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École inclusive : des exemples de travaux et de pratiques utilisant l'intelligence artificielle et présentées au salon Educatec-Educatice

Paru dans Scolaire le lundi 25 novembre 2019.

Constituer un réseau de recherche consacré à l'intelligence artificielle en enseignement ; promouvoir la recherche-action dans ce domaine et mettre en place des incitations pour les enseignants, comme des décharges horaires et des aménagements, pour qu'ils se saisissent des dispositifs en la matière ; pour la formation des élèves, enrichir les référentiels d'apprentissage sur le sujet des enjeux liés aux algorithmes et aux usages des données, en particulier le socle commun de connaissances, de compétences et de culture sur ce sujet ; au niveau institutionnel, mettre en place un observatoire participatif du numérique en éducation : telles sont quelques-unes des recommandations faites par une association, #Leplusimportant, qui entend favoriser l'égalité des chances et une société inclusive en proposant notamment des solutions aux pouvoirs publics et en accompagnant des projets de terrain pour "démultiplier leur impact social". Ces propositions sont tirées d'un rapport collectif qui a été élaboré sur plus d'un an et que l'association a remis, ce mercredi 20 novembre 2019, au ministre de l'éducation nationale sur le salon Educatec-Educatice que ce dernier était venu inaugurer. L'association a également organisé une table ronde consacrée à ce sujet, "Comment mettre l'intelligence artificielle au service de l'École inclusive ?", le vendredi 22 novembre 2019, dernier jour où se tenait le salon à Paris.

Ces échanges ont été l'occasion de mettre en avant des travaux et initiatives menées en la matière, notamment les actuels dispositifs de soutien à la production de ressources numériques utilisant l'IA et en direction des publics souffrant de handicap. Parmi ceux-ci, présentés par Marie-Hélène Ferrand, la coordinatrice de l'observatoire des ressources numériques adaptées à l'INSHEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés), dont le rôle est de recenser, expertiser et donner à voir des ressources qui permettent à la scolarisation des élèves handicapés de se faire dans les meilleures conditions, figure le programme Partenariat d'innovation et intelligence artificielle (P2IA). Ce marché public, lancé à cette rentrée par le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse, vise à encourager le développement, avec les EdTech et les Ed-Lab, de solutions basées sur l'IA pour fournir aux enseignants des services, outils, ressources d'assistance pédagogiques pour la différenciation et la personnalisation des apprentissages en français et mathématiques au cycle 2. À côté fonctionne aussi le dispositif Édu-up, qui propose à des structures privées un accompagnement et des financements pour développer des ressources de la maternelle jusqu'au niveau III (BTS, CPE). De même, la Région de Poitiers, à l'initiative notamment de Canopé, a lancé un créathon, un concours d'innovation numérique et pédagogique autour de la thématique IA et école inclusive. En plus de permettre à tous les candidats de bénéficier de ressources et d'un accompagnement via une plateforme pour élaborer leurs projets, le concours doit permettre aux équipes gagnantes de bénéficier d' "une accélération de projet", via un accompagnement par des experts de l'écosystème numérique. Enfin, l'Académie de Nancy-Metz a mis en place un incubateur académique qui a déjà permis d'installer 9 projets de recherche avec des universités, dont le projet METAL (Modélisation et traces au service de l'apprentissage des langues), ou encore LINUMEN (Littératie et numératie émergentes par le numérique), une application numérique qui permettra un suivi différencié et personnalisé des élèves du début de la moyenne section et à la fin de la grande section d'école maternelle.

À côté de ces incitations à créer des ressources, fonctionnent déjà des outils qui s'appuient sur l'IA : Helpicto, qui propose un assistant de communication pour des jeunes sans langage, qui notamment via la reconnaissance vocale transforme automatiquement le langage parlé en pictogrammes et inversement des pictogrammes en mots ; Kosmo, un robot qui interagit avec son environnement et qui a permis le développement de compétences chez des élèves souffrant de troubles du langage, "comme apprendre à fixer le regard" parce que le robot suscite l'intérêt chez des élèves qui ont du mal avec ces modes de communication ; Lexplore, qui utilise le système d'eye-tracking pour observer le regard de l'élève et repérer les difficultés de lecture ; la plateforme Myelin, espace collaboratif pour partager des informations et bonnes pratiques autour de la prise en charge de l'autisme.

