le caractère disparate des informations apportées. Dans certains cas, celles-ci relèvent de truismes, dans d’autres cas, les informations apparaissent vagues ou sans lien direct avec la mention".

Les commissions d’examen des vœux

Les CEV (commissions d’examen des vœux) peuvent intégrer des éléments "visant, par exemple, à prioriser certaines disciplines ou filières sur d’autres, ou à proposer automatiquement, selon les filières, une inscription pour des modules de remédiation". Elles ont parfois "intégré d’autres paramètres, tels celui du lycée d’origine. Des établissements du secondaire se trouvent alors priorisés dans le classement par rapport à d’autres, sur la base de critères plus ou moins aléatoires, tels celui lié à sa réputation, ou celui, plus objectif, du pourcentage de réussite au baccalauréat." La cour évoque le cas de deux lycées parisiens "ayant eu un taux élevé de mentions très bien au baccalauréat et disposant donc d’une réputation reconnue", "le premier a sous-noté de 1,2 point par rapport à la moyenne générale des lycées quand le second a légèrement sur-noté. À l’inverse, un lycée n’obtenant aucune mention très bien peut soit sur-noter de 1,8 points, soit sous-noter de 1 point."

"Sur la base d’un ensemble d’indicateurs, la Cour a pu mettre en évidence une automatisation croissante du système en 2019 (...). Par ailleurs, le projet de formation motivé, communément appelé 'lettre de motivation', semble n’être presque jamais pris en compte."

Les boursiers

"Les quotas n’ont eu aucun effet significatif sur le plan statistique pour les DUT, les CPGE et les filières universitaires non sélectives en tension. La seule filière pour laquelle les quotas de boursiers ont eu un effet statistiquement significatif sont les sections de technicien supérieur (STS) (...). Si Parcoursup a permis d’augmenter le nombre de propositions faites aux boursiers par rapport à APB (...), il n’a provoqué qu’une légère hausse du nombre d’acceptations de propositions dans l’enseignement supérieur par ces candidats."

Les moyens attribués à l'enseignement supérieur

"Le calcul du taux de pression tel qu’il a été défini ne reflète pas la réalité des filières en tension (...). Certaines formations qui présentaient un taux de pression très élevé, avec au moins 40 candidatures pour une place, ont finalement enregistré un taux de remplissage inférieur à 80 % dans Parcoursup (...). La méthode de calcul retenue par le ministère a pu engendrer le financement de places n’accueillant finalement aucun étudiant. Ainsi, sur 21 239 places supplémentaires financées en 2018-2019 à l’université, 8 107 n’ont pas été honorées.".

Les bacheliers professionnels

"Si plus de 80 % des bacheliers professionnels qui choisissent de poursuivre leurs études supérieures ont souhaité s’orienter en STS entre 2014 et 2016, seuls 66 % sont parvenus à accéder à cette formation sélective (...). Les autres se sont soit orientés par défaut en licence, comme c’est le cas de 7 000 d’entre eux en 2016, soit ont renoncé à l’enseignement supérieur."

Les "oui si"

En 2019-2020, 807 formations, soit 33 % des formations en licence sur Parcoursup, ont proposé à 172 260 candidats une proposition d’admission à condition de suivre un dispositif 'oui si'. Seuls 22 205 ont accepté cette proposition (...). Parmi les étudiants ayant accepté en 2018 un parcours 'oui si', seuls 85 % se sont présentés à l’université à la rentrée (...). Parmi les 53 universités ayant déclaré un dispositif 'oui si' en 2018, onze n’ont pas obligé leurs étudiants identifiés 'oui si' sur Parcoursup à s’inscrire dans les dispositifs de remédiation. En outre, la plupart des étudiants s’étant inscrits dans ces parcours se sont montrés peu assidus mais 30 universités ont indiqué ne pas sanctionner les étudiants absents malgré l’obligation de suivre ce cursus."

Le rapport ici



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