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P. Meirieu réécrit sa "Lettre à un jeune professeur" et invite à la résistance contre les dérives actuelles

Paru dans Scolaire le jeudi 24 octobre 2019.

"Je crois qu'il est absolument essentiel (...) que vous incarniez, tout au long de votre carrière, la joie d'enseigner et d'inventer au quotidien les moyens de faire accéder chacune et chacun de vos élèves à une culture authentiquement émancipatrice", mais cela suppose "que vous assumiez une fonction de résistance" alors que le métier est "vidé petit à petit de toute possibilité d'initiative et de créativité tant il est enjoint de produire des résultats mesurables grâce à des tests standardisés".

Philippe Meirieu avait publié en 2005 une "lettre à un jeune professeur". Il remet l'ouvrage sur le métier car "c'est peu dire que les choses ont changé... insidieusement d'abord, ouvertement ensuite. Ce n'est pas à une réforme de plus à laquelle nous assistons aujourd'hui, c'est à un véritable changement de paradigme, comme disent les scientifiques." Dans cette nouvelle version comme dans la précédente, il fait l'éloge de la pédagogie en même temps qu'il dresse le tableau d'une administration et d'un ministre, jamais nommé mais toujours présent, qui ne comprennent pas quels sont les ressorts de ce métier, de ce qui lui donne du sens, cette "dimension cachée, à la fois très personnelle et très universelle, qui touche au coeur même du projet d'enseigner". L'auteur y revient à plusieurs reprises, il décrit "l'essentiel", ce moment qui "suppose que le professeur et les élèves (...) se mobilisent ensemble sur un objet culturel : l'effort du premier pour expliquer permet aux seconds d'accéder à la joie de comprendre. Une joie profondément subversive, parce qu'elle dépasse tous les obstacles et tous les clivages. Une joie proprement émancipatrice parce que l'accès à la connaissance donne à voir et à lire (....) toute la richesse du monde et de l'humaine condition."

Contre la psychologie béhavioriste

Cette "joie", ce "presque rien" au sens de Jankelevitch, se perd si on raisonne, comme actuellement, en termes de compétences lorsque celles-ci "tournent à vide", "dégagées de l'intentionnalité qui les porte". L'administration n'est pas responsable de tout. "Les élèves dans nos classes, ne sont pas seulement trop nombreux, ils sont aussi complètement différents de ce que (les jeunes enseignants auxquels il s'adresse, étaient) il y a encore cinq ou six ans (...). La pression médiatique s'exerce en permanence sur des enfants et adolescents qui basculent, partout, dans le passage à l'acte."

Mais il faut aussi compter avec "l'invocation des sciences cognitives, des neurosciences et de l'intelligence artificielle" qui, en réalité, convoque "la bonne vieille psychologie béhavioriste", cette théorie qui "fait l'impasse sur le sujet et son intentionnalité pour s'en tenir à l'acquisition de comportements séquencés" alors que la pédagogie "ne peut se réduire à une simple remédiation technique". La théorie de "l'école efficace" comporte "de dangereux présupposés" car elle ne dit jamais en quoi elle est "efficace". Philippe Meirieu dénonce une "pédagogie scientifique" où les enseignants n'auraient plus "qu'à appliquer des procédures standardisées dans un système contrôlé par des évaluations permanentes". Et pour lui, "le temps est venu (pour les organisations professionnelles) d'entrer clairement en résistance contre de telles dérives" et pour les enseignants "de réaffirmer avec force leur identité pédagogique".

"Lettre à un jeune professeur", ESF éditeur, 168 p., 12,90€

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