Recherches et initiatives concrètes dans la prise en charge scolaire d'élèves autistes

La prise en charge de l'autisme a d'ailleurs fait l'objet de deux focus. Jacqueline Nadel, directrice recherche émérite CNRS et spécialisée dans le développement de la communication non verbale, a de son côté présenté brièvement les travaux menés depuis près de 6 ans dans deux centres d'enfants souffrant d'autisme sévère, la plupart ayant un trouble mental associé. L'objet de ces travaux vise à transformer, en s'appuyant sur l'IA, le code commun "qui ne peut pas servir" à des enfants qui sont "non verbaux et ont des problèmes de compréhension", mais "ont une pensée sans langage", en des symboles non verbaux qui leur parlent. Car, commente la chercheuse, "des pictogrammes intuitifs pour nous, ne le sont pas pour eux". C'est, par exemple, le cas de la bulle qui signifie "il pense", mais qui ne peut être comprise que de lecteurs. Pour elle, l'IA, peut se révéler "un atout énorme". Par exemple, parce qu'elle peut permettre de "doubler les environnements réels par des environnements de réalité augmentée ou virtuelle", et donc, pour ces élèves, "de vivre des choses qu'ils ne pourraient pas vivre avec un code adapté".

L'organisme de formation spécialisé dans l'accompagnement des enfants et adolescents avec troubles du spectre de l'autisme (TSA), LearnEnjoy, accompagne aussi des recherches dans le domaine, en plus de former quelque 4500 personnes par an qui travaillent dans des établissements spécialisés et des écoles à utiliser des solutions, "validées depuis 2013 par le ministère et l'INSHEA", qui permettent de faire de la pédagogie différenciée. Des travaux actuels, financés par l'Agence régionale de la santé d'Île-de-France, ont déjà permis d'identifier la possibilité de créer des "groupes" d'enfants en fonction de diverses observations. Objectif de ces travaux : "générer des projets individualisés" en utilisant une analyse statistique de données, recueillies à la fois via le numérique mais aussi de l'observation humaine (quels progrès selon les catégories de handicap, dans quels domaines, avec quels supports, etc.), puis une dynamique d'ajustement via l'IA, explique Gaele Regnault,qui a fondé cette start-up de l'EdTech et de l'économie sociale et solidaire avec des enseignants et des psychologues. Et faire, par exemple, que l'on puisse proposer "la même chose à un enfant en Guyane qui serait 'jumeau' d'un élève de l'Essonne".

Difficultés financières, techniques et sociales pour passer de l'expérimental à la généralisation

Si les initiatives existent, certains facteurs peuvent néanmoins nuire à leur généralisation, même lorsqu'elles s'avèrent efficaces. Un bémol à une possible dynamique souligné par José Puig, chargé de mission à la délégation interministérielle pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement et ex-directeur de l'INSHEA. Outre souligner "une résistance profonde de l'organisation scolaire qui n'a pas été conçue pour intégrer", celui-ci relève que les projets peuvent se heurter à des obstacles d'ordre financier : d'abord parce que l'obsolescence rapide des outils utilisés entraîne des problèmes de coûts et de maintenance, ensuite parce que certains projets peinent "à trouver un modèle économique et des financements pérennes pour généraliser". Contraintes qui font que "des exemples de projets très intéressants ont échoué faute de financements".

Celui-ci regrette aussi que, depuis la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, se soit surtout développée la compensation, donc des mesures individuelles et "stigmatisantes", plutôt que l'accessibilité, donc les mesures sur l'environnement. L'enjeu aujourd'hui, selon lui, est de "dépasser la compensation" et d' "inscrire le progrès dans une logique collective". Ce qui passe par l'IA et "un effort de formation car les outils transforment la manière de faire la classe et les modalités d'interactions dans la classe".

Camille Pons

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