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La recherche en éducation a besoin d'éthique (avis du Comité consultatif national d'éthique)

Paru dans Scolaire le vendredi 15 novembre 2019.

"Depuis une vingtaine d’années, la psychologie cognitive et les neurosciences de l’éducation, produisent des résultats qui peuvent conduire à des recommandations de plus en plus précises au sujet des modalités d’enseignement", mais la confrontation de ces résultats à "d’autres positions, originaires de champs d’expertise différents, est à l’origine de débats, voire de franches oppositions", constate le CCNE. Le Comité consultatif national d'éthique ne précise pas s'il fait allusion aux "recommandations" de Jean-Michel Blanquer ou aux réticences venues des sciences de l'éducation, dans l'avis qu'il vient de publier. Celui-ci date du 27 juin et il est, pour l'essentiel, le fruit d'un travail mené en 2016. Ont été auditionnés cette année là, Esther Duflo, Olivier Houdé, Stanislas Dehaene, Anne Christophe, Pierre Léna, Philippe Meirieu, Jean-Michel Blanquer.

Les deux rapporteurs, Lionel Naccache et Frédéric Worms plaident pour l'expérimentation "en situation réelle", afin d'éviter de faire "dépendre nos choix de facteurs arbitraires, d’arguments d’autorité, ou de rapports de force divers". Mais cela suppose un "cadre éthique": "comment minimiser les risques inhérents à l’expérimentation ? comment (...) délimiter le cadre strictement scientifique de la recherche en cours (...) ? Comment aborder la question de l’accord éclairé d’individus mineurs? Comment s’assurer de l’équité sociale de l’expérimentation et de ses retombées ? Sur quels critères déterminer la notion d’efficacité pédagogique ? - Comment gérer le risque de la normalisation méthodologique?"

Les préalables à l'expérimentation

Il faudrait notamment "élaborer un rationnel solide préalablement à l’expérimentation" qui devrait être "la plus courte possible" et "réalisée sur le nombre d’élèves le plus faible possible", recueillir le consentement des parents et des enfants, s'assurer de l'indépendance des chercheurs "vis à vis des institutions décisionnelles", "recueillir l’avis éclairé d’un collège compétent indépendant en amont de l’expérimentation" et créer "un comité opérationnel d’éthique national spécialisé", "favoriser l’analyse, la communication et la discussion critiques de ces recherches", "rappeler régulièrement à tous les intervenants (élèves, enseignants, chercheurs, société civile) pourquoi l’éducation est un droit et non un traitement médical".

Ces recommandations, dont la sélection ci-dessus donne un aperçu ne posent pas la question de leur faisabilité (qui paraît douteuse, ndlr). Le rapport n'examine pas non plus les conditions des expérimentations actuellement en cours, mais il souligne l'importance des travaux menés dans le cadre des sciences cognitives ou des neurosciences en ce qui concerne la méthode syllabique, "le développement conjoint du sens du nombre implicite (ou numérosité) et de l’arithmétique formelle explicite", ou la nécessité d’adapter nos pratiques pédagogiques aux principes d’organisation de la mémoire, de l’attention et des fonctions "dites exécutives". Ces résultats s’appuient le plus souvent sur des expérimentations conduites en laboratoire et "il devient indispensable de tester, confirmer et départager ces résultats" dans des conditions réelles d'enseignement, au risque sinon "d’extrapoler, -à tort -, des résultats qui peuvent être localement valables (contexte expérimental différent des conditions réelles d’enseignement), mais globalement inefficaces ou inopérants".

Les auteurs estiment qu'une "solution rationnelle existe" et ils précisent qu'elle "trouve son origine en médecine à travers la démarche des essais cliniques", qu'elle s’est développée ensuite dans d’autres disciplines, "comme l’économie ou encore l’évaluation des politiques publiques" et que, "dans le domaine de l’éducation, plusieurs travaux ont déjà confirmé la pertinence de telles interventions" (Les auteurs semblent ignorer les mises en garde d'experts sur l'impossibilité de contrôler tous les paramètres qui interviennent dans une classe, ici, ndlr). Cette démarche, ajoutent-ils en effet, permet "d’utiliser une méthodologie rigoureuse (fondée notamment sur la randomisation et la notion d’expérimentation contrôlée), voire de contrôler les biais éventuels". Ils soulignent pourtant que "le contexte éducatif est bien sûr spécifique", qu'il faut tenir compte de "l’effet Hawthorne" (les personnes impliquées dans une expérimentation ont envie qu'elle réussisse). Ils mettent en garde, "si des mesures de performance 'instrumentale' (calcul, lecture...) de l’enfant sont essentielles, l’évaluation de l’esprit critique ou de la créativité, qui peut être moins simple à mesurer, l’est également". Pour eux, "l’expérimentation en conditions réelles pourrait à terme constituer une branche propre des sciences de l’éducation".

Le site du CCNE ici

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