Scolaire » Actualité

Financements des manuels scolaires, équipements numériques et haut débit... : les Régions sont confrontées aux réformes des lycées

Paru dans Scolaire le lundi 14 octobre 2019.

"Clairement, il n'y aura pas les moyens." C'est ainsi que Kamel Chibli, président de la commission éducation de Régions de France et vice-président délégué à l'éducation, la jeunesse et au sport de la Région Occitanie / Pyrénées - Méditerranée, résume la situation des Régions concernant la réforme du lycée général et technologique et celle du lycée professionnel. Des réformes qui impactent dès cette rentrée l'ensemble de ces collectivités. Le président de la commission éducation s'est exprimé sur les conséquences déjà visibles ou à venir de ces réformes avec d'autres représentants de Régions membres de l'association Régions de France, réunis à son initiative mardi 8 octobre 2019 à Montpellier, pour échanger autour des politiques et initiatives développées autour du numérique éducatif (lire ici). Augmentation des budgets dédiés à l'aide à l'achat des manuels scolaires, réflexions autour des transports alors que les Régions n'auront vraisemblablement pas les moyens d'ouvrir de lignes supplémentaires, nécessité d'investir dans de nouveaux équipements numériques et d'accroître le débit comptent parmi les principales difficultés pointées du doigt par les Régions.

Le financement des manuels est en effet la première difficulté à laquelle ces collectivités ont d'ores et déjà dû faire face, puisque la réforme des programmes a imposé, dès cette rentrée 2019, le changement de l'ensemble des manuels pour les secondes et premières. Ce changement concernera, en outre dès la rentrée suivante, les manuels de terminale. Ce qui représente, commente un représentant de Régions de France, membre des comités de suivi de la réforme du LGT et du lycée professionnel, 8 à 9 manuels par élève, pour un coût unitaire en moyenne de 20 euros, et ce, pour les trois niveaux du lycée. Or, comme le souligne encore ce représentant de l'association, l'ensemble des Régions avait déjà mis en œuvre des systèmes d'aide à l'achat de ces manuels, voire décidé leur prise en charge financière intégrale, comme c'est le cas de la Région Occitanie. Un "engagement" sur lequel elles n'ont "pas voulu revenir" et qui affecte donc les budgets.

Anticipant sur cet impact, cinq Régions, Centre Val de Loire, Grand-Est, Île-de-France, Nouvelle Aquitaine et Occitanie, avaient d'ailleurs travaillé ensemble pour monter un marché commun pour l'achat de manuels numériques. Lancé au printemps dernier pour cette rentrée, ce marché commun visait à faire évoluer l'offre des éditeurs d'un point de vue qualitatif mais aussi à négocier les tarifs.

Numérisation des résultats du contrôle continu : "il faudra s'organiser au niveau local"

L'impact pourra se faire sentir également au niveau des équipements numériques, même si certains territoires, comme l'Occitanie qui est aujourd'hui plutôt bien "équipée", seront moins impactés que d'autres. Par exemple pour l'équipement numérique qui doit servir le nouvel enseignement de spécialité "numérique et sciences informatiques". Le représentant de Nouvelle Aquitaine explique que pour sa région l'impact se ressentira à la fois sur les "machines", mais aussi sur la partie à enseigner aux élèves. Les approches introduites dans la spécialité concernant les réseaux, les tests de sécurité, les montages... nécessiteront, indique-t-il, de "monter un réseau pédagogique en parallèle", puisqu'il n'est pas question ici "de laisser les clés aux élèves" des infrastructures et outils en usage pour les établissement et "de les laisser bricoler dessus".

La réforme du bac nécessitera aussi de numériser et de transmettre les copies dans le cadre du contrôle continu introduit au bac, donc de mobiliser davantage de débit. Si, selon Régions de France, le ministère a pourvu quasiment tous les lycées à ce jour des équipements qui permettront de numériser ces résultats, le bon fonctionnement dépendra surtout de "négociations locales". Celles-ci devront définir les "usages à privilégier" pour notamment éviter les envois aux mêmes moments qui risqueraient de "boucher les bandes passantes".

Autre sujet sensible, l'adaptation des transports du fait d'amplitudes horaires plus importantes. Pas question de mettre en place des lignes supplémentaires pour lesquelles "les Régions n'ont pas les moyens", affirme Kamel Chibli. D'autant que le problème se double d'un autre phénomène, la difficulté à recruter des chauffeurs. À l'État de "faire en sorte que les emplois du temps collent aux lignes actuelles", estime-t-il.

Comment fournir le premier équipement professionnel pour des jeunes inscrits dans des familles de métiers composites ?

Autre souci évoqué, un futur impact sur l'aménagement du territoire, auquel par exemple la Région Occitanie tient beaucoup. "Pour la carte des formations, on sait qu'on aura zéro poste de plus, ou quasiment, pas de moyens supplémentaires alors que l'on souhaite continuer l'irrigation des formations sur tout le territoire", poursuit Kamel Chibli, qui se dit inquiet, dans ces conditions, "surtout pour l'année N+1 et l'année du bac". Ce problème d'ailleurs ne touche pas que les enseignements professionnels mais aussi les nouvelles spécialités du bac. "Ils ont réussi cette année à irriguer dans les territoires au moins les enseignements de spécialités 'de base'. Mais ça ne durera pas", commente Simon Martinez, le directeur délégué éducation jeunesse à la Région Occitanie qui imagine avoir à faire à une possible "carte de rationalisation des formations dès la rentrée prochaine". Car, faute de moyens, des établissements pourraient ne plus voir fonctionner certains enseignements de spécialité où seuls 2 ou 3 élèves s'inscriraient, en zones rurales par exemple.

Autre souci pour la voie professionnelle en Occitanie, la réforme aura un coût pour l'opération premier équipement professionnel. Instaurée depuis quelques années, l'opération consiste à fournir gratuitement outillages et vêtements nécessaires aux lycéens et apprentis inscrits en formation professionnelle dans un établissement public ou privé sous contrat avec l'État (mesure d'abord initiée dans l'ancienne Midi-Pyrénées puis étendue à l'ensemble de la nouvelle région à la rentrée 2017). Selon Simon Martinez, la réforme introduit une difficulté avec l'instauration de "familles de métiers assez composites" en seconde : celle de savoir désormais "comment équiper" précisément un jeune. Même si un travail de réflexion est actuellement mené avec la DAFPIC (Délégation académique aux formations professionnelles initiale et continue), pour revoir les contenus des dotations ou pour flécher ces dernières aux établissements, la collectivité "n'en sortira pas indemne", estime le directeur délégué.

Cette Région devrait aussi être davantage impactée du fait de son dynamisme démographique. Selon Kamel Chibli, actuellement sur 50 lycées neufs qui ouvrent en France, 10 sont construits dans cette région qui connaît, hors outre-mer, "la plus forte hausse des effectifs en lycée".

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →